Boxhall le sous-estimé

Quand on parcourt ce forum, et pas seulement, Boxhall semble véritablement être l'officier transparent. Même Pitman a plus de sujets ouverts que lui ! Et c'est vrai qu'on a tendance à négliger son rôle. Pourtant, comme je vais vous le prouver, sans lui de très nombreuses vies auraient été perdues d'une façon qu'il est difficile d'imaginer. Mais faisons déjà un bref bilan de ces actions à bord.

Au moment de la collision, Boxhall est de quart, mais dans sa cabine en train de boire du thé, ce qui est assez étonnant. Quoi qu'il en soit, il est rapidement sur les lieux, et effectue deux expéditions dans les fonds du navire pour indiquer l'étendue des dégâts, puis il réveiller Lightoller et Pitman. Étant en temps normal l'officier chargé de la navigation, c'est lui qui doit ensuite calculer la position. C'est à ce moment que Boxhall a failli sceller le destin de nombreuses personnes en les condamnant à mort : la position calculée (et qu'on a crue juste jusqu'à la découverte de l'épave !) était en effet erronée, et pointait un peu trop à l'ouest. Treize miles, en fait. Ce qui est plus que conséquent, et nous amenait de l'autre côté du champ de glaces (c'est d'ailleurs pour cela qu'au matin, le Californian devra traverser deux fois le champ de glaces pour arriver sur les lieux : il est parti vers la position supposée). C'est aussi à cause de cette erreur qu'on a cru que le Titanic avait tourné plus au sud pour éviter des icebergs, ce qui est en réalité faux comme je l'ai expliqué ici. Bref, cette erreur qui peut passer inaperçue au premier abord est en réalité terrible : le Carpathia se dirigeait plus de 15 kilomètres trop à l'ouest.

Après ce calcul, notre Boxhall passe plus d'une heure à tirer des fusées avec le quartier maître Rowe, pour se signaler au navire vu au loin. Comme on le sait, cela n'a servi à rien. Pourtant, ce fut crucial en un point : au moment de quitter le navire sur le canot n°2, Boxhall a en effet pris avec lui une boîte de fusées vertes. Le canot n°2 part vers 2h moins le quart, et le Titanic coule. Boxhall n'a que 17 personnes dans le canot, mais tous le monde à bord rechigne à revenir. Il se contente donc de tirer des fusées à intervalles réguliers. Fusées qui, sur le moment, créent surtout de faux espoirs aux passagers des canots voisins, surtout ceux en situation très précaire, qui croient qu'un navire est proche.

Pourtant, les fusées vertes de Boxhall sont vitales. Car lorsque le Carpathia approche du lieu du drame, il cherche le Titanic, et il le cherche bien plus à l'ouest. Le Titanic est gros, lumineux, se voit de loin. Les canots sont minuscules, mal éclairés, et il est 4h du matin. Les fusées de Boxhall, que l'équipage du Carpathia prend un temps pour celle du Titanic, permettent de guider le paquebot vers la position réelle des canots. Et ce n'est pas pour rien que le canot de Boxhall sera le premier récupéré par le Carpathia.

La question est donc la suivante : sans les fusées de Boxhall, le Carpathia serait parti 13 miles trop à l'ouest, ce qui est déjà énorme d'autant que c'était 13 miles de glaces à parcourir. Le temps que Rostron comprenne son erreur, et localise les canots (chose quasi impossible à 13 miles de distance), combien seraient morts d'épuisement à bord des embarcations ? Avec ses fusées, Boxhall a certainement sauvé des centaines de vies.

Oui on connait surtout Joseph Boxhall pour avoir lancé des fusées de détresse cette nuit là. Au fait, pourquoi c'est lui qui s'en est chargé ? Il a été choisi au hasard, s'est porté volontaire où c'est parce qu'il savait comment faire ? Même si je ne sais pas s'il fallait savoir quelque chose de précis pour effectuer cette tâche.

Heureusement qu'il a emporté avec lui ces fusées

Joris

Joris a écrit:Oui on connait surtout Joseph Boxhall pour avoir lancé des fusées de détresse cette nuit là. Au fait, pourquoi c'est lui qui s'en est chargé ? Il a été choisi au hasard, s'est porté volontaire où c'est parce qu'il savait comment faire ? Même si je ne sais pas s'il fallait savoir quelque chose de précis pour effectuer cette tâche.

