Le Deutschland : la vitesse ne fait pas tout
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Le Deutschland : la vitesse ne fait pas tout
Les paquebots allemands ne sont pas forcément les plus connus, mais le Deutschland de 1900 reste un des plus célèbres. C'est peut-être le grand paquebot à la carrière la plus minable : pas de tragédie, pas de morts ; juste un échec commercial cuisant et une suite d'humiliations. Bref, préparez-vous pour l'histoire d'un paquebot assez pathétique.
La HAPAG était une compagnie en plein essor à la fin du XIXe siècle, sous la houlette d'Albert Ballin, un proche du Kaiser. Or, sa rivale, la Norddeutscher Lloyd, avait mis en 1897 le premier des "quatre cheminées", le Kaiser Wilhelm der Grosse, un navire grand et, surtout, rapide : il était le premier allemand à prendre le Ruban bleu aux Britanniques. La réponse de la HAPAG fut son propre (et seul) quatre cheminées, le Deutschland, conçu pour la vitesse avant tout. Mis en service en 1900, il remporta le Ruban bleu dès son premier voyage, à une vitesse dépassant les 22 noeuds.
Quel souci, alors ? Eh bien quand il va vite, le Deutschland vibre. Beaucoup. On l'appelle même le "cocktail shaker". Ce n'est pas un surnom affectueux. Et puis la vitesse pose un problème : le Deutschland consomme du charbon, beaucoup. Et le charbon coûte cher. Autant vous dire qu'il a intérêt à attirer du monde. Certes, sa décoration est travaillée (un peu chargée, même : regardez cette salle à manger immense...)
Mais bon, vous l'avez compris, à part la vitesse, le Deutschland n'a pas d'avantage sur sa concurrence. Et le record, le Deutschland le perd d'abord en 1902 face au Kronprinz Wilhelm. Puis en 1903, il le reprend, et le garde quelques années, personne ne le dépassant. Malgré tout, ses performances diminuent. En 1906, par exemple, il affronte le navire français flambant neuf La Provence dans une course : des millionnaires à bord de chaque paquebot prennent les paris (Rockefeller, Vanderbilt)... Et La Provence gagne, sans toutefois dépasser le record. Mais, à vrai dire, ce n'est qu'un bref sursis : dès 1907, le Lusitania entre en service et, désormais, le Deutschland est hors concours : il ne peut rien contre les 27 nœuds britanniques.
Je vous avais dit que son seul avantage réel était d'être le paquebot le plus rapide au monde ? Ben voilà, il l'a perdu. Désormais, c'est un navire qui consomme trop, vibre trop... et est totalement dépassé en à peine 7 ans de carrière. Dès 1910, il quitte l'Atlantique Nord pour faire des croisières, après avoir été totalement transformé. On juge même qu'il ne mérite plus de porter le nom de la patrie (la honte !) : on le renomme Viktoria Luise du nom d'une fille de Guillaume II. À propos de Guillaume II, c'est justement à son bord qu'en juin 1914, pendant les régates de Kiel, il apprend l'assassinat de François Ferdinand d'Autriche. La guerre approche.
La guerre, parlons-en ! Le paquebot est réquisitionné, transformé en croiseur auxiliaire et... ne sert pas. Bah oui, il consomme toujours beaucoup trop. Il passe donc la guerre dans l'inactivité. En 1919, nouvelle humiliation. Les Alliés se partagent les paquebots du vaincu, chacun récupère des morceaux, de plus ou moins bonne qualité (certains, comme le Kronprinz Wilhelm, sont d'ailleurs gardés par les Américains qui n'en feront jamais rien !). Eh bien le Viktoria Luise, les Alliés n'en veulent pas ! C'est le seul gros paquebot allemand à avoir ce traitement humiliant.
À partir de 1921, il ressert, cette fois comme transporteur de migrants. On lui a enlevé deux cheminées et, la révolution étant passée par là, il est renommé Hansa. Mais pas de chance pour lui, trois ans plus tard, l'immigration est drastiquement réduite aux Etats-Unis, et les paquebots comme lui n'ont plus aucune utilité. En 1925, il part à la casse.
Autant dire que le pari de la vitesse à tout prix n'était pas le plus intelligent ! On comprend mieux que la White Star ait vite laissé tomber cette course.
La HAPAG était une compagnie en plein essor à la fin du XIXe siècle, sous la houlette d'Albert Ballin, un proche du Kaiser. Or, sa rivale, la Norddeutscher Lloyd, avait mis en 1897 le premier des "quatre cheminées", le Kaiser Wilhelm der Grosse, un navire grand et, surtout, rapide : il était le premier allemand à prendre le Ruban bleu aux Britanniques. La réponse de la HAPAG fut son propre (et seul) quatre cheminées, le Deutschland, conçu pour la vitesse avant tout. Mis en service en 1900, il remporta le Ruban bleu dès son premier voyage, à une vitesse dépassant les 22 noeuds.
