"Sincerely Harry", de Michael Beatty

Je viens d'acquérir et de dévorer (il se lit très vite) ce petit livre de Michael Beatty autoédité sur Lulu il y a quelques temps. C'est un recueil de nombreuses lettres écrites par Wilde entre 1894 et 1912 (la dernière est écrite sur le Titanic, à Queenstown), qui ont été vendues aux enchères il y a quelques années. Ces lettres sont très intéressantes pour comprendre qui était l'homme derrière les photos : un homme fou de sa femme (avec qui il faisait de petites blagues pendant son voyage de noces en... remplissant de journaux les bottes laissées sur leur pas de porte par les autres occupants de l'hôtel ), très triste de ne pas pouvoir voir souvent sa famille (notamment lorsqu'il servait sur le Canopic, depuis l'Italie, donc bien loin de Liverpool), et très attentionné.



On le voit, dans les temps difficiles de 1909, s'inquiéter du cancer de son beau-père, puis vivre de plein fouet la perte de sa femme en décembre 1910. Les lettres des mois qui suivent, alors qu'il est en formation pour intégrer la Reserve, sont déchirantes : Wilde va très mal, sa vie n'a plus de sens, il souffre dès qu'il voit des endroits lui rappelant sa femme... Le livre confirme également qu'il semble avoir commandé pour un voyage le Zealand, en avril 1911, mais ce commandement est amer : Wilde se désespère que sa femme n'ait pas pu le voir enfin au sommet. Et ce n'est qu'un commandement temporaire.

Enfin, finalement, on le voit à l'approche du voyage sur le Titanic, apprenant que son commandement du Cymric lui passe temporairement sous le nez du fait de la grève ; se demandant s'il devra faire le voyage sur le Titanic ou s'il doit juste s'en occuper à Southampton ; s'il aura le temps de voir ses enfants... Un constat cependant : toutes ses lettres écrites à bord le montrent très satisfait du navire, même si ce changement de ses plans le dépite un peu. On est très loin de la célèbre citation "je n'aime décidément pas se bateau", rapportée initialement par G. Marcus dans son Maiden Voyage, mais dont on n'a pas la source. Si la lettre en question existe, elle contredit tout ce qu'il écrit dans les autres... et n'a toujours pas été retrouvée !

En tout cas, un livre précieux si vous vous intéressez au chef officier du Titanic ! Vous pouvez le commander ici

Ça a l'air d'être un livre sympa et en même temps émouvant sur la vie de Wilde, notamment pour la période du décès de son épouse.
Si je ne me trompe pas, c'est un des seuls livres entièrement consacré à Henry Wilde.

Joris

Je pense que c'est même le seul à l'heure actuelle !

Merci Antoine pour le partage. Ce livre devra être très intéressant. Je vais le commander. J’espère que c’est disponible en Grèce.

Elles sont géniales ces anecdotes. Il avait beaucoup d'humour et aimait tant sa femme. C'est tellement triste de voir à quel point sa disparition l'a dévasté.
A qui d'autres écrit-il ses lettres ?

Dans le livre, les lettres sont surtout à sa sœur, sa belle-sœur, son beau-frère, mais il me semble qu'il y en a aussi à sa fille, à ses neveux, et sa femme.

Merci pour l’information Antoine

C'est très émouvant de lire tout ça, j'ai donc bien envie de me procurer ce recueil. Le pauvre, on ne peut s'empêcher d'imaginer sa souffrance.

Oui il était très malheureux.

Je viens enfin d'entamer ce livre commandé suite à la recommandation d'Antoine et j'ai pu déjà remarquer une petite anecdote sympathique qui m'a rappelé mon voyage en Irlande il y a quelques années.

Après leur mariage, Wilde et sa femme sont partis quelques jours dans le comtré d'Antrim, tout au nord de l'île, dans la partie anglaise. Ils séjournent dans une petite ville portuaire, Portrush, qui n'est très éloigné de la Chaussée des Géants, une magnifique formation volcanique, à la forme de pavés, qui a nourri bien des légendes.

