Cinq passagers fuyant les persécutions de l'Empire Ottoman

Les histoires de cinq passagers, cinq amis, qui avaient la vingtaine, dont le point commun était d'être arménien et d'être sur le Titanic pour fuir les persécutions qu'en tant que chrétiens ils subissaient sous le régime de l'Empire Ottoman.
Tous les cinq ont décidé de fuir leur pays et d'émigrer vers le Canada. Ils ont acheté leur billet à Marseille et ont embarqué de Cherbourg.

David Vartanian est né le 15 avril 1890. Il était d'origine ethnique arménienne et vivait à Oror, Kiği, près d'Erzurum, dans l'est de la Turquie.
Il était le fils de Azadia Vartanian et de Sierma Apigian.



David travaillait comme ouvrier et s'est marié en 1911 avec Mary Baidzar (née le 15 avril 1895 à Dzermag, Kiği). En tant que chrétien et arménien, lui et ses semblables ont été relégués au rang de citoyens de seconde zone et ont été victimes de persécutions cruelles sous le régime turc des Ottomans. Les troubles politiques et religieux qui culminaient à l'époque ont incité David et plusieurs de ses compatriotes à fuir le pays et à émigrer au Canada. Sa femme Mary est restée elle à Kiği.

David a embarqué à bord du Titanic à Cherbourg en tant que passager de troisième classe (billet n° 2658). Il a déclaré avoir été sauvé à bord du radeau A, mais il est plus probable qu'il se soit échappé dans une embarcation de sauvetage standard, peut-être le bateau 13, mais plus probablement le 15. Le 15 avril 1912, il fêtait son 22ème anniversaire.

Après le naufrage, il est arrivé au Canada où il est allé avec Neshan Krekorian (voir plus bas) chez M. Paul Martin à Hamilton, en Ontario. Il y vécut plusieurs années avant de finalement s’installer aux États-Unis.
Il a pensé que sa femme avait été victime du génocide arménien qui a débuté en avril 1915 mais il a continué cependant à lui envoyer des lettres dans l’espoir de la retrouver. Après des années de persévérance, il a réussi à savoir que sa femme était toujours en vie et il lui a envoyé de l'argent pour qu'ils se retrouvent. Le couple a été réuni après onze ans d'absence à Niagara Falls.

David et sa femme se sont installés ensuite à Meadville, Crawford, en Pennsylvanie, et travaillèrent pour la WPA (Work Projects Administration).

Le couple eut trois enfants : Jack "Jackie" (1924-1986), Rose (1926-2012, devenue plus tard Mme George Vartanian) et Alice (née en 1931, plus tard Mme Dan Wojdylack). La famille résidait toujours à Meadville au moment du recensement de 1940, mais ils ont ensuite déménagé et se sont installés à Detroit, dans le Michigan.

David Vartanian décède à Détroit le 3 août 1966 à l'âge de 76 ans et est enterré au cimetière de Woodmere dans cette ville. Sa femme est décédée 13 ans plus tard en 1979 à 84 ans.



ICI sur ce site arménien, une personne raconte sa rencontre avec Rose, la fille de David qui était surnommé "Titanic David", et le fils de celle-ci Greg, à l'occasion d'une expo sur le Titanic en 2012. Ils ont livré de nombreuses anecdotes. Greg a notamment dit : "La partie inférieure du corps de mon grand-père avait une teinte bleuâtre résultant d'une immersion prolongée dans l'eau glacée et le resta toute sa vie".

Neshan Krekorian est né le 12 mai (ou le 1er décembre) 1886 dans le village de Keghi, dans l'actuelle Arménie occupée par les Turcs. Il vivait à Erzurum et était ouvrier agricole.


https://fr.findagrave.com/memorial/58121804/neshan-krekorian

Il était chrétien et, après que les musulmans turcs eurent repris une vendetta, Krekorian et plusieurs de ses compatriotes, ont décidé de fuir le pays et d'émigrer au Canada. Il se rendait chez M. Paul Martin, à Hamilton (Ontario), tout comme David Vartanian.

Une source suggère que Krekorian n’avait pas de billet pour embarquer sur le Titanic et a dû soudoyer un agent de voyages à Marseille pour monter à bord, bien que la liste des billets du contrat indique qu’il détenait le billet n° 2654. Quoi qu'il en soit, il est monté à bord du Titanic à Cherbourg en tant que passager de troisième classe. Il a alors 25 ans.
Krekorian s’est plaint par la suite d’être « enfermé comme un poulet » dans sa cabine de troisième classe (la cabine E-57 sur le pont F).

