Lightoller : le menteur ?
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PhilC
Tiphaine
Lili.marlene3945
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Lightoller : le menteur ?
Bonjour à tous,
Tout d'abord, comme probablement plusieurs d'entre vous le savez probablement, je suis en train de traduire les témoignages de la Commission d'Enquête Britannique, et depuis le 18 août dernier -- et sûrement encore pour au moins un mois -- je suis dans celui de Lightoller. Avant de lire ce témoignage, je n'avais aucun préjugés à l'égard du principal intéressé : ni positif, ni négatif. En fait, je le connaissais peu. Donc pas d'a priori. Et c'est ce qu'on demande aux historiens, après tout, non ?
Eh bien au gré de ma traduction, j'ai fait une découverte que je désire ici partager avec vous tous. Et afin de vous prouver que ma démarche intellectuelle n'est pas du "n'importe quoi" mais qu'elle est bel et bien inhérente à ma formation d'historienne à la fac, je vais vous la détailler et l'expliquer. Bien sûr, une théorie se doit d'être démolie pour que la connaissance avance, et donc ne vous gênez pas si toutefois vous étiez en mesure de démontrer le contraire.
Donc voici tout d'abord le contexte :
La version la plus colportée -- et peut être l'une des plus fausse -- de l'histoire du Titanic est le suicide de Murdoch, qui aurait fait cela après avoir tiré sur un ou des passagers (d'ailleurs, quelqu'un sait d'où sort cette histoire ??). Bien sûr, cette histoire a créée tout un émoi chez les collègues du principal intéressé, mais également et on le devine aisément, chez son épouse, madame Murdoch. Afin de calmer cette dame et la rassurer. Ainsi lui a-t-il écrit une lettre, le 24 avril 1912, dont le principal extrait (traduction de moi-même à partir du site "williammurdoch.net") est celui-ci : "Je réfute les rapports publiés dans les journaux . Je suis pratiquement le dernier homme, et sûrement aussi le dernier officier à avoir vu monsieur Murdoch. Il s'efforçait alors de lancer à l'eau le canot pliable situé à l'avant du côté tribord. Les rapports faisant mention d'autre chose sont absolument faux. Monsieur Murdoch est mort comme un homme (...)"
À l'instant où il dit avoir vu une vague emporter Murdoch, Lightoller était du côté bâbord sur le pont des embarcations, en train de larguer le dernier canot de sauvetage, avant lui-même de marcher dans l'eau puis de nager vers le nid-de-pie qu'il voulait atteindre pour être au sec, avant de réaliser que celui-ci coulerait aussi. Il a rebroussé chemin, fut submergé lorsque la cheminée tomba sur la passerelle, puis fut rejeté à la surface par l'air chaud d'une canalisation de ventilation qui laissait échapper les derniers mètres cube d'air qui restait dans le navire avant qu'il en coule définitivement. Le reste appartient à l'Histoire.
Cependant, je crois avoir découvert que dans cette lettre, Lightoller a sciemment menti à Ada Murdoch.
Premièrement, nous sommes bien d'accord qu'il dit à la veuve éplorée qu'il était du côté bâbord du navire lorsqu'il a vu Murdoch qui lui, s'occupait à la même tâche que lui (larguer les canots) mais du côté tribord, donc de l'autre côté du pont des embarcations ? Si oui, il y a un problème majeur, car à la question 14048 de son témoignage, le procureur demande à Lightoller la question suivante (encore une fois, la traduction est la mienne) :
14048: "Vous avez utilisé une expression il y a tout juste quelques instants qui à votre connaissance, était le dernier canot de sauvetage à quitter le navire. Pourriez-vous nous dire, si vous avez été en mesure d'observer, pendant tout ce temps, ce qui se passait sur le pont des embarcations du côté tribord ?
Lightoller : " Non, aucun signe. Vous ne pouvez pas voir de l'autre côté!"
"Vous ne pouvez pas voir de l'autre côté!"...
J'imagine que vous voyez là où le bât blesse, n'est-ce pas ?
Donc s'il ne pouvait PAS VOIR de l'autre côté, comment a-t-il pu voir la fin de Murdoch ? Et quand on regarde le Titanic, même avec une petite maquette, vous vous rendez compte qu'effectivement, sur le toit du quartier des officiers, vous ne pouvez pas voir, car il y a les évents de chaufferie qui cachent la vue, mais également une partie de la superstructure et la première cheminée qui se trouve de biais. Sans parler du reste, car on peut supposer qu'il y avait pas mal de monde; Murdoch ne devait pas être seul à cet endroit!
Maintenant ce qui différencie la science historiographique du journalisme, c'est la méthodologie. En Histoire, nous faisons une enquête de police et interrogeons des témoins... À la seule différence que nos témoins sont tous morts. Nous devons donc essayer d'analyser le plus objectivement possible ce qu'ils nous ont laissé, soit leurs écrits, archives, etc. Cette critique qui nous servira d'analyse, se fait en deux temps : premièrement la critique externe d'un document (support utilisé, encre, papier, en tête, signature, etc. ce qui n'est pas nécessaire ici) et la critique interne, c'est à dire le contenu du document, qui doit être confronté avec ce que nous savons déjà comme certain dans l'histoire de son auteur, afin de déterminer les raisons qu'il aurait eu de mentir ou d'omettre certains faits afin d'en déterminer la crédibilité. Ainsi, à titre d'exemple, un document autobiographique de Rudolf Höss, le commandant du camp d'extermination d'Auschwitz est probablement beaucoup moins crédible en soi qu'un pareil document rédigé par Albert Speer, l'architecte de Hitler. Pourquoi ? Eh bien parce que Höss a écrit son livre (Le commandant d'Auschwitz parle) en 1945-1947 alors qu'il attendait son procès et sa sentence de mort. La critique interne du document, par exemple, nous dit qu'il essayait d'atténuer ses actions et de réduire la portée de ses actes en les rejetant sur les autres (sur le lagerfüghrer à titre d'exemple ou même sur les victimes). Il avait donc une raison bien évidente de ne pas dire toute la vérité car il avait tout à perdre. Ce qui n'était pas le cas de Albert Speer, architecte de Hitler et Ministre de l'Armement à partir du 9 février 1942 suite à l'accident de Todt, son prédécesseur. On peut croire que le document écrit par cet homme est beaucoup plus crédible, et qu'il doit même être à 90% juste. Pourquoi ? Eh bien parce que Speer l'a écrit après 1945, c'est à dire à une époque où il avait été jugé au Tribunal de Nuremberg, condamné à 20 ans de prison et qu'il savait fort bien qu'il n'aurait jamais de remise de peine. Il avait donc aucune raison de mentir. Et le seul sujet sur lequel il l'a fait, nous le savons grâce à des archives depuis peu, est au sujet de la réunion des industriels en 1943 où Himmler a clairement parlé de la shoah. Donc voilà pour cette théorie.
Maintenant si nous revenons à Lightoller, avait-il des raisons de mentir ? La réponse, pour ma part, est "oui". Pourquoi ? Parce que cette lettre a été écrite immédiatement après la catastrophe (dix jours exactement) et que c'est une réaction "à chaud" suite à ce que les journaux avaient publié au sujet de Murdoch (suicide, meurtre). Certes, on peut imaginer que Lightoller a été absolument atterré de voir une telle version (probablement en a-t-il pas entendu parler avant ça) et son réflexe a été de "sauter" sur le premier papier et crayon qu'il a trouvé avec l'idée de rassurer la pauvre veuve. Une réaction humaine, de compassion que ni vous ni moi ne pouvons lui reprocher. Et la date nous annonce autre chose : la lettre a été écrite avant la mise en place de la Commission d'Enquête Britannique. Donc, Lightoller ignorait qu'il allait devoir témoigner et croyait peut-être que seule la Commission sénatoriale serait suffisante pour faire la lumière (d'ailleurs, il était encore en Amérique si on se fie à la date) sur le sujet. Donc s'est-il probablement dit, un "petit mensonge joyeux" si vous me permettez l'expression, sera sans doute bienvenu et ne fera de mal à personne.
Cependant, il n'avait précisément pas prévu la Commission Britannique.
Celle-ci était officielle; un juge la présidait; des procureurs assistaient ce dernier. Bref : un cadre officiel duquel il se devait de donner un témoignage le plus juste et vrai possible (sans quoi il risquait des poursuites qui auraient pu le mener en prison puisque Lord Bigham avait de tels pouvoirs de coercition selon son mandat gouvernemental). On peut donc en inférer, sans risque de se tromper, qu'il y avait davantage de chances qu'il mente dans une lettre à une pauvre veuve que dans une Commission d'Enquête officielle, n'est-ce pas ? Surtout si on trouve un témoignage contraire : dans la lettre, il dit avoir vu Murdoch être emporté par une vague; en répondant aux questions du procureur dans la Commission d'Enquête, il affirme qu'il lui était impossible de voir de l'autre côté. Objectivement parlant, avouez qu'on est davantage tentés de croire qu'il ne pouvait voir de l'autre côté (de simples photos ou une simple maquette du navire le signalent au bon sens!) que de croire qu'il a tout vu.
D'autre part, s'il avait vu Murdoch être emporté par une vague, on peut supposer qu'il l'aurait été à son tour, étant donné que le navire coulait "par la tête" (pour paraphraser Philips) et donc au fur et à mesure qu'il s'enfonçait, il le faisait par les deux côtés en même temps. La gîte n'était que de 5 degrés à ce moment-là, et elle n'était donc pas importante pour faire une différence marquante.
De plus, à la Commission d'Enquête, à aucun moment il ne parle de la fin de Murdoch au procureur qui l'interroge pourtant sur son collègue, et plus particulièrement sur le sujet qui nous intéresse :
voici un autre extrait de la lettre à Madame Murdoch :
"Ayant descendu les canots du toit du quartier des officiers, il n'y avait plus suffisamment de temps pour les mettre à l'eau . Je regardais alors votre mari et ses hommes. Il travaillait fort, s'impliquant personnellement rattrapant les cordages avant des canots. À ce moment, le navire a plongé et nous nous sommes tous retrouvés dans l'eau (...)"
Pourtant, à la Commission d'Enquête il a témoigné :
"13408 Alors parlez-nous de vos dernières 2 ou 3 minutes sur le navire. Qu’avez-vous fait ? ?
J’ai traversé le pont jusqu’au côté tribord du quartier des officiers, sur le dessus du quartier des officiers, afin de voir si je pouvais faire quelque chose du côté tribord, eh bien je ne pouvais pas.
13409 Et aller du côté tribord sur le toit du quartier des officiers, avez-vous pu voir d’autres officiers ?
J’ai vu le Premier Officier travailler sur les câbles du canot d’urgence du côté tribord, évidemment avec l’intention de le retenir et de le rattacher au canot pliable de l’autre côté
13410 L’autre canot pliable ?
Oui
13411 C’était monsieur Murdoch ?
Oui.
13412 Y avait-il d’autre hommes pour l’aider ?
Il y en avait un grand nombre autour pour aider.
13413 Alors qu’est-il arrivé ?
Eh bien il [le navire] a semblé prendre une plonge et j’ai marché jusqu’à l’eau
13414 Aviez-vous votre ceinture de sauvetage ?
Je l’avais.
13415 Vous devriez nous dire ce qui vous est arrivé.
Eh bien j’ai nagé vers la tête du navire, le nid-de-pie. Je pouvais voir le nid-de-pie. L’eau était intensément froide, et l’instinct naturel peut pousser quelqu’un à sortir de l’eau. Je ne sais pas si j’ai nagé vers le mât de misaine avec cette idée, mais bien sûr j’ai vite réalisé que c’était plutôt une idée folle, alors je me suis tourné pour me dégager du navire vers tribord. La prochaine chose que j’ai su, était que j’étais près des conduits d’aération sur la partie avant de la cheminée. Il y avait une grille.
13416 Montrez-nous ce que c’était
(le témoin pointe le modèle) La partie avant de la cheminée est la même que celle sur la poupe ici. (...)".
S'il avait vraiment vu Murdoch être emporté par une vague, il l'aurait dit au procureur qui l'interrogeait précisément sur cela. Encore une fois ici, la prudence nous dit qu'il peut s'agir d'un mensonge dans la lettre et de la vérité ici. Il était sous serment. De plus, cette fois (soit 24h après avoir dit qu'il ne voyait pas de l'autre côté du navire) il "voit de l'autre côté" !!! Ici aussi on a un paradoxe. On ne peut à 100% le résoudre, mais on est en droit de se dire que le fait est qu'il ne voyait probablement pas de l'autre côté. Puisque Murdoch est venu sur le tapis, c'est probablement à ce moment là que lui serait venu à l'esprit cette lettre à madame Murdoch, contrairement à la veille où aucune mention de Murdoch a été faite. Il aurait donc essayé de légitimé ce mensonge en lui donnant un contenant de vérité... à défaut du contenu!
Remarquez également le changement de version entre la lettre et la Commission d'Enquête : dans la première, il dit qu'Il a été emporté par une vague, tandis que dans la seconde, la Commission, il affirme avoir simplement marché à l'eau puis nagé. Encore ici une version contradictoire. Laquelle croire ? La plus plausible, bien sûr, c'est à dire là où il était sous serment, devant des officiels, alors qu'il n'avait personne à rassurer; aucune geste de compassion à faire envers une veuve.
Ainsi, en conclusion, on peut affirmer sans trop se tromper que les propos de la lettre à Ada Murdoch était en grande partie fausse, et que la motivation pour le faire était humaine et on ne peut le lui reprocher, au plan humain. Cependant, au point de vue de l'Histoire, il a embrouillé encore bien davantage une Histoire, celle du Titanic, qui l'était déjà suffisamment, et comme je crois personnellement que l'Histoire est à la Race humaine ce que la psychologie est à l'individu, il devient difficile de "faire une thérapie" alors que l'histoire clinique est parsemée de mensonges, de demies vérités et d'omissions... Ne trouvez-vous pas ?
ET
J'aurais besoin de votre aide à tous si vous êtes en mesure de le faire : j'ai lu à quelques reprises que Lightoller était considéré comme un "company man" c'est à dire qu'il protégeait son employeur bien davantage que le simple bon sens ne le permet. Bien sûr, dans son témoignage-fleuve, il a quelques prises de becs avec le procureur et l'avocat Scanlan qui veulent lui faire dire que la White Star Line a "manqué le bateau" si vous me passez l'expression(lol!!) en ne mettant pas explicitement dans sa procédure en mer qu'Il est obligatoire de réduire la vitesse dans les régions réputées pour avoir de la glace, ce à quoi Lightoller répond stupidement qu'à ce compte, toutes les compagnies et tous les capitaines sont coupables et doivent être arrêtés par le Board of Trade, mais à part 2 ou 3 trucs comme ça, je ne trouve encore nulle part la justification de cette réputation et d'où elle vient.
Quelqu'un parmi vous est-il informé et pourrait-il nous éclairer sur cet aspect de Lightoller ? J'aimerais pouvoir ajouter une petite note de bas de page afin d'informer mon futur lecteur d'où vient cette réputation. Merci!
PS: en passant, et désolée si ce post-scriptum est un peu "hors sujet" ici -- mea culpa, chers modérateurs -- mais il y a une théorie qui expliquerait que Fleet n'ait pas vu le iceberg à temps; pourquoi beaucoup de témoins (Beasley, Fleet, Lightoller, Boxhall, Smith, Lord, Symons, etc.) ont dit qu'en 100 ans une telle météo (mer d'un calme plat, étoiles très brillantes, température très froide, etc.) n'avait jamais été vue sur l'Atlantique Nord; et aussi, pourquoi le Californian n'est pas venu au secours du Titanic, et cette théorie est celle d'un mirage froid (documentaire de Tim Maltin, historien britannique, intitulé "Titanic : Case Closed" ou en français "Titanic : Affaire Classée" (gratuit sur youtube et complet :https://youtu.be/lMoUKQbnqCY ). J'ai presque terminé un article sur le sujet, et j'aimerais bien pouvoir vous mettre disponible cet article qui pourrait s'avérer être intéressant, cependant, je n'ai pas de site web, donc je me demandais si quelqu'un aurait une idée à ce sujet où je pourrais publier cet article ? D'ailleurs, en primeur je vous l'annonce : j'ai communiqué avec Tim Maltin et il m'autorise à étoffer les traductions de la Commission d'Enquête avec ses schémas et photos au besoin, alors je suis très contente! Je lui poserai aussi la question pour mon article et s'il l'autorise, celui-ci sera également étoffé. Voilà donc. Encore mille excuses aux modérateurs! :-)
Tout d'abord, comme probablement plusieurs d'entre vous le savez probablement, je suis en train de traduire les témoignages de la Commission d'Enquête Britannique, et depuis le 18 août dernier -- et sûrement encore pour au moins un mois -- je suis dans celui de Lightoller. Avant de lire ce témoignage, je n'avais aucun préjugés à l'égard du principal intéressé : ni positif, ni négatif. En fait, je le connaissais peu. Donc pas d'a priori. Et c'est ce qu'on demande aux historiens, après tout, non ?
Eh bien au gré de ma traduction, j'ai fait une découverte que je désire ici partager avec vous tous. Et afin de vous prouver que ma démarche intellectuelle n'est pas du "n'importe quoi" mais qu'elle est bel et bien inhérente à ma formation d'historienne à la fac, je vais vous la détailler et l'expliquer. Bien sûr, une théorie se doit d'être démolie pour que la connaissance avance, et donc ne vous gênez pas si toutefois vous étiez en mesure de démontrer le contraire.