A mon avis, c'est surtout parce qu'il calculait la position du navire quand les autres officiers ont commencé à travailler sur les canots. Comme il était disponible après son calcul, c'est lui qui Smith a choisi du coup.

Dans la précipitation le premier disponible était mi a l'oeuvre je pense...

Il est vrai qu'on ne parle pas assez des actions de Boxhall durant le naufrage (comme pour Pitman) et pourtant il a fait des choses qui a sauvé la vie de centaines de personnes comme tu l'as dit. Il ne faut pas oublier qu'ils étaient 6 officiers et que chacun à eu un rôle dans le naufrage.

Mais il y a juste un détail qui me chiffonne. Tu dis qu'au moment de la collision, il était en train de boire une tasse de thé dans sa cabine mais dans le documentaire du making of du film "A night to remember" (où on voit Boxhall sur les lieux du tournage) il est dit qu'il était en train de se promener sur le pont près de la passerelle.

Je joue peut être trop sur les détails sans importance

Justement, c'est intéressant, car le coup de la tasse de thé, c'est aussi Boxhall qui le dit dans une interview qu'il a donnée à la BBC. Mais Boxhall est connu pour avoir eu des souvenirs parfois assez étonnants avec les années, donc parfois, il se goure tout simplement. Du coup, il est tout aussi possible qu'il ait été en train de patrouiller un peu en arrière. Les deux officiers de quart avec lui étant morts, il n'y a pas de possibilité de recoupement...

En effet c'est intéressant

C'est un peu déroutant de se dire qu'il s'est un peu gouré dans ses souvenirs. Ça arrive bien sûr mais bon , c'est étonnant je trouve.
Mmh je crois qu'il était plus en train de patrouiller que de boire une tasse de thé ... ou alors ! Il buvait une tasse de thé avec Moody d'où l'explication de la tasse de thé que tient Moody lors de la collision dans le film de Cameron !
Mon dieu c'est lié je le savais !!!

Hum j'arrête mes bêtises ><

Enfin comme on dit, la mémoire nous joue parfois de mauvais tours. ;D

Que Boxhall se soit perdu dans ses dires ne me surprend plus vraiment (même si je devrais peut-être, c'est toujours mieux d'être surpris et curieux) après toutes les discussions qu'on a pu avoir sur les souvenirs erronées dus à un choc ou encore à une généralisation des informations...
Donc, que faisait-il vraiment ? Inspection sur le pont où un bon thé dans sa cabine ? Bonne question, si lui-même n'en était pas sûr... Disons qu'il a fait sa tournée en buvant du thé, comme ça, tout le monde sera content !

J'apprends une chose par contre, je ne savais pas que seul le canot de Boxhall avait des fusées. Je ne pensais pas que chaque canots en avait -quoique, c'est pas parce que j'en avais jamais entendu parler qu'il n'y en avait pas, mais je pensais au moins que les canots où se trouvaient les officiers en possédaient. Après réflexion, je me dis cependant que ça n'a pas de sens parce que, des fusées, c'est encombrant et à part Pitman à la limite qui aurait pu se ramener avec une boîte (en fait j'en ai aucune idée vu que je ne me souviens plus du départ de Pitou), c'était difficilement envisageable pour les autres. Lowe a quitté le navire entouré par la foule (si je dis une connerie, arrêtez moi) et jouant du revolver pour calmer le jeu, Lightoller lui... bah c'est déjà un miracle qu'il est réussi à grimper sur le radeau retourné, s'il avait du en plus se trimballer avec une boîte sous le bras... Voilà quoi !

Pitman est parti assez tôt, dans le canot n°5, mais sur ordre de Murdoch au moment où le canot allait partir. Donc il a été en quelque sorte pris par surprise ; même si l'idée de prendre des fusées lui était venue, il n'aurait pas eu le temps d'aller les chercher. Si Boxhall en avait, c'est plutôt dans la continuité de celles qu'il avait lancées, une façon de se dire "je continuerai là bas".

Ah oui en effet, c'est la précipitation qui a parlé et de toute façon, s'il était parti chercher les fusées, Murdoch aurait peut-être affalé le canot sans lui ? (pas de temps à perdre après tout)
Heureusement que Pitman en avait oui, sinon la fin aurait été encore plus macabre qu'elle ne le fut déjà.