Quel souci, alors ? Eh bien quand il va vite, le Deutschland vibre. Beaucoup. On l'appelle même le "cocktail shaker". Ce n'est pas un surnom affectueux. Et puis la vitesse pose un problème : le Deutschland consomme du charbon, beaucoup. Et le charbon coûte cher. Autant vous dire qu'il a intérêt à attirer du monde. Certes, sa décoration est travaillée (un peu chargée, même : regardez cette salle à manger immense...)
Mais bon, vous l'avez compris, à part la vitesse, le Deutschland n'a pas d'avantage sur sa concurrence. Et le record, le Deutschland le perd d'abord en 1902 face au Kronprinz Wilhelm. Puis en 1903, il le reprend, et le garde quelques années, personne ne le dépassant. Malgré tout, ses performances diminuent. En 1906, par exemple, il affronte le navire français flambant neuf La Provence dans une course : des millionnaires à bord de chaque paquebot prennent les paris (Rockefeller, Vanderbilt)... Et La Provence gagne, sans toutefois dépasser le record. Mais, à vrai dire, ce n'est qu'un bref sursis : dès 1907, le Lusitania entre en service et, désormais, le Deutschland est hors concours : il ne peut rien contre les 27 nœuds britanniques.
Je vous avais dit que son seul avantage réel était d'être le paquebot le plus rapide au monde ? Ben voilà, il l'a perdu. Désormais, c'est un navire qui consomme trop, vibre trop... et est totalement dépassé en à peine 7 ans de carrière. Dès 1910, il quitte l'Atlantique Nord pour faire des croisières, après avoir été totalement transformé. On juge même qu'il ne mérite plus de porter le nom de la patrie (la honte !) : on le renomme Viktoria Luise du nom d'une fille de Guillaume II. À propos de Guillaume II, c'est justement à son bord qu'en juin 1914, pendant les régates de Kiel, il apprend l'assassinat de François Ferdinand d'Autriche. La guerre approche.
La guerre, parlons-en ! Le paquebot est réquisitionné, transformé en croiseur auxiliaire et... ne sert pas. Bah oui, il consomme toujours beaucoup trop. Il passe donc la guerre dans l'inactivité. En 1919, nouvelle humiliation. Les Alliés se partagent les paquebots du vaincu, chacun récupère des morceaux, de plus ou moins bonne qualité (certains, comme le Kronprinz Wilhelm, sont d'ailleurs gardés par les Américains qui n'en feront jamais rien !). Eh bien le Viktoria Luise, les Alliés n'en veulent pas ! C'est le seul gros paquebot allemand à avoir ce traitement humiliant.
À partir de 1921, il ressert, cette fois comme transporteur de migrants. On lui a enlevé deux cheminées et, la révolution étant passée par là, il est renommé Hansa. Mais pas de chance pour lui, trois ans plus tard, l'immigration est drastiquement réduite aux Etats-Unis, et les paquebots comme lui n'ont plus aucune utilité. En 1925, il part à la casse.
Autant dire que le pari de la vitesse à tout prix n'était pas le plus intelligent ! On comprend mieux que la White Star ait vite laissé tomber cette course.
Re: Le Deutschland : la vitesse ne fait pas tout
Tu nous en as décrit un beau tableau. La salle à manger est plus qu'impressionnante ! Après quelques débuts glorieux il a vite été dépassé et le fait qu'il vibre autant n'arrangeait rien au confort des passagers et de l'équipage. J'ai de la peine pour ce paquebot même si heureusement il n'a pas servi pendant la guerre.
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"Que le plaisir qu'elle procure éteigne mon corps et le feu de mon âme à tout jamais"
Mon site sur Jack Phillips : http://jackphillips-titanic.e-monsite.com/
Re: Le Deutschland : la vitesse ne fait pas tout
À vrai dire, la plupart des paquebots allemands n'ont pas (trop) servi pendant la guerre. La supériorité maritime britannique était telle qu'il était assez suicidaire pour les navires de surface allemands de s'aventurer en mer. L'Imperator, par exemple, est resté au port. Par contre, le Kaiser Wilhelm der Grosse et le Kronprinz Wilhelm ont bien servi de croiseurs auxiliaires : ils étaient affectés à des missions de piraterie. Bon, pour le premier, ça a pas été top : il a dû se saborder dès le premier mois de la guerre après avoir été coincé dans un port par les Anglais. Mais le deuxième a pas mal navigué et attaqué un beau nombre de navires, avant de devoir se réfugier dans un port américain par manque de charbon. En fait, comme les US étaient neutres, ils ont servi d'abri à pas mal de navires : le Vaterland, le Kaiser Wilhelm II et le Kronprinzessin Cecilie s'y sont réfugiés. Sauf que quand le pays est entré en guerre en 1917, l'US Navy a fourbement récupéré les navires. Et ne les a jamais rendus, bien entendu.
Mais en tout cas, l'histoire du Deutschland est un bon résumé des erreurs à ne pas faire en concevant un navire.
Mais en tout cas, l'histoire du Deutschland est un bon résumé des erreurs à ne pas faire en concevant un navire.