Donc voici tout d'abord le contexte :
La version la plus colportée -- et peut être l'une des plus fausse -- de l'histoire du Titanic est le suicide de Murdoch, qui aurait fait cela après avoir tiré sur un ou des passagers (d'ailleurs, quelqu'un sait d'où sort cette histoire ??). Bien sûr, cette histoire a créée tout un émoi chez les collègues du principal intéressé, mais également et on le devine aisément, chez son épouse, madame Murdoch. Afin de calmer cette dame et la rassurer. Ainsi lui a-t-il écrit une lettre, le 24 avril 1912, dont le principal extrait (traduction de moi-même à partir du site "williammurdoch.net") est celui-ci : "Je réfute les rapports publiés dans les journaux . Je suis pratiquement le dernier homme, et sûrement aussi le dernier officier à avoir vu monsieur Murdoch. Il s'efforçait alors de lancer à l'eau le canot pliable situé à l'avant du côté tribord. Les rapports faisant mention d'autre chose sont absolument faux. Monsieur Murdoch est mort comme un homme (...)"
À l'instant où il dit avoir vu une vague emporter Murdoch, Lightoller était du côté bâbord sur le pont des embarcations, en train de larguer le dernier canot de sauvetage, avant lui-même de marcher dans l'eau puis de nager vers le nid-de-pie qu'il voulait atteindre pour être au sec, avant de réaliser que celui-ci coulerait aussi. Il a rebroussé chemin, fut submergé lorsque la cheminée tomba sur la passerelle, puis fut rejeté à la surface par l'air chaud d'une canalisation de ventilation qui laissait échapper les derniers mètres cube d'air qui restait dans le navire avant qu'il en coule définitivement. Le reste appartient à l'Histoire.
Cependant, je crois avoir découvert que dans cette lettre, Lightoller a sciemment menti à Ada Murdoch.
Premièrement, nous sommes bien d'accord qu'il dit à la veuve éplorée qu'il était du côté bâbord du navire lorsqu'il a vu Murdoch qui lui, s'occupait à la même tâche que lui (larguer les canots) mais du côté tribord, donc de l'autre côté du pont des embarcations ? Si oui, il y a un problème majeur, car à la question 14048 de son témoignage, le procureur demande à Lightoller la question suivante (encore une fois, la traduction est la mienne) :
14048: "Vous avez utilisé une expression il y a tout juste quelques instants qui à votre connaissance, était le dernier canot de sauvetage à quitter le navire. Pourriez-vous nous dire, si vous avez été en mesure d'observer, pendant tout ce temps, ce qui se passait sur le pont des embarcations du côté tribord ?
Lightoller : " Non, aucun signe. Vous ne pouvez pas voir de l'autre côté!"
"Vous ne pouvez pas voir de l'autre côté!"...
J'imagine que vous voyez là où le bât blesse, n'est-ce pas ?
Donc s'il ne pouvait PAS VOIR de l'autre côté, comment a-t-il pu voir la fin de Murdoch ? Et quand on regarde le Titanic, même avec une petite maquette, vous vous rendez compte qu'effectivement, sur le toit du quartier des officiers, vous ne pouvez pas voir, car il y a les évents de chaufferie qui cachent la vue, mais également une partie de la superstructure et la première cheminée qui se trouve de biais. Sans parler du reste, car on peut supposer qu'il y avait pas mal de monde; Murdoch ne devait pas être seul à cet endroit!
Maintenant ce qui différencie la science historiographique du journalisme, c'est la méthodologie. En Histoire, nous faisons une enquête de police et interrogeons des témoins... À la seule différence que nos témoins sont tous morts. Nous devons donc essayer d'analyser le plus objectivement possible ce qu'ils nous ont laissé, soit leurs écrits, archives, etc. Cette critique qui nous servira d'analyse, se fait en deux temps : premièrement la critique externe d'un document (support utilisé, encre, papier, en tête, signature, etc. ce qui n'est pas nécessaire ici) et la critique interne, c'est à dire le contenu du document, qui doit être confronté avec ce que nous savons déjà comme certain dans l'histoire de son auteur, afin de déterminer les raisons qu'il aurait eu de mentir ou d'omettre certains faits afin d'en déterminer la crédibilité. Ainsi, à titre d'exemple, un document autobiographique de Rudolf Höss, le commandant du camp d'extermination d'Auschwitz est probablement beaucoup moins crédible en soi qu'un pareil document rédigé par Albert Speer, l'architecte de Hitler. Pourquoi ? Eh bien parce que Höss a écrit son livre (Le commandant d'Auschwitz parle) en 1945-1947 alors qu'il attendait son procès et sa sentence de mort. La critique interne du document, par exemple, nous dit qu'il essayait d'atténuer ses actions et de réduire la portée de ses actes en les rejetant sur les autres (sur le lagerfüghrer à titre d'exemple ou même sur les victimes). Il avait donc une raison bien évidente de ne pas dire toute la vérité car il avait tout à perdre. Ce qui n'était pas le cas de Albert Speer, architecte de Hitler et Ministre de l'Armement à partir du 9 février 1942 suite à l'accident de Todt, son prédécesseur. On peut croire que le document écrit par cet homme est beaucoup plus crédible, et qu'il doit même être à 90% juste. Pourquoi ? Eh bien parce que Speer l'a écrit après 1945, c'est à dire à une époque où il avait été jugé au Tribunal de Nuremberg, condamné à 20 ans de prison et qu'il savait fort bien qu'il n'aurait jamais de remise de peine. Il avait donc aucune raison de mentir. Et le seul sujet sur lequel il l'a fait, nous le savons grâce à des archives depuis peu, est au sujet de la réunion des industriels en 1943 où Himmler a clairement parlé de la shoah. Donc voilà pour cette théorie.
Maintenant si nous revenons à Lightoller, avait-il des raisons de mentir ? La réponse, pour ma part, est "oui". Pourquoi ? Parce que cette lettre a été écrite immédiatement après la catastrophe (dix jours exactement) et que c'est une réaction "à chaud" suite à ce que les journaux avaient publié au sujet de Murdoch (suicide, meurtre). Certes, on peut imaginer que Lightoller a été absolument atterré de voir une telle version (probablement en a-t-il pas entendu parler avant ça) et son réflexe a été de "sauter" sur le premier papier et crayon qu'il a trouvé avec l'idée de rassurer la pauvre veuve. Une réaction humaine, de compassion que ni vous ni moi ne pouvons lui reprocher. Et la date nous annonce autre chose : la lettre a été écrite avant la mise en place de la Commission d'Enquête Britannique. Donc, Lightoller ignorait qu'il allait devoir témoigner et croyait peut-être que seule la Commission sénatoriale serait suffisante pour faire la lumière (d'ailleurs, il était encore en Amérique si on se fie à la date) sur le sujet. Donc s'est-il probablement dit, un "petit mensonge joyeux" si vous me permettez l'expression, sera sans doute bienvenu et ne fera de mal à personne.
Cependant, il n'avait précisément pas prévu la Commission Britannique.
Celle-ci était officielle; un juge la présidait; des procureurs assistaient ce dernier. Bref : un cadre officiel duquel il se devait de donner un témoignage le plus juste et vrai possible (sans quoi il risquait des poursuites qui auraient pu le mener en prison puisque Lord Bigham avait de tels pouvoirs de coercition selon son mandat gouvernemental). On peut donc en inférer, sans risque de se tromper, qu'il y avait davantage de chances qu'il mente dans une lettre à une pauvre veuve que dans une Commission d'Enquête officielle, n'est-ce pas ? Surtout si on trouve un témoignage contraire : dans la lettre, il dit avoir vu Murdoch être emporté par une vague; en répondant aux questions du procureur dans la Commission d'Enquête, il affirme qu'il lui était impossible de voir de l'autre côté. Objectivement parlant, avouez qu'on est davantage tentés de croire qu'il ne pouvait voir de l'autre côté (de simples photos ou une simple maquette du navire le signalent au bon sens!) que de croire qu'il a tout vu.
D'autre part, s'il avait vu Murdoch être emporté par une vague, on peut supposer qu'il l'aurait été à son tour, étant donné que le navire coulait "par la tête" (pour paraphraser Philips) et donc au fur et à mesure qu'il s'enfonçait, il le faisait par les deux côtés en même temps. La gîte n'était que de 5 degrés à ce moment-là, et elle n'était donc pas importante pour faire une différence marquante.
De plus, à la Commission d'Enquête, à aucun moment il ne parle de la fin de Murdoch au procureur qui l'interroge pourtant sur son collègue, et plus particulièrement sur le sujet qui nous intéresse :
voici un autre extrait de la lettre à Madame Murdoch :
"Ayant descendu les canots du toit du quartier des officiers, il n'y avait plus suffisamment de temps pour les mettre à l'eau . Je regardais alors votre mari et ses hommes. Il travaillait fort, s'impliquant personnellement rattrapant les cordages avant des canots. À ce moment, le navire a plongé et nous nous sommes tous retrouvés dans l'eau (...)"
Pourtant, à la Commission d'Enquête il a témoigné :
"13408 Alors parlez-nous de vos dernières 2 ou 3 minutes sur le navire. Qu’avez-vous fait ? ?
J’ai traversé le pont jusqu’au côté tribord du quartier des officiers, sur le dessus du quartier des officiers, afin de voir si je pouvais faire quelque chose du côté tribord, eh bien je ne pouvais pas.
13409 Et aller du côté tribord sur le toit du quartier des officiers, avez-vous pu voir d’autres officiers ?
J’ai vu le Premier Officier travailler sur les câbles du canot d’urgence du côté tribord, évidemment avec l’intention de le retenir et de le rattacher au canot pliable de l’autre côté
13410 L’autre canot pliable ?
Oui
13411 C’était monsieur Murdoch ?
Oui.
13412 Y avait-il d’autre hommes pour l’aider ?
Il y en avait un grand nombre autour pour aider.
13413 Alors qu’est-il arrivé ?
Eh bien il [le navire] a semblé prendre une plonge et j’ai marché jusqu’à l’eau
13414 Aviez-vous votre ceinture de sauvetage ?
Je l’avais.
13415 Vous devriez nous dire ce qui vous est arrivé.
Eh bien j’ai nagé vers la tête du navire, le nid-de-pie. Je pouvais voir le nid-de-pie. L’eau était intensément froide, et l’instinct naturel peut pousser quelqu’un à sortir de l’eau. Je ne sais pas si j’ai nagé vers le mât de misaine avec cette idée, mais bien sûr j’ai vite réalisé que c’était plutôt une idée folle, alors je me suis tourné pour me dégager du navire vers tribord. La prochaine chose que j’ai su, était que j’étais près des conduits d’aération sur la partie avant de la cheminée. Il y avait une grille.
13416 Montrez-nous ce que c’était
(le témoin pointe le modèle) La partie avant de la cheminée est la même que celle sur la poupe ici. (...)".
S'il avait vraiment vu Murdoch être emporté par une vague, il l'aurait dit au procureur qui l'interrogeait précisément sur cela. Encore une fois ici, la prudence nous dit qu'il peut s'agir d'un mensonge dans la lettre et de la vérité ici. Il était sous serment. De plus, cette fois (soit 24h après avoir dit qu'il ne voyait pas de l'autre côté du navire) il "voit de l'autre côté" !!! Ici aussi on a un paradoxe. On ne peut à 100% le résoudre, mais on est en droit de se dire que le fait est qu'il ne voyait probablement pas de l'autre côté. Puisque Murdoch est venu sur le tapis, c'est probablement à ce moment là que lui serait venu à l'esprit cette lettre à madame Murdoch, contrairement à la veille où aucune mention de Murdoch a été faite. Il aurait donc essayé de légitimé ce mensonge en lui donnant un contenant de vérité... à défaut du contenu!
Remarquez également le changement de version entre la lettre et la Commission d'Enquête : dans la première, il dit qu'Il a été emporté par une vague, tandis que dans la seconde, la Commission, il affirme avoir simplement marché à l'eau puis nagé. Encore ici une version contradictoire. Laquelle croire ? La plus plausible, bien sûr, c'est à dire là où il était sous serment, devant des officiels, alors qu'il n'avait personne à rassurer; aucune geste de compassion à faire envers une veuve.
Ainsi, en conclusion, on peut affirmer sans trop se tromper que les propos de la lettre à Ada Murdoch était en grande partie fausse, et que la motivation pour le faire était humaine et on ne peut le lui reprocher, au plan humain. Cependant, au point de vue de l'Histoire, il a embrouillé encore bien davantage une Histoire, celle du Titanic, qui l'était déjà suffisamment, et comme je crois personnellement que l'Histoire est à la Race humaine ce que la psychologie est à l'individu, il devient difficile de "faire une thérapie" alors que l'histoire clinique est parsemée de mensonges, de demies vérités et d'omissions... Ne trouvez-vous pas ?
ET
J'aurais besoin de votre aide à tous si vous êtes en mesure de le faire : j'ai lu à quelques reprises que Lightoller était considéré comme un "company man" c'est à dire qu'il protégeait son employeur bien davantage que le simple bon sens ne le permet. Bien sûr, dans son témoignage-fleuve, il a quelques prises de becs avec le procureur et l'avocat Scanlan qui veulent lui faire dire que la White Star Line a "manqué le bateau" si vous me passez l'expression(lol!!) en ne mettant pas explicitement dans sa procédure en mer qu'Il est obligatoire de réduire la vitesse dans les régions réputées pour avoir de la glace, ce à quoi Lightoller répond stupidement qu'à ce compte, toutes les compagnies et tous les capitaines sont coupables et doivent être arrêtés par le Board of Trade, mais à part 2 ou 3 trucs comme ça, je ne trouve encore nulle part la justification de cette réputation et d'où elle vient.
Quelqu'un parmi vous est-il informé et pourrait-il nous éclairer sur cet aspect de Lightoller ? J'aimerais pouvoir ajouter une petite note de bas de page afin d'informer mon futur lecteur d'où vient cette réputation. Merci!
PS: en passant, et désolée si ce post-scriptum est un peu "hors sujet" ici -- mea culpa, chers modérateurs -- mais il y a une théorie qui expliquerait que Fleet n'ait pas vu le iceberg à temps; pourquoi beaucoup de témoins (Beasley, Fleet, Lightoller, Boxhall, Smith, Lord, Symons, etc.) ont dit qu'en 100 ans une telle météo (mer d'un calme plat, étoiles très brillantes, température très froide, etc.) n'avait jamais été vue sur l'Atlantique Nord; et aussi, pourquoi le Californian n'est pas venu au secours du Titanic, et cette théorie est celle d'un mirage froid (documentaire de Tim Maltin, historien britannique, intitulé "Titanic : Case Closed" ou en français "Titanic : Affaire Classée" (gratuit sur youtube et complet :https://youtu.be/lMoUKQbnqCY ). J'ai presque terminé un article sur le sujet, et j'aimerais bien pouvoir vous mettre disponible cet article qui pourrait s'avérer être intéressant, cependant, je n'ai pas de site web, donc je me demandais si quelqu'un aurait une idée à ce sujet où je pourrais publier cet article ? D'ailleurs, en primeur je vous l'annonce : j'ai communiqué avec Tim Maltin et il m'autorise à étoffer les traductions de la Commission d'Enquête avec ses schémas et photos au besoin, alors je suis très contente! Je lui poserai aussi la question pour mon article et s'il l'autorise, celui-ci sera également étoffé. Voilà donc. Encore mille excuses aux modérateurs! :-)
Re: Lightoller : le menteur ?
Bonjour !
Voici un long article, ça fait plaisir.
L'histoire de la lettre à Ada Murdoch est connue de longue date du côté des recherches anglophones et il est généralement admis que, oui, Lightoller aurait mentit. Bien que l'on ne puisse pas dire à quel point. La découverte de la lettre de Lightoller à la veuve de J. Simpson, écrite sur le même modèle, presque à la phrase près, a d'ailleurs renforcé cette idée.
Quant à la question de la place de Lightoller sur le toit du quartier des officiers, elle a également été beaucoup débattue sur les forums anglophones, notamment sur Encyclopedia Titanica. Par manque de temps, je ne peux malheureusement pas entrer dans les détails, mais je t'invite à t'y rendre si ce n'est pas déjà fait. Tu y trouveras de quoi étayer ta réflexion.
En parlant de réflexion, je trouve ta manière de raisonner assez honorable, du fait que tu ne sembles pas être le genre à te laisser abuser par des théories fumeuses. Mais paradoxalement, tu passes un peu rapidement sur la théorie du suicide en affirmant qu'elle est complètement fausse. Sur ce sujet, je ne partage pas ton avis.
Tout d'abord, il y a des témoignages qui font mention de tirs envers des passagers, ainsi qu'un officier s'étant suicidé. Par exemple celui d'Eugène Daly qui affirme avoir vu le corps d'un officier (en admettant qu'il ne ce soit pas trompé dans l'interprétation de l'uniforme) gisant sur le pont.
Ensuite, il y a une anecdote selon laquelle après le naufrage du Titanic, Lightoller serait aller confier la "vérité" à un ami qu'il avait en commun avec Murdoch. Il s'agit de McGiffin, qui était avec eux sur le Medic et occupait le poste de surintendant de la White Star Line à Queenstown en 1912.