Pitman n'a pas vraiment eu le choix : au moment où le canot n°5 allait partir, Murdoch lui a dit "tu montes avec celui-là". Et même s'il n'en avait pas particulièrement envie, Pitman devait obéir aux ordres de son supérieur. Cela a dû se passer en une trentaine de secondes, pas beaucoup plus.

Il a obéi aux ordres, exactement, ce qu'il devait faire de toute façon vu que Murdoch était plus gradé que lui. Par contre, on en connait un autre qui n'a techniquement pas obéi à son supérieur : Moody. A savoir si c'était bien un ordre où juste une proposition.

Le rapport de supériorité entre Pitman et Murdoch était bien plus important qu'entre Moody et Lowe : ces deux derniers, comme Pitman (et Boxhall) étaient officiers junior, contrairement à Murdoch et Lightoller qui étaient senior et avaient donc une autorité beaucoup plus forte. De ce point de vue, Moody et Lowe étaient plutôt des égaux lors du chargement des canots. Maintenant, Lowe était le plus vieux et le plus expérimenté, donc il pouvait garder une autorité naturelle sur Moody. Mais Lowe ne lui a de toute façon pas donné d'ordre : dans ses souvenirs, il a signalé à Moody qu'un officier devrait partir dans un des canots, 14 ou 16, et lui a laissé le choix. C'est Moody qui lui a dit "vas-y, je prendrai un autre canot".

En revanche, côté insubordination beaucoup plus flagrante, il y a Lightoller. Plusieurs témoins ont assisté à la scène lors du chargement du radeau D : Wilde lui a dit "Tu vas dans celui-là, Lightoller", ce à quoi l'autre a répondu "Aucune putain de chance !" ("Not damned likely") avant de descendre du canot et de demander au chef steward de deuxième classe, John Hardy, de prendre sa place pour ramer. On a ici un véritable geste d'insubordination (en tant que "chef officier", Wilde était nettement supérieur à Lightoller), mais dans le quart d'heure précédent la fin, donc une situation radicalement différente du moment où Pitman espérait encore quitter le navire provisoirement. Je ne sais pas quelle a été la réaction de Wilde face à cette sortie.

l'insubordination de Lightoller ne me surprend pas, ça correspond assez à son caractère et en plus il me semble que Wilde qui est arrivé tardivement en dépassant Murdoch et Lightoller avait du mal à imposer son autorité.

C'est vrai que ça colle assez bien à son caractère. Je préfère en tout cas que ce fut une insubordination dans ce sens (refuser d'aller dans un canot), plutôt qu'il ai tout fait pour se barrer le plus vite possible...

second officer a écrit:l'insubordination de Lightoller ne me surprend pas, ça correspond assez à son caractère et en plus il me semble que Wilde qui est arrivé tardivement en dépassant Murdoch et Lightoller avait du mal à imposer son autorité.

C'est difficile de savoir. Je ne pense pas qu'il ait réellement eu du mal à imposer son autorité. Chacun d'entre eux devait quand même avoir une conscience professionnelle et être respectueux de la hiérarchie. Sinon ils n'auraient pas été choisit pour le Titanic. Le surintendant Charles Bartlett - commandant du Britannic en 1916 - avait pour tâche de prendre les meilleurs officiers de la compagnie pour ce voyage inaugural. Les plus capables.

Wilde avait déjà travaillé avec Murdoch, je pense donc qu'entre eux il n'y avait pas de problème et qu'ils ont tout de suite retrouvé leurs habitudes de l'Olympic. Et ce, même si Murdoch a pu être, à juste titre, quelque peu frustré et déçu de redescendre en grade.

Wilde et Lightoller, en revanche, ne se connaissaient pas. Puis Wilde avait cet avantage sur Lightoller qu'il possédait déjà une expérience d'un paquebot de la classe Olympic, tandis que ce dernier venait de l'Oceanic. Je pense qu'il en était bien conscient (il affirme d'ailleurs que ce n'est qu'à la veille du naufrage qu'il avait finit par arriver à se repérer correctement dans le dédale du Titanic) et que malgré son caractère, il était assez intelligent pour savoir qu'il faut respecter un supérieur.

Son insubordination pendant l'évacuation tient au contexte particulier de l'événement dans lequel ils étaient plongés. Je vois ça comme l'affirmation d'une décision personnelle (je fais mon travail jusqu'au bout sans déserter le bord), plutôt qu'un manque de respect vis-à-vis de Wilde.