Re: Le Deutschland : la vitesse ne fait pas tout
Quelle guigne et successions de déveines que l'histoire de ce paquebot. Son surnom devrait être "Le Mal-aimé"
C'est en effet intéressant de découvrir des échecs de navire et de voir qu'on ne pouvait pas miser que sur la vitesse pour réussir un bon paquebot.
Je ne suis décidément pas fan de la décoration allemande qui est bien trop surchargée à mon goût. J'apprécie que la verrière au-dessus. En revanche cette salle à manger est bien immense que je me demande si elle n'était pas plus grande que ses consoeurs ou ses rivales.
J'ai du coup cherché d'autres photos de l'intérieur du navire qui a visiblement pris comme référence l'architecture néo-classique.
Le fumoir :
L'escalier des premières classes :
La salle à manger des premières classes :
Et un ensemble stéréostocopique qu'on peut acquérir en enchère chez Dupont & Associés . Ainsi qu'une vidéo montrant des publicités, gravures et photographies :
Les gravures donnent une idée de la décoration d'intérieure qui en plus d'être néoclassique me semble bien partir sur l'orientalisme et le vert
C'est en effet intéressant de découvrir des échecs de navire et de voir qu'on ne pouvait pas miser que sur la vitesse pour réussir un bon paquebot.
Je ne suis décidément pas fan de la décoration allemande qui est bien trop surchargée à mon goût. J'apprécie que la verrière au-dessus. En revanche cette salle à manger est bien immense que je me demande si elle n'était pas plus grande que ses consoeurs ou ses rivales.
J'ai du coup cherché d'autres photos de l'intérieur du navire qui a visiblement pris comme référence l'architecture néo-classique.
Le fumoir :
L'escalier des premières classes :
La salle à manger des premières classes :
Et un ensemble stéréostocopique qu'on peut acquérir en enchère chez Dupont & Associés . Ainsi qu'une vidéo montrant des publicités, gravures et photographies :
Les gravures donnent une idée de la décoration d'intérieure qui en plus d'être néoclassique me semble bien partir sur l'orientalisme et le vert
Tinuviel-
Age : 30
Messages : 120
Inscrit le : 26/01/2019
Localisation : En exploration
Re: Le Deutschland : la vitesse ne fait pas tout
Tinuviel a écrit:En revanche cette salle à manger est bien immense que je me demande si elle n'était pas plus grande que ses consoeurs ou ses rivales.
J'ai l'impression que là, on parle d'une salle à manger qui s'étend sur au moins trois ponts de haut ; c'est immense. Il y avait la même chose sur le Normandie, mais les dimensions du navire le permettaient. Là, c'est de l'espace sacrifié pour pas mal d'autres choses ; je me demande comment était organisé le navire mais je n'ai pas trouvé de plans assez détaillés.
Merci pour les images ! C'est vraiment, vraiment chargé, oui... Et puis pour le reste, ben peu importe le luxe, si ça vibre tout le temps, c'est vite invivable. Le Normandie avait eu ce problème sa première année, qui a failli lui être fatal : tout le tiers arrière était invivable, au point qu'il fallait ralentir de 5 bons nœuds la nuit pour que les passagers puissent dormir ! On ne pouvait pas y remplir les verres plus d'à moitié, et ainsi de suite. Une catastrophe. Heureusement, il a suffi de changer les hélices pour faire disparaître le problème. Enfin, ils ont fait de gros travaux structurels d'abord, mais on sait depuis que le problème venait vraiment des hélices, tout simplement.
Re: Le Deutschland : la vitesse ne fait pas tout
Oui c'est presque triste pour ce paquebot.
Comment se fait-il qu'il vibrait autant ? Il était mal conçu dès le départ ? C'est sûr que ça ne devait pas du tout être agréable à bord. Comme pour le Normandie, des travaux auraient pu être effectués après quelques voyages.
Joris
Comment se fait-il qu'il vibrait autant ? Il était mal conçu dès le départ ? C'est sûr que ça ne devait pas du tout être agréable à bord. Comme pour le Normandie, des travaux auraient pu être effectués après quelques voyages.
Joris
_________________
Le Titanic coulait il y a cent douze ans le 15 avril 1912. Une catastrophe maritime que rien
ne laissait prévoir et qui coûta la vie à plus de 1500 personnes.
Une pensée pour toutes les victimes de cet événement tragique qui a eu lieu il y a un siècle
et n'oublions jamais...
Joris-
Age : 32
Messages : 17701
Inscrit le : 23/02/2007
Localisation : Moselle (57)
Re: Le Deutschland : la vitesse ne fait pas tout
Ne connaissant pas du tout le navire, c'est difficile à dire, mais ça peut venir de pas mal de facteurs. Les hélices (mais je suppose qu'ils ont essayé d'en changer au moins une fois, ce n'est pas le plus compliqué), la machinerie, la forme de la coque (si le Deutschland était assez fin, il était moins stable, par exemple). De façon générale, l'inconfort était plus grand sur les paquebots rapides de l'époque mais c'était rarement aussi crucial pour causer leur retrait. Et puis je pense que la consommation excessive de charbon a dû aussi jouer dans ce retrait.
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