D'après une historienne, ce serait le fils de McGiffin, James Oliphant McGiffin, qui aurait partagé cette histoire avec des chercheurs bien des années plus tard. D'après sa version, Murdoch aurait accidentellement tiré sur des passagers, touchant l'un deux à la mâchoire (ce qui correspond étrangement au témoignage d'un survivant, peut-être Daly mais je ne suis plus sûre).
Nous en avons parlé sur ce topic : https://titanic.superforum.fr/t3139-james-mcgiffin-surintendant-de-la-wsl-a-queenstown
J'ai vérifié l'existence de ce fils, et il y a bien un J. Oliphant McGiffin qui apparaît sur un recensement de la famille à Queenstown. Mais les recherches mériteraient d'être poussées plus loin.
Voici un long article, ça fait plaisir.
L'histoire de la lettre à Ada Murdoch est connue de longue date du côté des recherches anglophones et il est généralement admis que, oui, Lightoller aurait mentit. Bien que l'on ne puisse pas dire à quel point. La découverte de la lettre de Lightoller à la veuve de J. Simpson, écrite sur le même modèle, presque à la phrase près, a d'ailleurs renforcé cette idée.
Quant à la question de la place de Lightoller sur le toit du quartier des officiers, elle a également été beaucoup débattue sur les forums anglophones, notamment sur Encyclopedia Titanica. Par manque de temps, je ne peux malheureusement pas entrer dans les détails, mais je t'invite à t'y rendre si ce n'est pas déjà fait. Tu y trouveras de quoi étayer ta réflexion.
En parlant de réflexion, je trouve ta manière de raisonner assez honorable, du fait que tu ne sembles pas être le genre à te laisser abuser par des théories fumeuses. Mais paradoxalement, tu passes un peu rapidement sur la théorie du suicide en affirmant qu'elle est complètement fausse. Sur ce sujet, je ne partage pas ton avis.
Tout d'abord, il y a des témoignages qui font mention de tirs envers des passagers, ainsi qu'un officier s'étant suicidé. Par exemple celui d'Eugène Daly qui affirme avoir vu le corps d'un officier (en admettant qu'il ne ce soit pas trompé dans l'interprétation de l'uniforme) gisant sur le pont.
Ensuite, il y a une anecdote selon laquelle après le naufrage du Titanic, Lightoller serait aller confier la "vérité" à un ami qu'il avait en commun avec Murdoch. Il s'agit de McGiffin, qui était avec eux sur le Medic et occupait le poste de surintendant de la White Star Line à Queenstown en 1912.
D'après une historienne, ce serait le fils de McGiffin, James Oliphant McGiffin, qui aurait partagé cette histoire avec des chercheurs bien des années plus tard. D'après sa version, Murdoch aurait accidentellement tiré sur des passagers, touchant l'un deux à la mâchoire (ce qui correspond étrangement au témoignage d'un survivant, peut-être Daly mais je ne suis plus sûre).
Nous en avons parlé sur ce topic : https://titanic.superforum.fr/t3139-james-mcgiffin-surintendant-de-la-wsl-a-queenstown
J'ai vérifié l'existence de ce fils, et il y a bien un J. Oliphant McGiffin qui apparaît sur un recensement de la famille à Queenstown. Mais les recherches mériteraient d'être poussées plus loin.
Tiphaine-
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Localisation : Vallée de la Creuse
Re: Lightoller : le menteur ?
Ça ne fera pas vraiment avancer le schmilblick, mais voici deux éléments. Je laisse intentionnellement de côté son témoignage devant le Tribunal des naufrages britannique.
D'une part, il est certain que Lightoller a menti sur quelques points, notamment la manière dont il a quitté le Titanic. Devant la Commission sénatoriale américaine, il s'exprime de manière à faire dire au sénateur Smith que l'officier n'avait pas quitté le navire, mais que c'est le navire qui l'avait abandonné. Cette scène a été reconstituée dans le film A Night to Remember. Pourtant, dans son autobiographie écrite en 1935 (Y dit-il la vérité ou sa mémoire a-t-elle été déformée par le temps?), Lightoller a rapporté avoir sauté à la mer:
"Nous avions seulement du temps pour renverser le bateau et le laisser tomber dans l’eau qui s’était maintenant précipité sur le pont bateau, dans l’espoir que quelqu’un puisse être capable de monter dessus comme il flottait retourné. Hemming et moi-même, comme chaque bateau était parti du côté du port, allâmes du côté tribord, voir ce qu’il y avait à faire.
"Mais tous les bateaux de ce côté étaient partis, mais des gens s’entassaient encore sur le pont. Le bateau effectua un léger mais définitif plongeon – probablement une cloison ayant cédée – et la mer arriva dans une vague sur le pont, le long du pont en dessous de nous, entraînant les gens sur l’arrière, les blottissant en une masse épouvantable. Ce qui ne disparurent pas immédiatement sous l’eau, commencèrent instinctivement à grimper sur la partie du pont hors de l’eau, et marchèrent vers l’arrière qui s’élevait hors de l’eau comme la proue s’enfonçait régulièrement. Quelques-uns des plus agiles sautèrent du haut du quartier des officiers ou Hemming et moi étions en ce moment. C’était une vue qui ne portait pas la démesure – être debout sur l’abri de navigation et sur nos quartiers, regardant les luttes frénétiques pour grimper en haut du pont s’inclinant.
"Je savais trop bien la futilité absolue de suivre cet instinct. Ils ajournaient seulement le plongeon et prolongeaient l’agonie – en diminuant les chances déjà minces dans une foule. Il m’était très clair comment serait fatal de se trouver parmi des centaines et des centaines de gens qui lutteraient bientôt pour leur vie dans cette eau mortellement froide. Il n’y avait qu’une chose à faire, et je le fis. Me tournant en direction de l’avant, je sautai. Frapper l’eau fut comme si mille couteaux me poignardèrent dans le corps, et pour un peu de temps, j’étais complètement saisi, car je transpirai abondamment, tandis que l’eau était de 28° ou 4° en dessous du point de
congélation."
Dans son récit, Lightoller dit s'être rendu sur tribord et que "tous les bateaux de ce côté étaient partis". Il ne voit donc pas le radeau A. En tout cas, il ne souffle pas mot. Nous avons pourtant suffisamment de témoignages pour dire que le radeau A se trouvait sur le pont à ce moment-là. Il avait même été descendu du toit du quartier des officiers. En fait, Lightoller ne savait pas ce qui s'était produit avec le radeau A. C'est le deuxième point.
Dans son livre The Truth About the Titanic, le colonel Gracie rapporte à propos du radeau A:
"[...] L'officier Lightoller m'avait dit, et il le réitéra dans sa déposition, que, se voyant incapable de détacher ce bateau, ses hommes et lui avaient renoncé à le mettre à flot. Et il en tira la conclusion que le bateau A avait sombré avec le navire.
"Mes récentes recherches l'ont convaincu que sa supposition était erronée."
Selon moi, en me basant sur ces éléments, on peut dire que l'on ne peut rien tirer de Lightoller à propos du radeau A. Mais s'il a effectivement vu Murdoch tirer sur un passager, cela pourrait expliquer le fait qu'il ne dise rien à ce sujet. En effet, s'il s'est réellement rendu sur tribord, on peut s'étonner qu'il n'a pas vu le radeau A sur le pont et la foule désireuse d'embarquer à bord. À moins que cette même foule, ces "gens |qui] s'entassaient encore sur le pont" (c'est vague...) n'aient masqué le radeau à sa vue...
On pourrait qualifier Lightoller de mauvaise fois, mais peut-être ce comportement (sur cet aspect) s'expliquerait pas l'amitié (ou le respect) qu'il éprouvait pour Murdoch (et un souci de défendre la réputation de la White Star). Peut-être a-t-il vu quelque chose, mais qu'il n'a pas voulu ternir sa mémoire. Ça reste spéculatif. Mais peut-être cela aide-t-il a ne pas accorder une confiance aveugle dans le témoignage de Lightoller? Je suis d'avis qu'il a menti sur plusieurs points. En ce qui concerne la lettre adressée à Mme Murdoch, je pense que c'était pour la réconforter. Il s'agit donc, selon moi, d'un mensonge bien attentionné. Cette lettre n'était pas destinée au public ni même à une Commission d'enquête, mais à une veuve attristée. Si Lightoller a effectivement vu Murdoch tirer dans la mâchoire d'un passager, même de manière accidentelle, il valait mieux, je pense, qu'il dise à sa veuve que son mari avait trouvé la mort en héros, en faisant son devoir pour tenter de sauver des vies.
Pour ce qui est du fait que Lightoller serait trouvé à bâbord et aurait vu Murdoch être emporté par une vague alors qu'il se trouvait à tribord, c'est difficilement croyable. En tout cas, je n'y adhère pas. Il y avait une cheminée, une manche à air et des ventilateurs qui lui obstruaient la vue.
Pour le l'extrait du livre de Gracie, je me base sur la version française parue chez Ramsay en 1998. Pour l'extrait du livre de Lightoller, la traduction est de mon fait. Je t'invite donc à vérifier par toi-même et à me corriger en cas d'erreur: http://gutenberg.net.au/ebooks03/0301011h.html
Enfin, je partage le point de vue de Tiphaine en ce qui concerne le suicide. On ne peut écarter d’emblée cette version.
Pour ce qui est du company man, je suis incapable de te répondre. Mais peut-être devrais-tu jeter un coup d'œil à la Commission sénatoriale américaine? Je ne me suis jamais vraiment posé la question.
Pour la question à propos de l'iceberg (pas sûr qu'il s'agisse d'une question), je pense qu'il faisait trop sombre pour être vu de plus loin. Comme la mer était calme, il n'y pas eu de vague sur brisant à la base de l'iceberg. Ces vagues auraient provoqué une écume blanche visible bien avant l'iceberg lui-même. Durant les auditions de responsabilité limitée (quand les gens ont porté plainte contre la White Star pour toucher des dommages et intérêts à la suite du naufrage), Charles Johnston, capitaine de l’International Ice Patrol, a rapporté qu'un iceberg était sombre s'il était distant d'un mille dans la nuit. Néanmoins il pouvait être repéré sans jumelles par un homme qui avait une bonne vue. D'ailleurs il est connu que Fleet a affirmé qu'il aurait vu l'iceberg suffisamment tôt pour qu'il soit évité s'il avait eu des jumelles. Mais on rappelle moins qu'il a également dit que d'ordinaire il voyait les objets et prenait les jumelles pour s'en assurer. Sur quoi, un sénateur de la Commission US lui a demandé: "Alors vous dépendez de votre vue pour voir, avant que vous utilisiez les jumelles?" Et Fleet d'assurer: "Oui."
Pour ton article, plusieurs choix s'offrent à toi: soit t'inscrire à l'AFT pour le publier dans Latitude 41 ou sinon, mon site Titanic Cyber Web serait preneur . Ou alors, voir éventuellement sur Encylcopedia Titanica - il aurait plus d'écho que sur mon site .
D'une part, il est certain que Lightoller a menti sur quelques points, notamment la manière dont il a quitté le Titanic. Devant la Commission sénatoriale américaine, il s'exprime de manière à faire dire au sénateur Smith que l'officier n'avait pas quitté le navire, mais que c'est le navire qui l'avait abandonné. Cette scène a été reconstituée dans le film A Night to Remember. Pourtant, dans son autobiographie écrite en 1935 (Y dit-il la vérité ou sa mémoire a-t-elle été déformée par le temps?), Lightoller a rapporté avoir sauté à la mer:
"Nous avions seulement du temps pour renverser le bateau et le laisser tomber dans l’eau qui s’était maintenant précipité sur le pont bateau, dans l’espoir que quelqu’un puisse être capable de monter dessus comme il flottait retourné. Hemming et moi-même, comme chaque bateau était parti du côté du port, allâmes du côté tribord, voir ce qu’il y avait à faire.
"Mais tous les bateaux de ce côté étaient partis, mais des gens s’entassaient encore sur le pont. Le bateau effectua un léger mais définitif plongeon – probablement une cloison ayant cédée – et la mer arriva dans une vague sur le pont, le long du pont en dessous de nous, entraînant les gens sur l’arrière, les blottissant en une masse épouvantable. Ce qui ne disparurent pas immédiatement sous l’eau, commencèrent instinctivement à grimper sur la partie du pont hors de l’eau, et marchèrent vers l’arrière qui s’élevait hors de l’eau comme la proue s’enfonçait régulièrement. Quelques-uns des plus agiles sautèrent du haut du quartier des officiers ou Hemming et moi étions en ce moment. C’était une vue qui ne portait pas la démesure – être debout sur l’abri de navigation et sur nos quartiers, regardant les luttes frénétiques pour grimper en haut du pont s’inclinant.
"Je savais trop bien la futilité absolue de suivre cet instinct. Ils ajournaient seulement le plongeon et prolongeaient l’agonie – en diminuant les chances déjà minces dans une foule. Il m’était très clair comment serait fatal de se trouver parmi des centaines et des centaines de gens qui lutteraient bientôt pour leur vie dans cette eau mortellement froide. Il n’y avait qu’une chose à faire, et je le fis. Me tournant en direction de l’avant, je sautai. Frapper l’eau fut comme si mille couteaux me poignardèrent dans le corps, et pour un peu de temps, j’étais complètement saisi, car je transpirai abondamment, tandis que l’eau était de 28° ou 4° en dessous du point de
congélation."
Dans son récit, Lightoller dit s'être rendu sur tribord et que "tous les bateaux de ce côté étaient partis". Il ne voit donc pas le radeau A. En tout cas, il ne souffle pas mot. Nous avons pourtant suffisamment de témoignages pour dire que le radeau A se trouvait sur le pont à ce moment-là. Il avait même été descendu du toit du quartier des officiers. En fait, Lightoller ne savait pas ce qui s'était produit avec le radeau A. C'est le deuxième point.
Dans son livre The Truth About the Titanic, le colonel Gracie rapporte à propos du radeau A:
"[...] L'officier Lightoller m'avait dit, et il le réitéra dans sa déposition, que, se voyant incapable de détacher ce bateau, ses hommes et lui avaient renoncé à le mettre à flot. Et il en tira la conclusion que le bateau A avait sombré avec le navire.
"Mes récentes recherches l'ont convaincu que sa supposition était erronée."
Selon moi, en me basant sur ces éléments, on peut dire que l'on ne peut rien tirer de Lightoller à propos du radeau A. Mais s'il a effectivement vu Murdoch tirer sur un passager, cela pourrait expliquer le fait qu'il ne dise rien à ce sujet. En effet, s'il s'est réellement rendu sur tribord, on peut s'étonner qu'il n'a pas vu le radeau A sur le pont et la foule désireuse d'embarquer à bord. À moins que cette même foule, ces "gens |qui] s'entassaient encore sur le pont" (c'est vague...) n'aient masqué le radeau à sa vue...
On pourrait qualifier Lightoller de mauvaise fois, mais peut-être ce comportement (sur cet aspect) s'expliquerait pas l'amitié (ou le respect) qu'il éprouvait pour Murdoch (et un souci de défendre la réputation de la White Star). Peut-être a-t-il vu quelque chose, mais qu'il n'a pas voulu ternir sa mémoire. Ça reste spéculatif. Mais peut-être cela aide-t-il a ne pas accorder une confiance aveugle dans le témoignage de Lightoller? Je suis d'avis qu'il a menti sur plusieurs points. En ce qui concerne la lettre adressée à Mme Murdoch, je pense que c'était pour la réconforter. Il s'agit donc, selon moi, d'un mensonge bien attentionné. Cette lettre n'était pas destinée au public ni même à une Commission d'enquête, mais à une veuve attristée. Si Lightoller a effectivement vu Murdoch tirer dans la mâchoire d'un passager, même de manière accidentelle, il valait mieux, je pense, qu'il dise à sa veuve que son mari avait trouvé la mort en héros, en faisant son devoir pour tenter de sauver des vies.
Pour ce qui est du fait que Lightoller serait trouvé à bâbord et aurait vu Murdoch être emporté par une vague alors qu'il se trouvait à tribord, c'est difficilement croyable. En tout cas, je n'y adhère pas. Il y avait une cheminée, une manche à air et des ventilateurs qui lui obstruaient la vue.
Pour le l'extrait du livre de Gracie, je me base sur la version française parue chez Ramsay en 1998. Pour l'extrait du livre de Lightoller, la traduction est de mon fait. Je t'invite donc à vérifier par toi-même et à me corriger en cas d'erreur: http://gutenberg.net.au/ebooks03/0301011h.html
Enfin, je partage le point de vue de Tiphaine en ce qui concerne le suicide. On ne peut écarter d’emblée cette version.
Pour ce qui est du company man, je suis incapable de te répondre. Mais peut-être devrais-tu jeter un coup d'œil à la Commission sénatoriale américaine? Je ne me suis jamais vraiment posé la question.