Dans sa lettre, Wilde évoque à sa belle-sœur leur intention d'aller visiter ce site et ses environs. Sur wikipedia, on trouve mention d'un tramway reliant Portrush à la Chaussée. Je ne sais pas s'ils ont effectué leur périple de cette façon, mais c'est une possibilité. Dans les environs de la Chaussée, il y a Bushmill, célèbre pour ses distilleries, ainsi que les ruines du château de Dunluce, assez impressionnantes.

Je trouvais assez marrant finalement de voir que ces lieux étaient déjà touristiques à l'époque, et qu'ils le sont restés un siècle après.

Dans un autre registre, Wilde, officier à bord du Persic, évoque un futur voyage Londres-Anvers après son retour d'Australie. Il dit également que c'est rare pour lui de travailler aussi longtemps sur le même paquebot (1 an ici) et je m'interroge : est-ce que c'était courant que les navires changent de ligne d'un voyage à un autre ? Je pensais qu'il aurait rempilé pour un aller-retour jusqu'en Océanie.

Merci pour le partage. C’est sublime. Manny à mon avis oui les navires changent de ligne, mais je ne suis pas complètement sûre.

Un livre qu'il va falloir que je lise sans trop tarder.

Sinon, ça ne m'étonne pas du tout que la chaussée des Géants était déjà un site touristique à cette époque, mais je me demande de quand date exactement la fréquentation du lieu, son "invention" comme on dit.

Edit : Wikipedia donne quelques infos sur la découverte de la chaussée des Géants, et ça reprend le schéma classique de la naissance d'un site touristique. D'abord un intérêt scientifique et/ou artistique, ici un premier article sur la Chaussée publié en 1693 à la Royal Society de Londres, puis une reconnaissance artistique avec diffusion d'images : aquarelles de la Chaussées réalisées en 1739 par une artiste, récompensées par la Royal Society, encore, et finalement diffusées au grand public sous forme de gravures. Une belle com pour le site. Enfin, la touche finale c'est l'accès au site, ici avec la création du tramway que tu as mentionné, au début du XIXe siècle. Tramway qui a permis aux touristes d'affluer en grand nombre.

Wilde a-t-il écrit ce qu'il a pensé de sa visite du site ?

Tiphaine a écrit:Un livre qu'il va falloir que je lise sans trop tarder.

Sinon, ça ne m'étonne pas du tout que la chaussée des Géants était déjà un site touristique à cette époque, mais je me demande de quand date exactement la fréquentation du lieu, son "invention" comme on dit.

D'après l'ami Wiki, le site était surtout connu des locaux jusqu'au XVIème siècle. C'est un article paru à Trinity College qui fit connaître le site plus largement. Pour ce qui est du tourisme, c'est grâce à des représentations de Susanna Drury que la Chaussée a acquis sa notoriété dans la première moitié du XVIIIème. Cette gravure fait partie d'un ensemble qui fut publié dans l'Encyclopédie de Diredot et d'Alembert :


Avec l'ouverture de la ligne de tramway, le tourisme s'est développée tout au long du XIXème siècle. C'est donc une fréquentation progressive.

Ce serait intéressant également de savoir quand a commencé à émerger la légende du géant Fionn Mac Cumhaill, où plutôt quand elle a été "redécouverte". J suppose qu'à l'instar des légendes arthuriennes, ce sont des textes anciens, datant peut-être de l'Antiquité tardive (mais là je m'avance vers un terrain que je ne connais pas).

Croisement de posts

Manon, si ça t'intéresse, voici un livre de 1887 dans lequel une écrivaine anglaise, Dinah Maria Cairk, parle de son expérience du tourisme en Irlande. Le chapitre sur la Chaussée des Géants débute p. 59. Il y a aussi des illustrations. Enjoy !

https://play.google.com/store/books/details?id=q3EuAAAAMAAJ

Miss Mulock

Tu déniches toujours de ces documents toi, c'est un art à ce stade.

Je me garde ça en réserve, histoire de m'exercer un peu.
Je vois qu'elle a aussi publié des récits de son/ses voyage(s) dans les Cornouailles, cette région qui est sur ma liste d'endroit à visiter !