Statut réel de l'orchestre

L'idée de ce sujet m'est venu en voyant que l'orchestre est ici classé comme passagers de deuxième classe. Une hérésie à mon avis, et je le prouve.

Certes, suite à des négociations syndicales ardues, Ismay avait dû accepter que les musiciens de l'orchestre voyagent en 2e classe (du moins en théorie) : je vous explique pourquoi. Dans les faits, les musiciens sont avant tout embauchés par l'agence des frères Black, à Liverpool. Cette agence domine le marché des orchestres de paquebots de l'époque. En fait, elle a même le monopole. Vous n'avez pas le choix : vous devez passer par elle pour avoir un orchestre sur votre paquebot. Inutile de dire que les prix pratiqués par les Black sont exorbitants, par rapport à ce que touchent les salariés.

Pour la White Star, il s'agit donc de payer : l'agence Black, tout d'abord (normal, on lui loue le service, donc on la paye, et elle paye à son tour les musiciens), plus une contributions symbolique aux musiciens qui figurent en retour sur les rôles d'équipage. C'est la même chose pour le restaurant à la carte et les opérateurs radios. Rien de honteux là dedans. La WSL n'embauche pas les musiciens eux mêmes : elle paye une entreprise pour les embaucher et les payer eux (dans le cas des musiciens, elle n'a pas le choix !). Le souci venait des Black qui, eux, ont baissé le salaire des musiciens pour augmenter leur marge. Souci qui en résulte ? Les syndicats de musiciens demandent une montée des salaires. Les Black ne voulant pas, ils demandent aux compagnies que le shilling symbolique soit accru.

Pour la compagnie, c'est problématique : elle paye une entreprise pour payer les musiciens, et elle devrait payer en prime les musiciens en plus ? Impossible ! Mieux vaudrait embaucher les musiciens sans passer par les Black, mais ils ont le monopole. Ismay ne peut faire qu'une chose : puisque les musiciens veulent que la compagnie les paye plus cher, en tant que membres de l'équipage, la compagnie doit ne plus les reconnaître comme tels. Ça peut paraître inique de sa part, mais comprenez bien que dans l'affaire, les Black le tiennent par les parties intimes : c'est à eux d'augmenter les salaires, ils ne le font pas. Ismay n'a pas à payer deux fois.

C'est ainsi qu'officiellement, l'orchestre voyage en passagers de 2e classe. Officiellement car, en réalité, une partie est logée avec l'équipage (en vérité on n'a que peu de certitudes sur le vrai logement de l'orchestre, il me semble. J'y reviendrai dans un autre sujet !). Dans les faits, leur traitement s'apparente au personnel du Restaurant à la Carte, qui, lui non plus, n'est pas à proprement parler de l'équipage : il travaille avant tout pour un individu, Luigi Gatti.

Ça n'empêche pas l'orchestre de travailler à heure fixe, d'être (peut-être mal) payé pour ce travail, et de ne pas profiter des installations de deuxième classe, puisque dans les faits ils ne sont pas passagers. C'est juste une pirouette administrative.

A noter que fort heureusement, après le naufrage, le monopole des Black s'est effondré et que la situation des musiciens s'est améliorée. Il n'en demeure pas moins que les qualifier de passagers de deuxième classe, est aussi bienvenu que de placer Phillips et Bride chez les officiers (eux aussi n'étaient pas rémunérés par la White Star...).

Démonstration claire ?

Démonstration claire et fort intéressante sur le statut des membres de l'orchestre du Titanic.

Merci pour ces précisions Antoine

Merci pour cette brillante analyse médico-légale, Monsieur Bo...Antoine!

cependant mon experience à été quelque peu différente

miffy18 a écrit:cependant mon experience à été quelque peu différente

Pourriez-vous nous la raconter?

Canard-jaune a écrit:

miffy18 a écrit:cependant mon experience à été quelque peu différente

Pourriez-vous nous la raconter?

Si on refait tout le film en laissant 10 heures entre chaque réplique, on a pas fini !

LittleTony87 a écrit:

Canard-jaune a écrit:

miffy18 a écrit:cependant mon experience à été quelque peu différente

Pourriez-vous nous la raconter?

Si on refait tout le film en laissant 10 heures entre chaque réplique, on a pas fini !

Tu te trompes, elle ne répond pas ça!