Pour la question à propos de l'iceberg (pas sûr qu'il s'agisse d'une question), je pense qu'il faisait trop sombre pour être vu de plus loin. Comme la mer était calme, il n'y pas eu de vague sur brisant à la base de l'iceberg. Ces vagues auraient provoqué une écume blanche visible bien avant l'iceberg lui-même. Durant les auditions de responsabilité limitée (quand les gens ont porté plainte contre la White Star pour toucher des dommages et intérêts à la suite du naufrage), Charles Johnston, capitaine de l’International Ice Patrol, a rapporté qu'un iceberg était sombre s'il était distant d'un mille dans la nuit. Néanmoins il pouvait être repéré sans jumelles par un homme qui avait une bonne vue. D'ailleurs il est connu que Fleet a affirmé qu'il aurait vu l'iceberg suffisamment tôt pour qu'il soit évité s'il avait eu des jumelles. Mais on rappelle moins qu'il a également dit que d'ordinaire il voyait les objets et prenait les jumelles pour s'en assurer. Sur quoi, un sénateur de la Commission US lui a demandé: "Alors vous dépendez de votre vue pour voir, avant que vous utilisiez les jumelles?" Et Fleet d'assurer: "Oui."
Pour ton article, plusieurs choix s'offrent à toi: soit t'inscrire à l'AFT pour le publier dans Latitude 41 ou sinon, mon site Titanic Cyber Web serait preneur . Ou alors, voir éventuellement sur Encylcopedia Titanica - il aurait plus d'écho que sur mon site .
Re: Lightoller : le menteur ?
Tout d'abord, merci à tous les deux pour vos réponses qui sont très intéressantes également. L'internet est vraiment un outil formidable pour échanger des points de vue de tous horizons et l'Histoire en tire et en tirera sûrement un grand profit, et Piaget, sur lequel est basé toute la pédagogie moderne disait dans son "Épistémologie génétique" quelque chose qui voulait dire que prenez des gens séparément : ils seront ignorants. Mais réunissez-les tous ensemble dans la même pièce et ils en sortiront instruits!
Mais revenons à nos moutons!
J'ai passé par dessus le supposé suicide de Murdoch parce que je voulais surtout parler de Lightoller, histoire de ne pas être hors sujet et déclencher les "foudres modératrices" mais puisque demandé, voici là où je me situe par rapport à ce sujet : tout d'abord, certes, je ne conteste pas le fait qu'il y ait bel et bien eu un officier qui s'est suicidé, et pour être honnête, je pense qu'avoir été à leur place, terrorisée par l'idée de mourir et agoniser pendant des heures dans l'eau à une température sous la barre du zéro, et si j'avais eu à portée de main une arme, j'aurais sans doute fait la même chose -- et probablement sommes-nous plusieurs ici à penser ainsi.
MAIS
Les témoignages ne sont pas unanimes quant à savoir QUEL officier l'a fait, et certains éléments apportés au cours des 5 dernières années mettent un bémol quant au fait que cet individu aurait été Murdoch. Selon moi, ça pointe davantage vers Wilde, de l'aveu même de son petit-fils, Chris Bayliss qui a fait une sortie remarquée dans les médias lors du Centième anniversaire de 2012.
En gros, Chris Bayliss a présenté une lettre provenant du Chef des Officiers Henry T. Wilde, qui avait été postée à Belfast, et a affirmé que selon lui, ça aurait été son grand-père qui se serait suicidé et non Murdoch. Voici les faits : En 1910, l'épouse de Wilde, Mary, est décédée en donnant naissance à ses fils, laissant Wilde seul avec 4 enfants à élever et une carrière pour laquelle il n'était pas souvent à la maison. En avril 1912, Wilde venait d'obtenir le grade de capitaine et d'être affecté à l'Olympic (quoique les témoignages ne soient pas concluants : certains disent que c'est le Cymric et non l'Olympic que Wilde était pour commander. D’autres, encore, parlent de l’Oceanic) mais la grève du charbon aurait flingué les projets de la WSL pour Wilde, et à la dernière minute, le capitaine Smith aurait demandé qu'il soit plutôt affecté au Titanic, reculant ainsi d'un grade pour redevenir Chef Officier. Mais il ne pouvait dire non, car ses employeurs de la White Star Line l'avaient autorisé à prendre un congé pour raisons familiale pendant presque toute l'année 1911, et cette faveur, à l'époque où il n'y avait aucune protection sociale, était de taille!
Dans une conversation – ou une lettre, il y a plus de six mois que j’ai lu cela, la mémoire étant une chose non fiable, parfois – Wilde affirmait que s’il y avait un naufrage dans l’un des navire qu’il commanderait, qu’Il préférerait mettre fin à ses jours plutôt que de mourir dans un océan presque gelé. De plus, y disait-il, plus rien ne le retenait sur cette Terre, étant donné que le grand amour de sa vie était morte. Il n’avait donc plus de raisons de vivre.
L’historien Geoff Whitefield, après étude de la presse, a affirmé que cette hypothèse où c’était Wilde qui se suicidait était davantage crédible pour lui que Murdoch qui n’avait aucune raison de le faire. Selon la légende, Murdoch se serait suicidé sur le pont des embarcations après avoir tiré sur un passager. Mais il ne fait que du bon sens pour raisonner que cette affirmation est fausse sans quoi TOUS les passagers présents auraient rapporté ce suicide. De surcroît, Murdoch a travaillé sur les canots de sauvetage pendant tout le temps du naufrage, tandis que Wilde a eu un rôle plus effacé, alors qu’en tant que chef officier, il aurait dû être l’intermédiaire entre les autres officiers et le capitaine Smith. Or, à 2 reprises, Lightoller est allé de lui-même interroger le capitaine sur différents sujets (mise à l’eau des canots, entre autre) et idem pour Boxhall lorsqu’est venu le temps de sortir les feux de détresses qu’il a tiré par la suite, comme on s’en souvient très certainement. Beaucoup de passagers ont témoigné avoir entendu un coup de feu, et non d’avoir vu un officier tirer… Chose très différente.
Et pour les rares ayant affirmé que Murdoch était le responsable de la chose, rappelons que le changement d’officiers s’est fait à la dernière minute, et la White Star Line n’avait pas eu le temps de changer les uniformes de ses officiers. Cela étant, Wilde avait l’uniforme de capitaine; Murdoch avait celui de chef officier et Lightoller celui de premier officier. Donc il est possible, comme le dit un article que j’avais lu, que les passagers aient confondus les officiers, attribuant le suicide au « chef officier » supposé, c’est-à-dire Murdoch plutôt qu’au véritable chef officier, qui était Wilde. D’ailleurs, à titre d’exemple, le Quartier-maître qui était à la barre lorsque le Titanic a frappé l’Iceberg, Robert Hitchens, qui a témoigné à la Commission d’Enquête, a dit que « Le chef officier qui était sur l’aile droite du navire a accouru vers la passerelle lorsqu’il a entendu les vigies crier qu’il y avait un iceberg droit devant! ». Donc, la confusion existait, et pas que parmi les officiers et employés, mais aussi chez les passagers qui ont témoigné par la suite. Et lors de la Commission sénatoriale américaine, Smith, le Sénateur lui-même appelait Murdoch « chef officier ».
Pour ceux qui lisent l’anglais, je les invite à consulter l’article « Circumstantial evidence » sur le site « William McMaster Murdoch » : http://www.williammurdoch.net/mystery04_circumstantial.html
En fait, si Lightoller n’a pas vu Murdoch être emporté par une vague, ça ne veut pas dire que celui-ci n’a pas terminé ses jours de cette façon, puisqu’un passager – dont je ne retrouve plus le nom mais sur demande je pourrai le faire sans problème – a bel et bien vu une vague l’emporter. D’ailleurs, on peut penser que c’est sur ce témoignage que Lightoller s’est basé pour raconter son « énormité » lors de la Commission d’enquête.
Cependant, bien sûr, il serait tout à fait malhonnête de discarter d’emblée la théorie selon laquelle Murdoch peut s’être suicidé. Cependant, pour beaucoup de chercheurs, cela ne « colle pas » avec sa personnalité. Mais quand on pense qu’il se sentait probablement très responsable de la situation et qu’il savait que des pertes de vies énormes seraient à déplorer, peut-être a-t-il choisi de se suicider pour ne pas affronter ce qui s’en suivrait. Car s’il avait survécu, on peut penser que pour lui les promotions étaient bel et bien terminées et même, peut-être aurait-il perdu son emploi. Mais ce ne sont là que des conjectures puisque son corps n’a jamais été retrouvé, probablement dévoré par un requin dans les heures suivant le naufrage, tout comme le capitaine, Moody, et Wilde. Mais une question que je me pose depuis que j’ai vu les photographies sous-marines du champ de débris près de l’épave : tous se rappelleront les chaussures une à côté de l’autre, ce qui indique qu’Il y avait probablement un corps à cet endroit. Je me demandais si à l’époque la White Star Line fournissait les chaussures de ses officiers. Si oui on pourrait penser qu’il s’agit là des souliers de l’un des officiers disparus, et le cas échéant, pourquoi ne les remonte-t-on pas pour faire des analyses d’ADN ? Les chances sont minces, mais peut être en resterait-il un peu même après tout ce temps dans l’eau…
Sur ce, à bientôt!
Mais revenons à nos moutons!
J'ai passé par dessus le supposé suicide de Murdoch parce que je voulais surtout parler de Lightoller, histoire de ne pas être hors sujet et déclencher les "foudres modératrices" mais puisque demandé, voici là où je me situe par rapport à ce sujet : tout d'abord, certes, je ne conteste pas le fait qu'il y ait bel et bien eu un officier qui s'est suicidé, et pour être honnête, je pense qu'avoir été à leur place, terrorisée par l'idée de mourir et agoniser pendant des heures dans l'eau à une température sous la barre du zéro, et si j'avais eu à portée de main une arme, j'aurais sans doute fait la même chose -- et probablement sommes-nous plusieurs ici à penser ainsi.
MAIS
Les témoignages ne sont pas unanimes quant à savoir QUEL officier l'a fait, et certains éléments apportés au cours des 5 dernières années mettent un bémol quant au fait que cet individu aurait été Murdoch. Selon moi, ça pointe davantage vers Wilde, de l'aveu même de son petit-fils, Chris Bayliss qui a fait une sortie remarquée dans les médias lors du Centième anniversaire de 2012.
En gros, Chris Bayliss a présenté une lettre provenant du Chef des Officiers Henry T. Wilde, qui avait été postée à Belfast, et a affirmé que selon lui, ça aurait été son grand-père qui se serait suicidé et non Murdoch. Voici les faits : En 1910, l'épouse de Wilde, Mary, est décédée en donnant naissance à ses fils, laissant Wilde seul avec 4 enfants à élever et une carrière pour laquelle il n'était pas souvent à la maison. En avril 1912, Wilde venait d'obtenir le grade de capitaine et d'être affecté à l'Olympic (quoique les témoignages ne soient pas concluants : certains disent que c'est le Cymric et non l'Olympic que Wilde était pour commander. D’autres, encore, parlent de l’Oceanic) mais la grève du charbon aurait flingué les projets de la WSL pour Wilde, et à la dernière minute, le capitaine Smith aurait demandé qu'il soit plutôt affecté au Titanic, reculant ainsi d'un grade pour redevenir Chef Officier. Mais il ne pouvait dire non, car ses employeurs de la White Star Line l'avaient autorisé à prendre un congé pour raisons familiale pendant presque toute l'année 1911, et cette faveur, à l'époque où il n'y avait aucune protection sociale, était de taille!
Dans une conversation – ou une lettre, il y a plus de six mois que j’ai lu cela, la mémoire étant une chose non fiable, parfois – Wilde affirmait que s’il y avait un naufrage dans l’un des navire qu’il commanderait, qu’Il préférerait mettre fin à ses jours plutôt que de mourir dans un océan presque gelé. De plus, y disait-il, plus rien ne le retenait sur cette Terre, étant donné que le grand amour de sa vie était morte. Il n’avait donc plus de raisons de vivre.
L’historien Geoff Whitefield, après étude de la presse, a affirmé que cette hypothèse où c’était Wilde qui se suicidait était davantage crédible pour lui que Murdoch qui n’avait aucune raison de le faire. Selon la légende, Murdoch se serait suicidé sur le pont des embarcations après avoir tiré sur un passager. Mais il ne fait que du bon sens pour raisonner que cette affirmation est fausse sans quoi TOUS les passagers présents auraient rapporté ce suicide. De surcroît, Murdoch a travaillé sur les canots de sauvetage pendant tout le temps du naufrage, tandis que Wilde a eu un rôle plus effacé, alors qu’en tant que chef officier, il aurait dû être l’intermédiaire entre les autres officiers et le capitaine Smith. Or, à 2 reprises, Lightoller est allé de lui-même interroger le capitaine sur différents sujets (mise à l’eau des canots, entre autre) et idem pour Boxhall lorsqu’est venu le temps de sortir les feux de détresses qu’il a tiré par la suite, comme on s’en souvient très certainement. Beaucoup de passagers ont témoigné avoir entendu un coup de feu, et non d’avoir vu un officier tirer… Chose très différente.
Et pour les rares ayant affirmé que Murdoch était le responsable de la chose, rappelons que le changement d’officiers s’est fait à la dernière minute, et la White Star Line n’avait pas eu le temps de changer les uniformes de ses officiers. Cela étant, Wilde avait l’uniforme de capitaine; Murdoch avait celui de chef officier et Lightoller celui de premier officier. Donc il est possible, comme le dit un article que j’avais lu, que les passagers aient confondus les officiers, attribuant le suicide au « chef officier » supposé, c’est-à-dire Murdoch plutôt qu’au véritable chef officier, qui était Wilde. D’ailleurs, à titre d’exemple, le Quartier-maître qui était à la barre lorsque le Titanic a frappé l’Iceberg, Robert Hitchens, qui a témoigné à la Commission d’Enquête, a dit que « Le chef officier qui était sur l’aile droite du navire a accouru vers la passerelle lorsqu’il a entendu les vigies crier qu’il y avait un iceberg droit devant! ». Donc, la confusion existait, et pas que parmi les officiers et employés, mais aussi chez les passagers qui ont témoigné par la suite. Et lors de la Commission sénatoriale américaine, Smith, le Sénateur lui-même appelait Murdoch « chef officier ».
Pour ceux qui lisent l’anglais, je les invite à consulter l’article « Circumstantial evidence » sur le site « William McMaster Murdoch » : http://www.williammurdoch.net/mystery04_circumstantial.html
En fait, si Lightoller n’a pas vu Murdoch être emporté par une vague, ça ne veut pas dire que celui-ci n’a pas terminé ses jours de cette façon, puisqu’un passager – dont je ne retrouve plus le nom mais sur demande je pourrai le faire sans problème – a bel et bien vu une vague l’emporter. D’ailleurs, on peut penser que c’est sur ce témoignage que Lightoller s’est basé pour raconter son « énormité » lors de la Commission d’enquête.
Cependant, bien sûr, il serait tout à fait malhonnête de discarter d’emblée la théorie selon laquelle Murdoch peut s’être suicidé. Cependant, pour beaucoup de chercheurs, cela ne « colle pas » avec sa personnalité. Mais quand on pense qu’il se sentait probablement très responsable de la situation et qu’il savait que des pertes de vies énormes seraient à déplorer, peut-être a-t-il choisi de se suicider pour ne pas affronter ce qui s’en suivrait. Car s’il avait survécu, on peut penser que pour lui les promotions étaient bel et bien terminées et même, peut-être aurait-il perdu son emploi. Mais ce ne sont là que des conjectures puisque son corps n’a jamais été retrouvé, probablement dévoré par un requin dans les heures suivant le naufrage, tout comme le capitaine, Moody, et Wilde. Mais une question que je me pose depuis que j’ai vu les photographies sous-marines du champ de débris près de l’épave : tous se rappelleront les chaussures une à côté de l’autre, ce qui indique qu’Il y avait probablement un corps à cet endroit. Je me demandais si à l’époque la White Star Line fournissait les chaussures de ses officiers. Si oui on pourrait penser qu’il s’agit là des souliers de l’un des officiers disparus, et le cas échéant, pourquoi ne les remonte-t-on pas pour faire des analyses d’ADN ? Les chances sont minces, mais peut être en resterait-il un peu même après tout ce temps dans l’eau…
Sur ce, à bientôt!
Re: Lightoller : le menteur ?
Je pense que c'est Wilde qui s'est suicidé.Bien sur,ce n'est que mon avis
Murdoch William McMaster- Messages : 1
Inscrit le : 30/03/2019
Re: Lightoller : le menteur ?
Murdoch William McMaster a écrit:Je pense que c'est Wilde qui s'est suicidé.Bien sur,ce n'est que mon avis
Je partage de plus en plus cet avis. La scène ne se serait peut-être pas déroulée lors du chargement du radeau A, mais peut-être lors du radeau D. La situation me paraît encore assez obscure.
On en parle dans ce sujet: https://titanic.superforum.fr/t684-le-suicide-de-murdoch?highlight=suicide
Re: Lightoller : le menteur ?
Pour le coup, sur l'hypothèse Wilde, je conseille de lire ces informations apportées par le site williammurdoch.net : ici. En gros, la conclusion est que les preuves tendant vers Wilde sont très limitées : la seule fois qu'il est mentionné nommément comme s'étant suicidé, c'est dans un article de presse anonyme. Alors qu'une dizaine de témoignages citent Murdoch. D'autres parlent du "chef officier", mais on sait qu'au vu du changement de dernière minute, les deux en avaient l'uniforme, et la confusion était fréquente. Inversement, on a des témoignages laissant penser que Wilde a mis un gilet de sauvetage peu avant la fin (ce qui colle peu avec un suicide), et a été vu fumant une cigarette, la dernière fois qu'il a été croisé.