Le soir du 14 avril, Krekorian jouait aux cartes. Vers 23 heures, il a ôté ses chaussures et s'est glissé dans sa couchette avec ses vêtements. Il a sentit un courant d'air et a remarqué que son hublot était ouvert. Lorsqu'il est allé le fermer, il a remarqué des glaçons dans l'eau. "Même si c'était la première fois de ma vie que je voyais des icebergs, je n'y pensais pas beaucoup car ils étaient à peine perceptibles", a-t-il déclaré plus tard.
Quand l'iceberg a heurté le Titanic, Neshan Krekorian est au lit. Un ami vient le voir pour lui dire de rassembler ses affaires. Il a réussi à se frayer un chemin jusqu'au pont A au moment même où l'embarcation de sauvetage 10 était préparé et affalé ; il a alors descendu le pont, a fait un bond pour l'atteindre et a atterri dans le bateau. Le matelot de première classe Frank Evans a plus tard déclaré dans son témoignage que Krekorian avait "délibérément sauté à l'intérieur et s'était sauvé". Il s'est au départ caché dans le canot avec de se relever et d'être obligé de ramer, mais une blessure au bras l'en empêche.

Krekorian a survécu, l'équipage du Carpathia lui donne du whisky et un médecin soigne sa blessure. Il contracte néanmoins une pneumonie et est hospitalisé à New York et, lorsqu'il s'est finalement rendu à Brantford, en Ontario, il a été hospitalisé à nouveau pendant quelques semaines.
En 1918, il s'installe à St. Catherines, en Ontario. Il épouse Persa Vartanian (1898-1985) le 12 juillet 1924 et ils ont quatre enfants.
Krekorian a travaillé toute sa vie sur une chaîne de montage de voitures de General Motors.

Le Titanic était sa première et unique fois sur un navire. À chaque fois qu'il s'approchait d'un grand plan d'eau, sa fille a raconté que : "son visage trahissait ses pensées, il regardait l'eau et tu savais instantanément qu'il revivait cette nuit-là."

Il est décédé à Sainte-Catherine le 21 mai 1978.



Il existe un documentaire consacré à ce passager, voir ici.

Fiche Cité de la mer : https://mediathequedelamer.com/wp-content/uploads/la-cite-de-la-mer-fiches-passagers-titanic-neshan-krekorian.pdf

Il y avait aussi Ortin Zakarian (né en 1885), Mapriededer Zakarian (né en 1890) et Orsen Sirayanian (né en 1890, fermier de profession) qui étaient originaires de l’Arménie occupée par la Turquie en 1912. Ils étaient chrétiens et eux aussi ont décidé de fuir les lieux et d'émigrer au Canada.

Ils sont montés à bord du Titanic à Cherbourg en tant que passagers de troisième classe.

Ils sont décédés tous les trois dans le drame.
Les corps d'Ortin et d'Orsen n'ont jamais été retrouvés ou identifiés. En revanche, le corps de Mapriededer a été retrouvé et inhumé au cimetière Fairview, à Halifax, le 10 mai 1912.



Sources :

Liens Encyclopedia Titanica :
- David Vartanian
- Neshan Krekorian
- Orsen (Arsen) Sirayanian
- Ortin (Haroutioun) Zakarian
- Mapriededer Zakarian

Joris

Quelle terrible histoire pour ces passagers arméniens. Fuir les persécutions dans leur pays et tomber sur le Titanic.
Heureusement pour David Vartanian et Neshan Krekorian, l'histoire se termine bien même si pour le premier il aura fallu attendre 11 ans avant de retrouver sa femme.
On ne peut penser qu'à leurs trois autres compatriotes qui n'ont pas eu cette chance d'une nouvelle vie en paix.

Je ne savais pas qu'ils y ont des passagers arméniens à bord du Titanic.Les Arméniens et les Grecs qu'habituaient à l'Empire ottoman cette période étaient les victimes des persécutions par les Turcs.Donc plusieurs ont embarqué à bord des paquebots transatlantiques pour vivre une nouvelle vie en paix.Une pensée pour eux.

Oui c'est terrible. Ils voulaient quitter leur pays pour vivre une vie en paix et en sécurité et ont été confrontés au naufrage.
C'est triste pour les 3 passagers qui sont décédés, d'autant plus qu'on a pas beaucoup d'informations sur eux. Heureusement que 2 passagers parmi ces cinq amis ont réussi à survivre et à reconstruire leur vie outre-Atlantique.

Il y a dû avoir beaucoup de personnes originaires de ces régions qui ont fuit l'Empire Ottoman à cette période. Certains effectivement comme ces cinq amis ont sans doute pris un transatlantique pour aller au Canada ou aux États-Unis.

Joris