Canard-jaune a écrit:

miffy18 a écrit:cependant mon experience à été quelque peu différente

Pourriez-vous nous la raconter?

En fait, c'est très exactement "Vous nous la faites partager ?"

Je voulais la faire tout à l'heure. Mais bon, c'est sûr qu'on ne va pas faire tout le script du film ici, donc je m'étais rétracté

Joris

Joris a écrit:

Canard-jaune a écrit:

miffy18 a écrit:cependant mon experience à été quelque peu différente

Pourriez-vous nous la raconter?

En fait, c'est très exactement "Vous nous la faites partager ?"

Je voulais la faire tout à l'heure. Mais bon, c'est sûr qu'on ne va pas faire tout le script du film ici, donc je m'étais rétracté

Joris

Je me suis trompéééééé!

C'est Maaaaaaaaal !

LittleTony87 a écrit: Il n'en demeure pas moins que les qualifier de passagers de deuxième classe, est aussi bienvenu que de placer Phillips et Bride chez les officiers (eux aussi n'étaient pas rémunérés par la White Star...).

De tout l'équipage, les musiciens étaient les seuls à devoir avoir sur eux la somme de 50 dollars pour voyager ?

Sha're a écrit:

LittleTony87 a écrit: Il n'en demeure pas moins que les qualifier de passagers de deuxième classe, est aussi bienvenu que de placer Phillips et Bride chez les officiers (eux aussi n'étaient pas rémunérés par la White Star...).

De tout l'équipage, les musiciens étaient les seuls à devoir avoir sur eux la somme de 50 dollars pour voyager ?

Je ne vois que deux autres catégories de personnels susceptibles d'être dans cette situation : le personnel du restaurant à la carte, et les opérateurs radios, vu qu'ils n'étaient pas payés par la WSL. Mais peut-être acceptaient-ils le shilling symbolique sans souci. A priori, Marconi et Gatti étaient des employeurs plus "faciles" que les frères Black.

LittleTony87 a écrit:
Je ne vois que deux autres catégories de personnels susceptibles d'être dans cette situation : le personnel du restaurant à la carte, et les opérateurs radios, vu qu'ils n'étaient pas payés par la WSL. Mais peut-être acceptaient-ils le shilling symbolique sans souci. A priori, Marconi et Gatti étaient des employeurs plus "faciles" que les frères Black.

Les pauvres aucun avantage, ils n'ont eu que les inconvénients d'être passager et membre de l'équipage.
Mais vu que la WSL refusait l'augmentation, pourquoi les "punir" finalement ?

Ce n'était pas une punition. Il faut bien comprendre : les syndicats ont dû demander une augmentation aux Black. Comme ces derniers étaient pas des anges, ils ont dû refuser. En dernier recours, les syndicats se tournent vers les compagnies. Mais les compagnies paient déjà les Black pour gérer tout ça. Le shilling qu'elles versent aux musiciens, c'est juste une sorte d'euro symbolique pour dire "ils font partie de l'équipage". Donc forcément, quand les musiciens demandent une augmentation à la WSL, elle ne peut accepter : pour elle, ça reviendrait à les payer deux fois. Du coup, le seul moyen de dire "c'est avec les Black qu'il faut vous démerder", c'était de faire sauter ce statut. Pas une solution idéale, mais ils n'avaient pas vraiment le choix. C'était ça ou payer deux fois. Imagine que tu paies déjà 50€ à une entreprise pour t'envoyer quelqu'un pour faire le ménage : c'est l'entreprise qui doit payer la personne. Si cette personne vient chez toi et te dit "je veux une augmentation"... ce n'est pas à toi de lui dire "bon, d'accord, je vous donne 10€" : c'est à l'entreprise qui la paie. C'était un peu la même chose.

On en revient encore et toujours au problème des Black qui, ayant un monopole, pouvaient faire tout ce qu'ils voulaient. Parce que pour un musicien, choisir de ne plus bosser pour eux, c'était abandonner l'idée de bosser sur un paquebot. Alors est-ce que les syndicats auraient rapidement pu négocier avec les Black et obtenir un meilleur statut ? Faut voir : le naufrage a contribué à médiatiser les crasses de ces agents, et à faire tomber leur monopole, mais pas sûr que ce serait arrivé sans.

C'est compréhensible de ne pas vouloir payer plus mais ils n'avaient qu'à en rester là ou engager des musiciens indépendants.