La conclusion de Dan Parkes sur ce site, c'est en gros que si on prend au sérieux l'hypothèse Wilde, il faut prendre encore plus au sérieux celle de Murdoch car elle dispose d'arguments nettement plus solides. En fait, si l'hypothèse Wilde a eu un regain de popularité, c'est notamment de la part de certains qui tenaient absolument à défendre Murdoch (notamment venant de sa ville d'origine), quitte à tout reporter sur Wilde. Pas très scientifique, comme approche.
La conclusion de Dan Parkes sur ce site, c'est en gros que si on prend au sérieux l'hypothèse Wilde, il faut prendre encore plus au sérieux celle de Murdoch car elle dispose d'arguments nettement plus solides. En fait, si l'hypothèse Wilde a eu un regain de popularité, c'est notamment de la part de certains qui tenaient absolument à défendre Murdoch (notamment venant de sa ville d'origine), quitte à tout reporter sur Wilde. Pas très scientifique, comme approche.
Suicide d'un officier : analyse objective
Bonjour à tous,
Il y avait un petit bout de temps que je voulais répondre ici, mais tout d'abord j'ai été lire l'annexe concernant le suicide d'un officier et les coups de feu qui auraient été tirés pendant le naufrage de ce gros navire toujours aussi fascinant après 107 ans, dans une monographie anglophone intitulé "Sea of Glass" des auteurs anglo-saxons FITCH, WORMSTEDT, BEVERIDGE et LAYTON. C'est un livre fait de manière scientifique, avec une méthodologie historiographique inhérente à l'École des Annales (BLOCH et FEBVRE) et emprunté de la sociologie au début du XXè siècle. C'est un peu ce qui a introduit l'Histoire dans la catégorie "science" et non plus dans celle des "chroniques" où l'avait enclavée FROISSART depuis le Moyen-âge. C'est donc une source plus fiable que tout ce que nous avons pu lire jusqu'à maintenant. Voici donc l'état de la question. Et notez qu'en bonne historienne, je n'ajouterai ici aucune opinion personnelle ou subjectivité -- du moins, sans le signaler. Ce que vous lirez ici est donc essentiellement un résumé des pages 319 à 321 de "Sea of Glass".
Tout d'abord, déjà lorsque le CARPATHIA est arrivé à New-York, le 18 avril 1912, il y avait des rumeurs à l'effet qu'un officier s'était suicidé pendant le naufrage. C'est un journaliste déjà présent sur le navire de la CUNARD en tant que simple passager, Carlos HURD, qui s'est empressé de faire des entrevues avec les passagers rescapés. Même si le capitaine ROSTRON a bien tenté d'éviter ce genre de manifestation, les notes du journaliste ont été lancées par dessus bord à un remorqueur où se trouvait un collègue qui a récupéré les écrits et ceux-ci furent publiés le 19 avril [ dans l'article de Sea of Glass, ils ont écrit le 18 avril, mais logiquement, ça doit être une erreur de frappe, car le CARPATHIA est arrivé en soirée dans le port de New-York, autour de 21h si ma mémoire est bonne ; il est donc à peu près impossible que l'article fut publié le 18 avril au matin comme c'est écrit. Je me permet donc d'écrire "19 avril", mais sous toutes réserves. Si quelqu'un parvient à résoudre ce mystère, et à nous apporter des éclaircissements sur cela, je suis preneuse !] dans le "NEW-YORK MORNING WORLD" où il était écrit :
" Des coups de feu ont été entendus peu avant que le TITANIC ne coule, et cela a donné lieu à des rumeurs à l'effet que
le capitaine SMITH se serait suicidé. Une autre rumeur fait état que ce serait plutôt le premier officier MURDOCH qui
aurait mis fit à ses jours, mais des membres d'équipage ont nié ces informations". (traduction de mes soins).
Effectivement, pour nous "faciliter" les choses, il n'y a pas que MURDOCH et WILDE qui se seraient suicidés selon les témoignages. Il y aurait plus d'un suspect. Certains sont plus crédibles que d'autres. Les auteurs de Sea of Glass (SoG) ont donc procédé en analysant 4 facteurs : 1) Qui avait une arme à feu ; 2) Qui avait des motifs de se suicider 3) Qui se trouvait où sur le navire. Voyons donc cela en détails.
Le jour suivant la publication de l'article du "New-York Morning", ce fut au tour du "New-York Times" de publier des informations supplémentaires ; parmi celles-ci, le fait qu'un officier aurait tiré sur deux hommes qui essayaient de sauter dans un canot de sauvetage avant de tourner son arme à feu contre lui-même. On se souvient tous du film de CAMERON où cette scène fut exploitée. L'officier en question dans le scénario était MURDOCH, tout comme dans la mini-série de 1996. Cela a contribué à cristalliser l'opinion publique sur MURDOCH, au grand damn de ses descendants qui ont vertement critiqué le film "TITANIC". Mais qui a raison ? MURDOCH et ses confrères avaient-ils accès à des armes à feu ?
Concernant ces dernières, il apparaît que ce serait le chef officier WILDE qui serait venu voir le second officier LIGHTOLLER afin de lui demander de le faire accéder là où les armes à feu étaient remisées. C'est donc le capitaine SMITH, LIGHTOLLER, MURDOCH et WILDE qui s'y sont rendus, dans la cabine du premier officier (rappelons qu'il y avait eu une reconfiguration dans les officiers seniors. LIGHTOLLER ayant été supposé être le premier officier, c'est à lui qu'incombait la responsabilité de fournir ce dont l'équipage avait besoin, comme les fameuses jumelles des vigies -- qu'il a gardé pour lui, mais ça c'est une autre question abordée dans SoG -- et les armes à feu) afin de récupérer les "Webley" que la WHITE STAR LINE mettait à disposition des officiers. WILDE pourrait avoir pris un revolver de plus, mais on en a aucune preuve. Des officiers présents pendant cette distribution, seul LIGHTOLLER a survécu pour le raconter, il faut donc se fier à sa parole. Quant à LOWE, le cinquième officier, il avait un revolver personnel, un "Browning" semi-automatique (le "Webley" étant manuel) duquel il a tiré un coup de feu pendant l'amenée du canot numéro 14. Cependant, les auteurs de SoG croient qu'il ne serait peut être pas le seul à avoir eu son arme personnel. En 1940, soit plus de 30 ans après les événements, Jack THAYER a raconté que le Commissaire de bord McELROY avait un revolver alors qu'il aidait à amener le canot pliable C et qu'il aurait fait feu. Cependant, personne n'a corroboré ce récit qui a eu lieu très longtemps après le naufrage, et ces récits de longue date devraient être sujet à caution pour des raisons évidentes. Cependant, d'autres témoins ont dit qu'il s'agirait de MURDOCH et non de McELROY. La question de pose de savoir où McELROY aurait pris son arme à feu. Sa position de commissaire de bord ne l'autorisait pas officiellement à utiliser une telle arme, mais tout comme LOWE, il aurait pu en avoir une personnelle.
Le Maître d'Arme Thomas W. KING, qui avait ni plus ni moins que la fonction de policier à l'intérieur du navire, aurait pu en posséder une, mais il a péri, tout comme son collègue.
Des marins accrédités auraient été vus avec une arme, tout comme certains matelots, mais encore ici on ne peut pas affirmer que ce soit le cas, quoique la passagère Imanita SHELLEY aurait affirmé qu'un marin accrédité en charge du canot numéro 10, aurait menacé un passager quand ce dernier a sauté alors que le canot commençait son amenée contre la muraille du navire. Ce coup de feu aurait blessé une femme à bord et provoqué l'ire d'un membre de l'équipage qui était à bord. BULEY et la vigie EVANS étaient les responsable de ce canot. C'est donc que SHELLEY parlait de l'un d'entre eux. Et je rajouterais que tous deux ont été interrogés lors de l'enquête britannique officielle et ce thème n'a pas été abordé, à ma connaissance. Quant aux passagers, on verra que quelques-uns en avaient, comme NOURNEY, qui a tiré un coup de feu dans le canot numéro 7 afin d'appeler à l'aide ; CHAMBERS en avait un en sa possession, tout comme Michel NAVRATIL, le père des "orphelins du TITANIC", qu'on a retrouvé sur son corps, tout comme celui du Major BUTT. Quant aux officiers, MOODY pourrait en avoir eu une, mais rien ne le prouve, et comme il est mort dans le naufrage, il n'a pas pu témoigner.
Avant d'examiner la question du suicide en tant que tel -- donc si on veut savoir qui se serait suicidé --- il serait important de voir maintenant le fait que les officiers aient été possiblement mal identifiés et pourquoi.
Comme on le sait, il y a eu un remaniement d'officiers avant le départ du TITANIC à Southampton. Ils ont été rétrogradés et David BLAIR a dû quitter le navire. Su les photos, lors de l'arrêt à Queenstown où on voit lui et MURDOCH refermer la porte de coupée, on peut se rendre compte que ceux-ci n'ont pas changé leur uniforme. Lors des deux enquêtes officielles et des audit dans le cadre de l'enquête de responsabilité du naufrage, des témoins, membres d'équipage ont fait référence à WILDE comme chef officier, mais certains voulaient clairement parler de MURDOCH, et vice-versa. D'autres, encore, ont employé le terme de "chef officier" sans y apposer de nom. Le marin accrédité SCARROTT a parlé de "deux chefs officiers" qui étaient présents lors des exercices avec les canots de sauvetage à Southampton [ Je me permets de mettre un petit bémol sur ces affirmations des auteurs de SoG car à ma connaissance il n'y a pas eu d'exercices d'évacuation en canots de sauvetage avant l'appareillage de Southampton. Les seuls exercices avaient été faits chez HARLAND & WOLFF, plusieurs jours avant que le navire ne gagne le port du Sud de l'Angleterre. Mais je peux me tromper, bien sûr, et si quelqu'un a une explication plausible à cela, qu'il se manifeste ! Continuons donc ]. On ignore si le marin voulait dire "officier senior" ou s'il a vraiment rapporté ce qu'il a vu. Si MURDOCH n'avait toujours pas changé d'uniforme, cela expliquerait qu'il ait été mal identifié lors du naufrage. De plus, nous avons tous en tête cette représentation du naufrage et de l'amenée des canots de sauvetage que nous en a fait CAMERON : un pont des embarcations très éclairé ; des hublots lumineux, etc. Cependant, la réalité n'était pas du tout telle quelle. Il faisait plutôt noir. La plupart des salons, living-room, salles à diner, et cabines de passagers étaient noires car presque tous étaient couchés pour la nuit quand le navire a abordé l'iceberg, et dans le déroulement des événements, personne n'a été rallumer ces lumières. C'était de la responsabilité des lampistes, tels que Samuel HEMMING, et ils avaient d'autre chats à fouetter.
Le steward de salon William WARD a témoigné
" Je crois que c'était le chef officier MURDOCH qui appelait pour que des femmes et des enfants
se manifestent et embarquent dans le canot de sauvetage numéro 9, mais je ne suis pas certain
si c'était lui ou le Commissaire de bord. Ils étaient tous les deux de grands hommes. Je ne suis
pas certain duquel il s'agissait. Il faisait très noir, vous savez !".
Chaque compagnie maritime avait ses directives et sa philosophie concernant les contacts entre officiers et passagers. Si à la CUNARD les officiers seniors pouvaient côtoyer les passagers de première classe, la WHITE STAR LINE ne l'autorisait que pour le capitaine. Il est donc probable que les passagers n'auraient pas été en mesure d'identifier ou de différencier MURDOCH et WILDE -- Non plus que de différencier les galons de leurs uniformes pour quiconque n'avait pas une formation d'ordre militaire, policière, de pompiers ou maritime. Même le Colonel GRACIE ne pouvait pas dire qui était qui jusqu'à ce que quelqu'un le lui dise. Il y avait toutefois des exceptions. Ainsi, Charlotte COLLYER a dit avoir rencontré MURDOCH le jour précédent quand il inspectait les cabines des deuxièmes classes. Les HOYDT connaissaient le capitaine SMITH et les SPADERS disaient être reliés à MURDOCH.
C'est donc pour toutes ces raisons que les passagers et témoins ont eu tant de mal à identifier les officiers. Les membres d'équipage ne sont pas en reste pour autant : plusieurs chauffeurs ou marins accrédités ont affirmé ne pas savoir quel officier leur a dit quoi ou quel officier leur avait donné l'ordre d'embarquer comme responsable dans leurs canots respectifs. J'ai souvent rencontré ce cas de figure dans la lecture et traduction des témoignages de Commission d'enquête britannique.
Nous sommes donc rendus à l'analyse des motivations de suicide, des moyens qu'avaient ces hommes de le faire et leur localisation sur le navire à différents stage du naufrage. Il y a huit 'candidats" au suicide :
- Le capitaine SMITH
- Le chef officier WILDE
- Le premier officier MURDOCH
- Le sixième officier MOODY
- Le commissaire de bord McELROY
- Le chef ingénieur BELL
- Le maître d'équipage Thomas W. KING
- Le passager de première classe, le Major Archibald BUTT.
Mais je continue dans un prochain post, puisqu'il est près d'une heure du mat et je crois que je vais aller me coucher ! Donc à la prochaine, soit très probablement demain. En attendant, si vous avez des questions ou / et commentaires, n'hésitez pas.
Il y avait un petit bout de temps que je voulais répondre ici, mais tout d'abord j'ai été lire l'annexe concernant le suicide d'un officier et les coups de feu qui auraient été tirés pendant le naufrage de ce gros navire toujours aussi fascinant après 107 ans, dans une monographie anglophone intitulé "Sea of Glass" des auteurs anglo-saxons FITCH, WORMSTEDT, BEVERIDGE et LAYTON. C'est un livre fait de manière scientifique, avec une méthodologie historiographique inhérente à l'École des Annales (BLOCH et FEBVRE) et emprunté de la sociologie au début du XXè siècle. C'est un peu ce qui a introduit l'Histoire dans la catégorie "science" et non plus dans celle des "chroniques" où l'avait enclavée FROISSART depuis le Moyen-âge. C'est donc une source plus fiable que tout ce que nous avons pu lire jusqu'à maintenant. Voici donc l'état de la question. Et notez qu'en bonne historienne, je n'ajouterai ici aucune opinion personnelle ou subjectivité -- du moins, sans le signaler. Ce que vous lirez ici est donc essentiellement un résumé des pages 319 à 321 de "Sea of Glass".
Tout d'abord, déjà lorsque le CARPATHIA est arrivé à New-York, le 18 avril 1912, il y avait des rumeurs à l'effet qu'un officier s'était suicidé pendant le naufrage. C'est un journaliste déjà présent sur le navire de la CUNARD en tant que simple passager, Carlos HURD, qui s'est empressé de faire des entrevues avec les passagers rescapés. Même si le capitaine ROSTRON a bien tenté d'éviter ce genre de manifestation, les notes du journaliste ont été lancées par dessus bord à un remorqueur où se trouvait un collègue qui a récupéré les écrits et ceux-ci furent publiés le 19 avril [ dans l'article de Sea of Glass, ils ont écrit le 18 avril, mais logiquement, ça doit être une erreur de frappe, car le CARPATHIA est arrivé en soirée dans le port de New-York, autour de 21h si ma mémoire est bonne ; il est donc à peu près impossible que l'article fut publié le 18 avril au matin comme c'est écrit. Je me permet donc d'écrire "19 avril", mais sous toutes réserves. Si quelqu'un parvient à résoudre ce mystère, et à nous apporter des éclaircissements sur cela, je suis preneuse !] dans le "NEW-YORK MORNING WORLD" où il était écrit :
" Des coups de feu ont été entendus peu avant que le TITANIC ne coule, et cela a donné lieu à des rumeurs à l'effet que
le capitaine SMITH se serait suicidé. Une autre rumeur fait état que ce serait plutôt le premier officier MURDOCH qui
aurait mis fit à ses jours, mais des membres d'équipage ont nié ces informations". (traduction de mes soins).
Effectivement, pour nous "faciliter" les choses, il n'y a pas que MURDOCH et WILDE qui se seraient suicidés selon les témoignages. Il y aurait plus d'un suspect. Certains sont plus crédibles que d'autres. Les auteurs de Sea of Glass (SoG) ont donc procédé en analysant 4 facteurs : 1) Qui avait une arme à feu ; 2) Qui avait des motifs de se suicider 3) Qui se trouvait où sur le navire. Voyons donc cela en détails.
Le jour suivant la publication de l'article du "New-York Morning", ce fut au tour du "New-York Times" de publier des informations supplémentaires ; parmi celles-ci, le fait qu'un officier aurait tiré sur deux hommes qui essayaient de sauter dans un canot de sauvetage avant de tourner son arme à feu contre lui-même. On se souvient tous du film de CAMERON où cette scène fut exploitée. L'officier en question dans le scénario était MURDOCH, tout comme dans la mini-série de 1996. Cela a contribué à cristalliser l'opinion publique sur MURDOCH, au grand damn de ses descendants qui ont vertement critiqué le film "TITANIC". Mais qui a raison ? MURDOCH et ses confrères avaient-ils accès à des armes à feu ?
Concernant ces dernières, il apparaît que ce serait le chef officier WILDE qui serait venu voir le second officier LIGHTOLLER afin de lui demander de le faire accéder là où les armes à feu étaient remisées. C'est donc le capitaine SMITH, LIGHTOLLER, MURDOCH et WILDE qui s'y sont rendus, dans la cabine du premier officier (rappelons qu'il y avait eu une reconfiguration dans les officiers seniors. LIGHTOLLER ayant été supposé être le premier officier, c'est à lui qu'incombait la responsabilité de fournir ce dont l'équipage avait besoin, comme les fameuses jumelles des vigies -- qu'il a gardé pour lui, mais ça c'est une autre question abordée dans SoG -- et les armes à feu) afin de récupérer les "Webley" que la WHITE STAR LINE mettait à disposition des officiers. WILDE pourrait avoir pris un revolver de plus, mais on en a aucune preuve. Des officiers présents pendant cette distribution, seul LIGHTOLLER a survécu pour le raconter, il faut donc se fier à sa parole. Quant à LOWE, le cinquième officier, il avait un revolver personnel, un "Browning" semi-automatique (le "Webley" étant manuel) duquel il a tiré un coup de feu pendant l'amenée du canot numéro 14. Cependant, les auteurs de SoG croient qu'il ne serait peut être pas le seul à avoir eu son arme personnel. En 1940, soit plus de 30 ans après les événements, Jack THAYER a raconté que le Commissaire de bord McELROY avait un revolver alors qu'il aidait à amener le canot pliable C et qu'il aurait fait feu. Cependant, personne n'a corroboré ce récit qui a eu lieu très longtemps après le naufrage, et ces récits de longue date devraient être sujet à caution pour des raisons évidentes. Cependant, d'autres témoins ont dit qu'il s'agirait de MURDOCH et non de McELROY. La question de pose de savoir où McELROY aurait pris son arme à feu. Sa position de commissaire de bord ne l'autorisait pas officiellement à utiliser une telle arme, mais tout comme LOWE, il aurait pu en avoir une personnelle.
Le Maître d'Arme Thomas W. KING, qui avait ni plus ni moins que la fonction de policier à l'intérieur du navire, aurait pu en posséder une, mais il a péri, tout comme son collègue.
Des marins accrédités auraient été vus avec une arme, tout comme certains matelots, mais encore ici on ne peut pas affirmer que ce soit le cas, quoique la passagère Imanita SHELLEY aurait affirmé qu'un marin accrédité en charge du canot numéro 10, aurait menacé un passager quand ce dernier a sauté alors que le canot commençait son amenée contre la muraille du navire. Ce coup de feu aurait blessé une femme à bord et provoqué l'ire d'un membre de l'équipage qui était à bord. BULEY et la vigie EVANS étaient les responsable de ce canot. C'est donc que SHELLEY parlait de l'un d'entre eux. Et je rajouterais que tous deux ont été interrogés lors de l'enquête britannique officielle et ce thème n'a pas été abordé, à ma connaissance. Quant aux passagers, on verra que quelques-uns en avaient, comme NOURNEY, qui a tiré un coup de feu dans le canot numéro 7 afin d'appeler à l'aide ; CHAMBERS en avait un en sa possession, tout comme Michel NAVRATIL, le père des "orphelins du TITANIC", qu'on a retrouvé sur son corps, tout comme celui du Major BUTT. Quant aux officiers, MOODY pourrait en avoir eu une, mais rien ne le prouve, et comme il est mort dans le naufrage, il n'a pas pu témoigner.
Avant d'examiner la question du suicide en tant que tel -- donc si on veut savoir qui se serait suicidé --- il serait important de voir maintenant le fait que les officiers aient été possiblement mal identifiés et pourquoi.
Comme on le sait, il y a eu un remaniement d'officiers avant le départ du TITANIC à Southampton. Ils ont été rétrogradés et David BLAIR a dû quitter le navire. Su les photos, lors de l'arrêt à Queenstown où on voit lui et MURDOCH refermer la porte de coupée, on peut se rendre compte que ceux-ci n'ont pas changé leur uniforme. Lors des deux enquêtes officielles et des audit dans le cadre de l'enquête de responsabilité du naufrage, des témoins, membres d'équipage ont fait référence à WILDE comme chef officier, mais certains voulaient clairement parler de MURDOCH, et vice-versa. D'autres, encore, ont employé le terme de "chef officier" sans y apposer de nom. Le marin accrédité SCARROTT a parlé de "deux chefs officiers" qui étaient présents lors des exercices avec les canots de sauvetage à Southampton [ Je me permets de mettre un petit bémol sur ces affirmations des auteurs de SoG car à ma connaissance il n'y a pas eu d'exercices d'évacuation en canots de sauvetage avant l'appareillage de Southampton. Les seuls exercices avaient été faits chez HARLAND & WOLFF, plusieurs jours avant que le navire ne gagne le port du Sud de l'Angleterre. Mais je peux me tromper, bien sûr, et si quelqu'un a une explication plausible à cela, qu'il se manifeste ! Continuons donc ]. On ignore si le marin voulait dire "officier senior" ou s'il a vraiment rapporté ce qu'il a vu. Si MURDOCH n'avait toujours pas changé d'uniforme, cela expliquerait qu'il ait été mal identifié lors du naufrage. De plus, nous avons tous en tête cette représentation du naufrage et de l'amenée des canots de sauvetage que nous en a fait CAMERON : un pont des embarcations très éclairé ; des hublots lumineux, etc. Cependant, la réalité n'était pas du tout telle quelle. Il faisait plutôt noir. La plupart des salons, living-room, salles à diner, et cabines de passagers étaient noires car presque tous étaient couchés pour la nuit quand le navire a abordé l'iceberg, et dans le déroulement des événements, personne n'a été rallumer ces lumières. C'était de la responsabilité des lampistes, tels que Samuel HEMMING, et ils avaient d'autre chats à fouetter.
Le steward de salon William WARD a témoigné
" Je crois que c'était le chef officier MURDOCH qui appelait pour que des femmes et des enfants
se manifestent et embarquent dans le canot de sauvetage numéro 9, mais je ne suis pas certain
si c'était lui ou le Commissaire de bord. Ils étaient tous les deux de grands hommes. Je ne suis
pas certain duquel il s'agissait. Il faisait très noir, vous savez !".
Chaque compagnie maritime avait ses directives et sa philosophie concernant les contacts entre officiers et passagers. Si à la CUNARD les officiers seniors pouvaient côtoyer les passagers de première classe, la WHITE STAR LINE ne l'autorisait que pour le capitaine. Il est donc probable que les passagers n'auraient pas été en mesure d'identifier ou de différencier MURDOCH et WILDE -- Non plus que de différencier les galons de leurs uniformes pour quiconque n'avait pas une formation d'ordre militaire, policière, de pompiers ou maritime. Même le Colonel GRACIE ne pouvait pas dire qui était qui jusqu'à ce que quelqu'un le lui dise. Il y avait toutefois des exceptions. Ainsi, Charlotte COLLYER a dit avoir rencontré MURDOCH le jour précédent quand il inspectait les cabines des deuxièmes classes. Les HOYDT connaissaient le capitaine SMITH et les SPADERS disaient être reliés à MURDOCH.
C'est donc pour toutes ces raisons que les passagers et témoins ont eu tant de mal à identifier les officiers. Les membres d'équipage ne sont pas en reste pour autant : plusieurs chauffeurs ou marins accrédités ont affirmé ne pas savoir quel officier leur a dit quoi ou quel officier leur avait donné l'ordre d'embarquer comme responsable dans leurs canots respectifs. J'ai souvent rencontré ce cas de figure dans la lecture et traduction des témoignages de Commission d'enquête britannique.
Nous sommes donc rendus à l'analyse des motivations de suicide, des moyens qu'avaient ces hommes de le faire et leur localisation sur le navire à différents stage du naufrage. Il y a huit 'candidats" au suicide :
- Le capitaine SMITH
- Le chef officier WILDE
- Le premier officier MURDOCH
- Le sixième officier MOODY
- Le commissaire de bord McELROY
- Le chef ingénieur BELL
- Le maître d'équipage Thomas W. KING
- Le passager de première classe, le Major Archibald BUTT.
Mais je continue dans un prochain post, puisqu'il est près d'une heure du mat et je crois que je vais aller me coucher ! Donc à la prochaine, soit très probablement demain. En attendant, si vous avez des questions ou / et commentaires, n'hésitez pas.
Suicide d'un officier : analyse objective (2e partie)
Tel que promis, je continue donc.
(pour ceux qui "débarquent" sur le post, je signale que la première partie est sous celle-ci)
1) Le Capitaine SMITH : Le capitaine Smith, dans les jours suivants le naufrage, a été l'objet de plusieurs rumeurs à l'effet qu'il se serait enlevé la vie. Les journaux en ont fait les gros titres, et même son collègue, le capitaine ROSTRON, du CARPATHIA s'est senti obligé de démentir les déclarations inhérente à ce geste ultime. Un artiste dans un journal a même dessiné la scène. Selon les auteurs de SoG, les motivations du maître des lieux auraient eu à voir avec le fait qu'il n'était pas sur la passerelle au moment de l'abordage de l'iceberg, et qu'il n'ait pas pu prendre des mesures qui auraient peut être sauvé le navire. Il était conscient, probablement plus que quiconque, que les victimes seraient nombreuses si le TITANIC, conséquence de l'accident, se "transformait" en "sous-marin", et sa réputation en prendrait un dur coup. [Et je rajouterais, de façon personnelle, que le Capitaine SMITH avait été au coeur de pas moins de huit incidents où ses navires sont entrés en abordage avec d'autres navires; des quais; des bateaux-phares, etc. L'incident le plus sérieux avant le TITANIC est lorsque l'OLYMPIC a abordé le HAWKE, navire de la Royal-Navy. Bien sûr, il devait sans doute avoir ces incidents en tête après 23h40 le 14 avril 1912.]. De nombreux récits placent le capitaine près de la passerelle peu avant que le TITANIC ne coule. Les récits de BRIDE et MELLORS semblent crédibles sur ce sujet, et ceux-ci l'auraient vu plonger avec Thomas ANDREWS [Eh non, ANDREWS n'est pas resté dans le fumoir des premières classes à ajuster l'horloge tandis que le navire coulait, comme nous l'a dépeint le film de CAMERON. J'écrirai éventuellement un article sur mon blogue sur cela s'il y a de l'intérêt], ce qui indique plutôt qu'il souhaitait sauver sa vie. L'histoire selon laquelle il aurait sauvé un bébé dans l'eau est douteuse, toutefois, il aurait été vu dans l'eau peu de temps après la disparition de son navire.
Le chef officier WILDE : Beaucoup de récits relatent le fait que le chef officier Henry Tingle WILDE aurait mis fin à ses jours, cependant, ces récits, pour la plupart, ne sont pas très convaincants. Un témoin, qui désirait demeurer dans l'anonymat -- ce qui bien sûr enlève de la crédibilité à ce récit -- aurait raconté à un journaliste avoir été témoin du suicide de WILDE; tandis qu'un certain HAYMAN parle du "chef officier" qui aurait péri de sa propre main, mais il ne cite pas de nom pour ce "chef officier" qui pourrait avoir été à peu près n'importe qui portant un uniforme. Ce récit pourrait avoir été fabriqué, tout comme celui "d'Anonyme". Quant à ses motivations pour un tel geste, il faut se rappeler qu'un an et demi avant le naufrage, WILDE avait perdu son épouse, qui était décédée en accouchant, et l'officier se retrouvait seul avec 4 enfants : deux jumeaux, Archie et Richard, ainsi que deux filles : Annie et Jane. WILDE aurait eu particulièrement de difficulté à se remettre de ce deuil, et il n'avait pas beaucoup travaillé en 1911 afin de régler des choses personnelles en lien avec son veuvage. Des amis ont par la suite témoigné avoir entendu WILDE affirmer que peu importe quand, mais qu'il était décidé à aller rejoindre son épouse. Toutefois, cela était plusieurs mois avant le naufrage, et entre temps son état d'esprit pourrait avoir changé. LIGHTOLLER a témoigné avoir entendu son supérieur affirmer qu'il irait mettre son gilet de sauvetage, et lorsque les revolvers ont été distribués, le second officier a rapporté que celui-ci ne semblait pas suicidaire et qu'il ne pensait à rien d'autre que survivre. Mais cela peut avoir changé au cours de la soirée, bien entendu.
Les allées et venues de WILDE sont inexistantes dans les récits des témoins. Selon LIGHTOLLER, le chef officier se serait trouvé près du canot pliable D peu de temps avant que le TITANIC ne coule, et aurait menacé un passager avec son arme à feu alors qu'il tentait d'embarquer de force dans le canot. Des coups de feu auraient été entendus à cet endroit, et aucun autre témoignage ne parle de WILDE après cet incident. Rappelons que c'est au canot pliable D que LIGHTOLLER aurait été obligé de tirer des coups de semonces pour empêcher les gens de se ruer dans les canots de façon désordonnée, comme il l'a dit au Colonel GRACIE, après les événements. Le steward LITTLEJOHN s'est fait demander s'il y avait eu des gens morts de coups de feu sur le navire. Il aurait répondu que le chef officier avait tiré sur un serveur Italien du Restaurant à la Carte et l'avait tué. Ce n'est toutefois pas clair si LITTLEJOHN a été témoin de cet incident ou si on le lui a rapporté. LITTLEJOHN avait servi sur l'OLYMPIC avec MURDOCH et WILDE, et il pouvait donc faire référence à MURDOCH puisque sur le navire jumeau du TITANIC, c'est ce dernier qui était le chef officier, et arrivé sur le TITANIC, les membres de l'équipage n'avaient pas été informés du remaniement des fonctions des officiers seniors, quoiqu'il est possible que LITTLEJOHN l'ait appris. Mais encore ici, ce sont des conjectures. Rappelons les uniformes qui n'avaient pas été changés, ce qui aurait pu jouer un rôle. Cependant, ces récits nous laissent à penser qu'il y a autant de possibilité pour que ces actes (tuer un Italien et le suicide subséquent) soient le fait de MURDOCH, comme on nous le dit depuis 1912, ou le fait de WILDE. Les possibilités sont de 50% pour chacun d'entre eux -- si bien sûr on discarte tous les autres "suspects" et autres possibilités. Le fait que WILDE était dépressif avant le voyage inaugural et les récits des témoins qui suggèrent que des coups de feu pourraient avoir été tirés aux canots pliables C ou D, accréditent la thèse du suicide. Cependant, LIGHTOLLER ne dit pas avoir vu WILDE près du canot pliable A, mais dit y avoir vu MURDOCH. Il a nié le suicide de l'un d'entre eux. Mais plus tard dans sa vie, LIGHTOLLER, qui demeurait dans le Hartfordshire, aurait raconté à un ami qu'il avait connu quelqu'un qui s'était suicidé cette nuit-là. Un article de presse fait état du fait que WILDE aurait été vu par LIGHTOLLER près de la passerelle, fumant une cigarette, et il aurait fait un signe de la main signifiant "bye bye" à son collègue. Mais il faut prendre cela avec circonspection car ce n'est pas LIGHTOLLER qui a raconté ce dernier détail. En définitive, il faut également garder à l'esprit que c'est WILDE qui a demandé que l'on sorte les armes à feu.
Le premier officier MURDOCH : On le sait, beaucoup de récits font état du fait que ce serait le premier officier MURDOCH qui se serait suicidé. Il est mentionné autant par son grade que par son nom. Toutefois, rien ne prouve que ce soit lui qui ait mis fin à ses jours, car en aucun cas ce sont des récits de première main qui ont rapporté cela. Seule Ms FRANCATELLI, la secrétaire des DUFF-GORDON, a dit que l'officier qui a amené son canot était celui qui s'était suicidé. Et on sait que c'est uniquement MURDOCH et LOWE qui étaient responsables de l'amenée du canot numéro 1. Or, LOWE a survécu... MURDOCH a fait savoir à la ronde qu'il était bien décidé à utiliser son arme à feu si le besoin s'en faisait sentir. Quant à ses motivations, elles pouvaient être empreintes de culpabilité. Rappelons que le premier officier était responsable du navire lorsque celui-ci a abordé l'iceberg, et en rétrospective, MURDOCH pourrait avoir estimé avoir pris les mauvaises décisions quant à la contre-manoeuvre d'évitement par bâbord qu'il a opérée. Et tout comme le capitaine SMITH, il savait qu'il n'y avait pas suffisamment de canots de sauvetage pour tous à bord, et il savait qu'il y aurait des centaines de victimes. Il pourrait avoir décidé qu'il ne pourrait pas supporter ni la culpabilité, ni les conséquences professionnelles, personnelles, voire légales de ses actions. MURDOCH se trouvait sur le navire là où beaucoup de récits placent les coups de feu : il a travaillé sur le canot pliable C puis il a manoeuvré les garants du canot pliable A. Peu après le naufrage, LIGHTOLLER aurait dit à James McGIFFINS, le super intendant de marine à Queenstown, qu'il a vu MURDOCH tirer sur un type, mais il n'y a aucune certitude quant à la véracité de cet événement (tant le fait qu'il ait tiré sur un type que le fait qu'il aurait dit quoique ce soit à McGIFFINS). Néanmoins, si le récit est véridique, c'est donc que LIGHTOLLER aurait menti dans la lettre qu'il a envoyé à Ada MURDOCH où il dit plutôt que son mari avait été emporté par une vague alors qu'il travaillait sur un canot pliable sur le toit du quartier des officiers lorsqu'une vague l'a emporté. [Et je dois rajouter, pour l'avoir lu dans Sea of Glass (p. 196), qu'à 02h15 le canot pliable A a été amené par MURDOCH et MOODY, c'est à dire 5 minutes avant que le TITANIC ne coule, au moment où la passerelle était submergée. Le témoignage de LIGHTOLLER ici peut avoir été véridique étant donné que MOODY est aussi mort dans le naufrage. On pourrait donc penser que les deux hommes ont été emportés ensemble par une grosse vague] Mais LIGHTOLLER est le seul a avoir placé MURDOCH en train de travailler sur le canot pliable A. Le Colonel GRACIE ne savait pas qui était l'officier qu'il avait vu jusqu'à ce qu'il l'apprenne après le naufrage. HEMMING a vu MOODY au canot pliable A qui donnait des ordres, mais n'y a pas vu MURDOCH. Une des possibilité est que MURDOCH n'était pas là où le place LIGHTOLLER.
4- Le sixième officier MOODY : Le seul fait qui fait de MOODY un suspect est le récit de Samuel HEMMING qui l'aurait vu près du canot pliable A. Selon les auteurs de SoG, MOODY n'aurait pas eu de motivations, mais je rajouterais que personnellement, dans la même situation, il y aurait eu l'eau à 2°C qui aurait été une grande motivation pour un suicide ! LIGHTOLLER ne l'a pas vu travailler sur les garants du canot pliable A, quoiqu'il était spécifique en affirmant avoir vu MURDOCH. Il n'y a aucune preuve que MOODY ait reçu un revolver ou qu'il en ait eu un personnel. Cette piste n'est donc pas très sérieuse.
5- Le commissaire de bord McELROY : En 1940, Jack THAYER a dit avoir vu McELROY tirer des coups de feu de semonce. Cependant ce récit fut contredit par d'autres témoins qui auraient plutôt vu MURDOCH le faire. Le commissaire de bord, quant à lui, n'aurait pas eu ni les fonctions ni les moyens de se procurer une arme à feu. On a récupéré son corps et aucune blessure par balle n'a été identifiée. Il n'avait aucune raison de se suicider. LIGHTOLLER a raconté avoir aperçu McELROY, son adjoint, et les chirurgiens se tenir un peu en retrait, sur le pont des embarcations, calmes, au moment où le canot numéro 4 était amené à bâbord autour de 01h50. S'il n'a pas aidé pour les manoeuvres de ce canot, il l'a néanmoins fait un peu plus tôt dans la soirée. Cela contredit donc les affirmations tardives de THAYER qui affirme que le Commissaire était impliqué dans l'amenée du canot C, dix minutes après que LIGHTOLLER ait dit l'avoir vu en retrait.
6- Le chef ingénieur BELL : Il n'y a de source qu'un récit de presse qui affirme que BELL pourrait avoir été celui qui s'est suicidé. Il n'avait aucune motivation spécifique pour ce faire, et encore une fois, le seul témoin à avoir vu BELL près du canot numéro 4, est notre second officier LIGHTOLLER. Vingt-huit ans après le naufrage, ce dernier aurait dit avoir vu les ingénieurs sur le pont des embarcations, et cela est en accord avec d'autres témoignages. Toutefois, cela contredit le récit que LIGHTOLLER a donné en 1912 où il nie avoir vu les ingénieurs. Aucune raison ne justifie un potentiel suicide et il n'avait aucune raison non plus de posséder une arme à feu.
7- Maître d'équipage Thomas W. KING : Quelques chercheurs ont suggéré que c'est KING qui pourrait s'être suicidé. Il n'y a aucune preuve ni motivations. Personne n'a témoigné avoir vu KING pendant le naufrage et on ignore s'il avait une arme à feu.
8- Le passager Major Archibald BUTT : C'est l'une des rumeurs les plus folles. Apparemment, le Major aurait eu une entente avec George WIDENER, le Colonel ASTOR et Isidor STRAUSS : il les tuait de son arme à feu puis se suicidait ensuite lorsque le navire coulerait et qu'il n'y avait plus aucun espoir de survivre à la catastrophe. Cependant, les corps d'ASTOR et de BUTT ont été repêchés et aucun ne portaient de plaie par balle. Un passager de 2e classe, probablement Albert CALDWELL ainsi que madame Irene HARRIS ont affirmé que le Major avait aidé les officiers en gardant les hommes éloignés des canots de sauvetage à l'aide de son arme à feu, mais selon cette dernière, il n'aurait pas tiré. Le Major étant revêtu de son uniforme, il est possible qu'il ait été confondu avec un officier. Il a été vu pour la dernière fois près du canot pliable D vers 02h05, là où les coups de feu ont été tirés, et où les témoins ont parlé de suicide. Selon les auteurs de SoG, il n'y a aucune raison de suspecter que le Major ait eu un révolver en sa possession, cependant, je rajouterais que le Major BUTT était d'une part Américain, et d'autre part l'officier de liaison du Président TAFT avec l'État Major de l'Armée Américaine : deux raisons pour lesquelles je crois qu'il avait en sa possession une arme à feu. Il est quasiment impossible qu'il n'en ait pas eu une.
Ceci achève l'examen des principaux candidats au suicide.
Il faut se rappeler qu'il n'y a aucune preuve que des corps aient eu des blessures par balles. Aucun n'a été récupéré. Un passager du CARPATHIA a raconté qu'un corps d'un chauffeur du TITANIC avait été embarqué avec des traces de coups de feu puisqu'un officier l'aurait tué pour désobéissance. Mais il n'y a aucune preuve qui soutiennent ce récit plutôt curieux (pour "désobéissance" ???!!!). John SNOW a travaillé sur des corps à Halifax et qui pourrait avoir vu une telle chose, mais ce témoignage est de 3e et 4e main, donc loin d'être un témoignage direct. Il faut donc le considérer sujet à caution. Cependant, seuls 337 corps sur 1496 ont été repêchés, soit moins de 25% !
Des explications alternatives de chercheurs sur le TITANIC ont été tentées. Selon certains, aucun coup de feu n'aurait été tiré sur le TITANIC : quand la première cheminée est tombée, les câbles qui la retenaient se sont aussi rompus sous le poids, et cela a produit des claquement qui auraient pu être confondus avec des coups de feu. Mais si cela explique les bruits, cela n'explique pas que RHEIMS ou DALY aient affirmé avoir vu des coups de feu être tirés. Mais le témoignage de Richard Norris-WILLIAMS rend l'hypothèse de la chute de la cheminée être très improbable puisque c'est arrivé bien avant que son père ne soit tué par la cheminée qui lui est tombée sur la tête.
Une autre théorie est à l'effet que des passagers auraient vu ou entendu le cinquième officier LOWE tirer des coups de feu de semonce au canot numéro 14 et trompés par les apparences, auraient pu penser que des passagers auraient bel et bien pu être tués. Toutefois, cette théorie n'explique pas comment des passagers ont pu entendre des coups de feu avant et après que le pont des embarcations soit submergé. Le canot 14 a été amené à 01h25 et le pont des embarcations a été submergé à 02h15, soit 50 minutes plus tard.
En conclusion, est-ce qu'un officier a tiré sur des hommes avant de se suicider, et si oui, qui était-ce ?
À moins qu'il ne reste encore des témoignages qui n'auraient pas encore été sortis depuis 1912, la question ne sera jamais résolue avec certitude. Il n'y a pas de faits ni de données fiables sur le sujet pour que l'on détermine qui, quand et comment avec certitude. Pas plus que qui était impliqué. Beaucoup de ceux qui auraient assisté au suicide, s'il y en a vraiment eu un, n'ont pas survécu au naufrage. Les membres d'équipage qui travaillaient sur les canots C, D et A, vers la fin, savaient pertinemment que leur heure approchait. L'eau avait envahi le pont des embarcations et plus de 1000 personnes étaient encore à bord. Le canot C est parti quand l'eau approchait du pont des embarcations et 15 minutes avant que le navire ne plonge. Le canot pliable D a été amené 5 minuts plus tard et le pont des embarcations à bâbord était 10 pieds au-dessus de l'eau, dû à la gite de 10° qui se manifestait alors. Quand le canot pliable A a été amené, il était 02h00 - 02h15, et l'eau submergeait le pont des embarcations. Pour contrôler la situation au canot pliable C et permettre à des femmes et des enfants d'embarquer en toute sécurité dans cette embarcation, MURDOCH a dû tirer des coups de feu. Quoique les circonstances ne soient pas claires, LIGHTOLLER et WILDE ont pu avoir eu à faire la même chose au canot pliable D. Selon GRACIE, beaucoup de passagers de 3e classe sont montés sur le pont des embarcations peu de temps avant la disparition du TITANIC, et ils ont trouvé tous les canots partis et la mer qui se rapprochait d'eux. John COLLINS a confirmé le récit de GRACIE en disant qu'ils étaient des centaines pendant la tentative d'amener le canot pliable A. Le steward Edward BROWN a témoigné qu'il y avait 5 ou 6 femmes qui attendaient et quand la mer est arrivée sur le pont des embarcations, il y a eu urgence chez les passagers pour embarquer dans les canots. Il est donc compréhensible que les armes aient été utiles, car les gens commençaient à paniquer et il fallait que les femmes et les enfants puissent gagner les canots et qu'ils soient amenés en toute sécurité à l'eau. Dans le cas du canot pliable A, les armes à feu se sont avérées utiles : les officiers devaient couper les cordes et empêcher que les gens ne leur barrent le chemin.
Bien sûr, on s'en doute, il n'y a aucun moyen de savoir si un suicide a eu lieu ou si des coups de feu ont bel et bien été tirés avec certitude. Mais selon les auteurs de Sea of Glass, les hommes dont il est question ci-haut ont tous été des héros dans les circonstances, sans s'occuper de savoir si ceux-ci ont été obligés ou non de tirer sur quelqu'un ou de le faire pour restaurer l'ordre si cela permettait de sauver davantage de personnes comme ce fut probablement le cas. Mais ces hommes ont fait leur devoir jusqu'au bout, envers et contre tous, et ils ont contribué à faire en sorte que plus de 700 personnes survivent au terrible naufrage.
Et pour terminer, je rajouterais que le suicide ici -- qu'il ait eu lieu ou pas ; qu'il ait concerné MURDOCH ou WILDE ou autre -- ne doit pas être regardé avec notre "vieux fond de Catho" qui fait du suicide un péché mortel (sans jeu de mot!) car dans les circonstances, je ne suis pas certaine que si nous avions été à leur place et que nous ayons eu un revolver entre les mains, si nous n'aurions pas fait comme eux pour éviter de mourir en souffrant de longues minutes dans l'eau froide : peut être aurions nous aussi choisi d'abréger nos souffrances. Je ne sais pas pour vous, mais personnellement, c'est très probablement ce que j'aurais fait. Quoique ce n'est que dans une situation donnée que nous savons vraiment comment nous réagirions en pareilles circonstances.
Voilà donc où en est la recherche sur le sujet. Sur ce, à bientôt !
(pour ceux qui "débarquent" sur le post, je signale que la première partie est sous celle-ci)
1) Le Capitaine SMITH : Le capitaine Smith, dans les jours suivants le naufrage, a été l'objet de plusieurs rumeurs à l'effet qu'il se serait enlevé la vie. Les journaux en ont fait les gros titres, et même son collègue, le capitaine ROSTRON, du CARPATHIA s'est senti obligé de démentir les déclarations inhérente à ce geste ultime. Un artiste dans un journal a même dessiné la scène. Selon les auteurs de SoG, les motivations du maître des lieux auraient eu à voir avec le fait qu'il n'était pas sur la passerelle au moment de l'abordage de l'iceberg, et qu'il n'ait pas pu prendre des mesures qui auraient peut être sauvé le navire. Il était conscient, probablement plus que quiconque, que les victimes seraient nombreuses si le TITANIC, conséquence de l'accident, se "transformait" en "sous-marin", et sa réputation en prendrait un dur coup. [Et je rajouterais, de façon personnelle, que le Capitaine SMITH avait été au coeur de pas moins de huit incidents où ses navires sont entrés en abordage avec d'autres navires; des quais; des bateaux-phares, etc. L'incident le plus sérieux avant le TITANIC est lorsque l'OLYMPIC a abordé le HAWKE, navire de la Royal-Navy. Bien sûr, il devait sans doute avoir ces incidents en tête après 23h40 le 14 avril 1912.]. De nombreux récits placent le capitaine près de la passerelle peu avant que le TITANIC ne coule. Les récits de BRIDE et MELLORS semblent crédibles sur ce sujet, et ceux-ci l'auraient vu plonger avec Thomas ANDREWS [Eh non, ANDREWS n'est pas resté dans le fumoir des premières classes à ajuster l'horloge tandis que le navire coulait, comme nous l'a dépeint le film de CAMERON. J'écrirai éventuellement un article sur mon blogue sur cela s'il y a de l'intérêt], ce qui indique plutôt qu'il souhaitait sauver sa vie. L'histoire selon laquelle il aurait sauvé un bébé dans l'eau est douteuse, toutefois, il aurait été vu dans l'eau peu de temps après la disparition de son navire.
Le chef officier WILDE : Beaucoup de récits relatent le fait que le chef officier Henry Tingle WILDE aurait mis fin à ses jours, cependant, ces récits, pour la plupart, ne sont pas très convaincants. Un témoin, qui désirait demeurer dans l'anonymat -- ce qui bien sûr enlève de la crédibilité à ce récit -- aurait raconté à un journaliste avoir été témoin du suicide de WILDE; tandis qu'un certain HAYMAN parle du "chef officier" qui aurait péri de sa propre main, mais il ne cite pas de nom pour ce "chef officier" qui pourrait avoir été à peu près n'importe qui portant un uniforme. Ce récit pourrait avoir été fabriqué, tout comme celui "d'Anonyme". Quant à ses motivations pour un tel geste, il faut se rappeler qu'un an et demi avant le naufrage, WILDE avait perdu son épouse, qui était décédée en accouchant, et l'officier se retrouvait seul avec 4 enfants : deux jumeaux, Archie et Richard, ainsi que deux filles : Annie et Jane. WILDE aurait eu particulièrement de difficulté à se remettre de ce deuil, et il n'avait pas beaucoup travaillé en 1911 afin de régler des choses personnelles en lien avec son veuvage. Des amis ont par la suite témoigné avoir entendu WILDE affirmer que peu importe quand, mais qu'il était décidé à aller rejoindre son épouse. Toutefois, cela était plusieurs mois avant le naufrage, et entre temps son état d'esprit pourrait avoir changé. LIGHTOLLER a témoigné avoir entendu son supérieur affirmer qu'il irait mettre son gilet de sauvetage, et lorsque les revolvers ont été distribués, le second officier a rapporté que celui-ci ne semblait pas suicidaire et qu'il ne pensait à rien d'autre que survivre. Mais cela peut avoir changé au cours de la soirée, bien entendu.
Les allées et venues de WILDE sont inexistantes dans les récits des témoins. Selon LIGHTOLLER, le chef officier se serait trouvé près du canot pliable D peu de temps avant que le TITANIC ne coule, et aurait menacé un passager avec son arme à feu alors qu'il tentait d'embarquer de force dans le canot. Des coups de feu auraient été entendus à cet endroit, et aucun autre témoignage ne parle de WILDE après cet incident. Rappelons que c'est au canot pliable D que LIGHTOLLER aurait été obligé de tirer des coups de semonces pour empêcher les gens de se ruer dans les canots de façon désordonnée, comme il l'a dit au Colonel GRACIE, après les événements. Le steward LITTLEJOHN s'est fait demander s'il y avait eu des gens morts de coups de feu sur le navire. Il aurait répondu que le chef officier avait tiré sur un serveur Italien du Restaurant à la Carte et l'avait tué. Ce n'est toutefois pas clair si LITTLEJOHN a été témoin de cet incident ou si on le lui a rapporté. LITTLEJOHN avait servi sur l'OLYMPIC avec MURDOCH et WILDE, et il pouvait donc faire référence à MURDOCH puisque sur le navire jumeau du TITANIC, c'est ce dernier qui était le chef officier, et arrivé sur le TITANIC, les membres de l'équipage n'avaient pas été informés du remaniement des fonctions des officiers seniors, quoiqu'il est possible que LITTLEJOHN l'ait appris. Mais encore ici, ce sont des conjectures. Rappelons les uniformes qui n'avaient pas été changés, ce qui aurait pu jouer un rôle. Cependant, ces récits nous laissent à penser qu'il y a autant de possibilité pour que ces actes (tuer un Italien et le suicide subséquent) soient le fait de MURDOCH, comme on nous le dit depuis 1912, ou le fait de WILDE. Les possibilités sont de 50% pour chacun d'entre eux -- si bien sûr on discarte tous les autres "suspects" et autres possibilités. Le fait que WILDE était dépressif avant le voyage inaugural et les récits des témoins qui suggèrent que des coups de feu pourraient avoir été tirés aux canots pliables C ou D, accréditent la thèse du suicide. Cependant, LIGHTOLLER ne dit pas avoir vu WILDE près du canot pliable A, mais dit y avoir vu MURDOCH. Il a nié le suicide de l'un d'entre eux. Mais plus tard dans sa vie, LIGHTOLLER, qui demeurait dans le Hartfordshire, aurait raconté à un ami qu'il avait connu quelqu'un qui s'était suicidé cette nuit-là. Un article de presse fait état du fait que WILDE aurait été vu par LIGHTOLLER près de la passerelle, fumant une cigarette, et il aurait fait un signe de la main signifiant "bye bye" à son collègue. Mais il faut prendre cela avec circonspection car ce n'est pas LIGHTOLLER qui a raconté ce dernier détail. En définitive, il faut également garder à l'esprit que c'est WILDE qui a demandé que l'on sorte les armes à feu.
Le premier officier MURDOCH : On le sait, beaucoup de récits font état du fait que ce serait le premier officier MURDOCH qui se serait suicidé. Il est mentionné autant par son grade que par son nom. Toutefois, rien ne prouve que ce soit lui qui ait mis fin à ses jours, car en aucun cas ce sont des récits de première main qui ont rapporté cela. Seule Ms FRANCATELLI, la secrétaire des DUFF-GORDON, a dit que l'officier qui a amené son canot était celui qui s'était suicidé. Et on sait que c'est uniquement MURDOCH et LOWE qui étaient responsables de l'amenée du canot numéro 1. Or, LOWE a survécu... MURDOCH a fait savoir à la ronde qu'il était bien décidé à utiliser son arme à feu si le besoin s'en faisait sentir. Quant à ses motivations, elles pouvaient être empreintes de culpabilité. Rappelons que le premier officier était responsable du navire lorsque celui-ci a abordé l'iceberg, et en rétrospective, MURDOCH pourrait avoir estimé avoir pris les mauvaises décisions quant à la contre-manoeuvre d'évitement par bâbord qu'il a opérée. Et tout comme le capitaine SMITH, il savait qu'il n'y avait pas suffisamment de canots de sauvetage pour tous à bord, et il savait qu'il y aurait des centaines de victimes. Il pourrait avoir décidé qu'il ne pourrait pas supporter ni la culpabilité, ni les conséquences professionnelles, personnelles, voire légales de ses actions. MURDOCH se trouvait sur le navire là où beaucoup de récits placent les coups de feu : il a travaillé sur le canot pliable C puis il a manoeuvré les garants du canot pliable A. Peu après le naufrage, LIGHTOLLER aurait dit à James McGIFFINS, le super intendant de marine à Queenstown, qu'il a vu MURDOCH tirer sur un type, mais il n'y a aucune certitude quant à la véracité de cet événement (tant le fait qu'il ait tiré sur un type que le fait qu'il aurait dit quoique ce soit à McGIFFINS). Néanmoins, si le récit est véridique, c'est donc que LIGHTOLLER aurait menti dans la lettre qu'il a envoyé à Ada MURDOCH où il dit plutôt que son mari avait été emporté par une vague alors qu'il travaillait sur un canot pliable sur le toit du quartier des officiers lorsqu'une vague l'a emporté. [Et je dois rajouter, pour l'avoir lu dans Sea of Glass (p. 196), qu'à 02h15 le canot pliable A a été amené par MURDOCH et MOODY, c'est à dire 5 minutes avant que le TITANIC ne coule, au moment où la passerelle était submergée. Le témoignage de LIGHTOLLER ici peut avoir été véridique étant donné que MOODY est aussi mort dans le naufrage. On pourrait donc penser que les deux hommes ont été emportés ensemble par une grosse vague] Mais LIGHTOLLER est le seul a avoir placé MURDOCH en train de travailler sur le canot pliable A. Le Colonel GRACIE ne savait pas qui était l'officier qu'il avait vu jusqu'à ce qu'il l'apprenne après le naufrage. HEMMING a vu MOODY au canot pliable A qui donnait des ordres, mais n'y a pas vu MURDOCH. Une des possibilité est que MURDOCH n'était pas là où le place LIGHTOLLER.
4- Le sixième officier MOODY : Le seul fait qui fait de MOODY un suspect est le récit de Samuel HEMMING qui l'aurait vu près du canot pliable A. Selon les auteurs de SoG, MOODY n'aurait pas eu de motivations, mais je rajouterais que personnellement, dans la même situation, il y aurait eu l'eau à 2°C qui aurait été une grande motivation pour un suicide ! LIGHTOLLER ne l'a pas vu travailler sur les garants du canot pliable A, quoiqu'il était spécifique en affirmant avoir vu MURDOCH. Il n'y a aucune preuve que MOODY ait reçu un revolver ou qu'il en ait eu un personnel. Cette piste n'est donc pas très sérieuse.
5- Le commissaire de bord McELROY : En 1940, Jack THAYER a dit avoir vu McELROY tirer des coups de feu de semonce. Cependant ce récit fut contredit par d'autres témoins qui auraient plutôt vu MURDOCH le faire. Le commissaire de bord, quant à lui, n'aurait pas eu ni les fonctions ni les moyens de se procurer une arme à feu. On a récupéré son corps et aucune blessure par balle n'a été identifiée. Il n'avait aucune raison de se suicider. LIGHTOLLER a raconté avoir aperçu McELROY, son adjoint, et les chirurgiens se tenir un peu en retrait, sur le pont des embarcations, calmes, au moment où le canot numéro 4 était amené à bâbord autour de 01h50. S'il n'a pas aidé pour les manoeuvres de ce canot, il l'a néanmoins fait un peu plus tôt dans la soirée. Cela contredit donc les affirmations tardives de THAYER qui affirme que le Commissaire était impliqué dans l'amenée du canot C, dix minutes après que LIGHTOLLER ait dit l'avoir vu en retrait.
6- Le chef ingénieur BELL : Il n'y a de source qu'un récit de presse qui affirme que BELL pourrait avoir été celui qui s'est suicidé. Il n'avait aucune motivation spécifique pour ce faire, et encore une fois, le seul témoin à avoir vu BELL près du canot numéro 4, est notre second officier LIGHTOLLER. Vingt-huit ans après le naufrage, ce dernier aurait dit avoir vu les ingénieurs sur le pont des embarcations, et cela est en accord avec d'autres témoignages. Toutefois, cela contredit le récit que LIGHTOLLER a donné en 1912 où il nie avoir vu les ingénieurs. Aucune raison ne justifie un potentiel suicide et il n'avait aucune raison non plus de posséder une arme à feu.
7- Maître d'équipage Thomas W. KING : Quelques chercheurs ont suggéré que c'est KING qui pourrait s'être suicidé. Il n'y a aucune preuve ni motivations. Personne n'a témoigné avoir vu KING pendant le naufrage et on ignore s'il avait une arme à feu.
8- Le passager Major Archibald BUTT : C'est l'une des rumeurs les plus folles. Apparemment, le Major aurait eu une entente avec George WIDENER, le Colonel ASTOR et Isidor STRAUSS : il les tuait de son arme à feu puis se suicidait ensuite lorsque le navire coulerait et qu'il n'y avait plus aucun espoir de survivre à la catastrophe. Cependant, les corps d'ASTOR et de BUTT ont été repêchés et aucun ne portaient de plaie par balle. Un passager de 2e classe, probablement Albert CALDWELL ainsi que madame Irene HARRIS ont affirmé que le Major avait aidé les officiers en gardant les hommes éloignés des canots de sauvetage à l'aide de son arme à feu, mais selon cette dernière, il n'aurait pas tiré. Le Major étant revêtu de son uniforme, il est possible qu'il ait été confondu avec un officier. Il a été vu pour la dernière fois près du canot pliable D vers 02h05, là où les coups de feu ont été tirés, et où les témoins ont parlé de suicide. Selon les auteurs de SoG, il n'y a aucune raison de suspecter que le Major ait eu un révolver en sa possession, cependant, je rajouterais que le Major BUTT était d'une part Américain, et d'autre part l'officier de liaison du Président TAFT avec l'État Major de l'Armée Américaine : deux raisons pour lesquelles je crois qu'il avait en sa possession une arme à feu. Il est quasiment impossible qu'il n'en ait pas eu une.
Ceci achève l'examen des principaux candidats au suicide.
Il faut se rappeler qu'il n'y a aucune preuve que des corps aient eu des blessures par balles. Aucun n'a été récupéré. Un passager du CARPATHIA a raconté qu'un corps d'un chauffeur du TITANIC avait été embarqué avec des traces de coups de feu puisqu'un officier l'aurait tué pour désobéissance. Mais il n'y a aucune preuve qui soutiennent ce récit plutôt curieux (pour "désobéissance" ???!!!). John SNOW a travaillé sur des corps à Halifax et qui pourrait avoir vu une telle chose, mais ce témoignage est de 3e et 4e main, donc loin d'être un témoignage direct. Il faut donc le considérer sujet à caution. Cependant, seuls 337 corps sur 1496 ont été repêchés, soit moins de 25% !
Des explications alternatives de chercheurs sur le TITANIC ont été tentées. Selon certains, aucun coup de feu n'aurait été tiré sur le TITANIC : quand la première cheminée est tombée, les câbles qui la retenaient se sont aussi rompus sous le poids, et cela a produit des claquement qui auraient pu être confondus avec des coups de feu. Mais si cela explique les bruits, cela n'explique pas que RHEIMS ou DALY aient affirmé avoir vu des coups de feu être tirés. Mais le témoignage de Richard Norris-WILLIAMS rend l'hypothèse de la chute de la cheminée être très improbable puisque c'est arrivé bien avant que son père ne soit tué par la cheminée qui lui est tombée sur la tête.
Une autre théorie est à l'effet que des passagers auraient vu ou entendu le cinquième officier LOWE tirer des coups de feu de semonce au canot numéro 14 et trompés par les apparences, auraient pu penser que des passagers auraient bel et bien pu être tués. Toutefois, cette théorie n'explique pas comment des passagers ont pu entendre des coups de feu avant et après que le pont des embarcations soit submergé. Le canot 14 a été amené à 01h25 et le pont des embarcations a été submergé à 02h15, soit 50 minutes plus tard.
En conclusion, est-ce qu'un officier a tiré sur des hommes avant de se suicider, et si oui, qui était-ce ?
À moins qu'il ne reste encore des témoignages qui n'auraient pas encore été sortis depuis 1912, la question ne sera jamais résolue avec certitude. Il n'y a pas de faits ni de données fiables sur le sujet pour que l'on détermine qui, quand et comment avec certitude. Pas plus que qui était impliqué. Beaucoup de ceux qui auraient assisté au suicide, s'il y en a vraiment eu un, n'ont pas survécu au naufrage. Les membres d'équipage qui travaillaient sur les canots C, D et A, vers la fin, savaient pertinemment que leur heure approchait. L'eau avait envahi le pont des embarcations et plus de 1000 personnes étaient encore à bord. Le canot C est parti quand l'eau approchait du pont des embarcations et 15 minutes avant que le navire ne plonge. Le canot pliable D a été amené 5 minuts plus tard et le pont des embarcations à bâbord était 10 pieds au-dessus de l'eau, dû à la gite de 10° qui se manifestait alors. Quand le canot pliable A a été amené, il était 02h00 - 02h15, et l'eau submergeait le pont des embarcations. Pour contrôler la situation au canot pliable C et permettre à des femmes et des enfants d'embarquer en toute sécurité dans cette embarcation, MURDOCH a dû tirer des coups de feu. Quoique les circonstances ne soient pas claires, LIGHTOLLER et WILDE ont pu avoir eu à faire la même chose au canot pliable D. Selon GRACIE, beaucoup de passagers de 3e classe sont montés sur le pont des embarcations peu de temps avant la disparition du TITANIC, et ils ont trouvé tous les canots partis et la mer qui se rapprochait d'eux. John COLLINS a confirmé le récit de GRACIE en disant qu'ils étaient des centaines pendant la tentative d'amener le canot pliable A. Le steward Edward BROWN a témoigné qu'il y avait 5 ou 6 femmes qui attendaient et quand la mer est arrivée sur le pont des embarcations, il y a eu urgence chez les passagers pour embarquer dans les canots. Il est donc compréhensible que les armes aient été utiles, car les gens commençaient à paniquer et il fallait que les femmes et les enfants puissent gagner les canots et qu'ils soient amenés en toute sécurité à l'eau. Dans le cas du canot pliable A, les armes à feu se sont avérées utiles : les officiers devaient couper les cordes et empêcher que les gens ne leur barrent le chemin.
Bien sûr, on s'en doute, il n'y a aucun moyen de savoir si un suicide a eu lieu ou si des coups de feu ont bel et bien été tirés avec certitude. Mais selon les auteurs de Sea of Glass, les hommes dont il est question ci-haut ont tous été des héros dans les circonstances, sans s'occuper de savoir si ceux-ci ont été obligés ou non de tirer sur quelqu'un ou de le faire pour restaurer l'ordre si cela permettait de sauver davantage de personnes comme ce fut probablement le cas. Mais ces hommes ont fait leur devoir jusqu'au bout, envers et contre tous, et ils ont contribué à faire en sorte que plus de 700 personnes survivent au terrible naufrage.
Et pour terminer, je rajouterais que le suicide ici -- qu'il ait eu lieu ou pas ; qu'il ait concerné MURDOCH ou WILDE ou autre -- ne doit pas être regardé avec notre "vieux fond de Catho" qui fait du suicide un péché mortel (sans jeu de mot!) car dans les circonstances, je ne suis pas certaine que si nous avions été à leur place et que nous ayons eu un revolver entre les mains, si nous n'aurions pas fait comme eux pour éviter de mourir en souffrant de longues minutes dans l'eau froide : peut être aurions nous aussi choisi d'abréger nos souffrances. Je ne sais pas pour vous, mais personnellement, c'est très probablement ce que j'aurais fait. Quoique ce n'est que dans une situation donnée que nous savons vraiment comment nous réagirions en pareilles circonstances.
Voilà donc où en est la recherche sur le sujet. Sur ce, à bientôt !
Re: Lightoller : le menteur ?
Merci de nous avoir fait ce compte rendu. Quand je lis les différents témoignages et explications, je ne sais plus trop quoi penser.
Je ne sais pas si quelqu'un ici pense ça. Même dans le film de Cameron, jusqu'au bout j'ai ressenti de la sympathie pour Murdoch. Qu'il se soit suicidé ou pas (ou que quelqu'un d'autre l'ait fait) ne change rien. Ils ont accompli leur devoir.Lili.marlene3945 a écrit:
Et pour terminer, je rajouterais que le suicide ici -- qu'il ait eu lieu ou pas ; qu'il ait concerné MURDOCH ou WILDE ou autre -- ne doit pas être regardé avec notre "vieux fond de Catho" qui fait du suicide un péché mortel (sans jeu de mot!) car dans les circonstances, je ne suis pas certaine que si nous avions été à leur place et que nous ayons eu un revolver entre les mains, si nous n'aurions pas fait comme eux pour éviter de mourir en souffrant de longues minutes dans l'eau froide : peut être aurions nous aussi choisi d'abréger nos souffrances. Je ne sais pas pour vous, mais personnellement, c'est très probablement ce que j'aurais fait. Quoique ce n'est que dans une situation donnée que nous savons vraiment comment nous réagirions en pareilles circonstances.
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"Que le plaisir qu'elle procure éteigne mon corps et le feu de mon âme à tout jamais"
Mon site sur Jack Phillips : http://jackphillips-titanic.e-monsite.com/
Re: Lightoller : le menteur ?
C'est difficile de se faire une opinion mais c'est bien d'avoir eu un résumé de toutes les possibilités, y compris parmi les membres d'équipage dont on pense moins. Comme tu dis, on ne sera jamais certain. La plupart des passagers qui auraient pu voir éventuellement le suicide sont décédés dans la catastrophe.
Je suis d'accord avec toi. S'il y a eu un suicide, je pense que la personne devait vraiment être à bout, ne plus voir d'espérance et sûrement culpabiliser pour une raison ou une autre. C'est dramatique mais effectivement, ça ne change rien au fait que les officiers aient été héroïques cette nuit là, tentant de sauver un maximum de personnes.
Joris
Sha're a écrit:Je ne sais pas si quelqu'un ici pense ça. Même dans le film de Cameron, jusqu'au bout j'ai ressenti de la sympathie pour Murdoch. Qu'il se soit suicidé ou pas (ou que quelqu'un d'autre l'ait fait) ne change rien. Ils ont accompli leur devoir.Lili.marlene3945 a écrit:
Et pour terminer, je rajouterais que le suicide ici -- qu'il ait eu lieu ou pas ; qu'il ait concerné MURDOCH ou WILDE ou autre -- ne doit pas être regardé avec notre "vieux fond de Catho" qui fait du suicide un péché mortel (sans jeu de mot!) car dans les circonstances, je ne suis pas certaine que si nous avions été à leur place et que nous ayons eu un revolver entre les mains, si nous n'aurions pas fait comme eux pour éviter de mourir en souffrant de longues minutes dans l'eau froide : peut être aurions nous aussi choisi d'abréger nos souffrances. Je ne sais pas pour vous, mais personnellement, c'est très probablement ce que j'aurais fait. Quoique ce n'est que dans une situation donnée que nous savons vraiment comment nous réagirions en pareilles circonstances.
Je suis d'accord avec toi. S'il y a eu un suicide, je pense que la personne devait vraiment être à bout, ne plus voir d'espérance et sûrement culpabiliser pour une raison ou une autre. C'est dramatique mais effectivement, ça ne change rien au fait que les officiers aient été héroïques cette nuit là, tentant de sauver un maximum de personnes.
Joris
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Le Titanic coulait il y a cent douze ans le 15 avril 1912. Une catastrophe maritime que rien
ne laissait prévoir et qui coûta la vie à plus de 1500 personnes.
Une pensée pour toutes les victimes de cet événement tragique qui a eu lieu il y a un siècle
et n'oublions jamais...
Joris-
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