Les figurants

Rencontre avec trois figurants du film pour parler de leur expérience lors du tournage : Sergio Sotelo, un infirmier né à Rosarito et qui y vit toujours, Aislinn Puig, concierge dans l’hôtellerie aujourd’hui établie à San José et Liza Ampudia del Cabo, une femme au foyer qui a déménagé à Bonita, en Californie.

VICE: Comment avez-vous entendu parler du casting de figurants pour Titanic?
Sergio Sotelo: Ils avaient collé des affiches sur tous les murs de la ville, tous mes amis en parlaient. Je suis allé dans le petit bâtiment où se tenait le casting ; ils ont pris ma photo et des informations perso.
Liza Ampudia: J’ai appris qu’il y avait des auditions dans un centre commercial de Tijuana et je m’y suis rendue. Ensuite j’ai reçu un coup de fil – ils m’ont annoncé que j’étais prise. Du coup, je suis allée à Rosarito pour qu’on me donne le costume et tout ça.

Quel était votre rôle comme figurant ?
Aislinn Puig: Un jour, ils ont fait s’aligner quelques filles de mon âge. Le directeur de la photographie a passé en revue chacune d’entre nous. Il m’a pointée du doigt et on m’a donné une prothèse de femme enceinte avec une énorme robe. J’étais une passagère de troisième classe qui attendait un enfant. Le truc marrant, c’est qu’au début personne ne réalisait que je n’étais pas vraiment enceinte et du coup, tout le monde sur le plateau me laissait son siège. Ça a duré quelques mois et puis j’ai fini par faire un cadavre lorsqu’on a filmé la scène de fin, dans l’eau.
Sergio: Je jouais aussi un passager de troisième classe. Dans le film, j’étais pauvre donc on m’a donné un béret, une écharpe jaune et une veste trop petite. Ils te donnaient tout ce dont tu avais besoin, sauf les sous-vêtements.
Liza:J’étais une passagère de deuxième classe. Le premier jour, j’ai fait semblant de dire au revoir aux passagers sur le bateau. Lorsque dans le film, vous voyez le bateau couler, je suis sur l’un des radeaux. Puis dans plusieurs scènes où le bateau commence à se dresser, je devais courir.

Quelle était votre journée type de travail ?
Sergio: Tôt le matin, un bus passait nous chercher. On devait recommencer pas mal de fois la même scène parce qu’ils la filmaient sous un angle différent à chaque fois. Quelqu’un hurlait « Action ! », puis là Cameron se mettait à engueuler des mecs. Il a vraiment un sale caractère ; ça faisait vraiment flipper tout le monde.
Aislinn: Je m’attendais à un truc glamour et j’étais sûre de tomber sur Leonardo Di Caprio à un moment ou à un autre. Mais non ! Il y avait des hordes de figurants, les réalisateurs nous traitaient comme du bétail. Si tu merdais, ils venaient t’engueuler. Pas mal de gens se sont fait virer pour des trucs à la con. Je me souviens de ce mec qui a fait un peace sign devant la caméra – du coup, viré. Le film coûtait des millions et ce type avait fait foirer une scène entière. Cameron l’a bien engueulé. Ce mec est un putain de gros nazi mais bon, je me suis rendu compte que c’était surtout à cause de la pression engendrée par le film. Je l’ai rencontré dans plusieurs événements aux studios Fox après le tournage et il était plutôt cool.

Quelle a été votre expérience avec les stars du film?
Aislinn: Danny Nucci, le mec qui jouait Fabrizio, le pote rital de Di Caprio, était devenu son personnage. En gros tu faisais la fête avec lui et il venait te parler en italien. Ce mec a même dragué ma sœur avec un accent italien. Je me souviens que Billy Zane avait loué une maison loin de l’endroit où étaient tous les autres types du tournage. C’était dans les collines et il y organisait des fêtes, un mec assez cool. Winslet était plutôt sympa mais elle ne sortait jamais. Par contre celui qui sortait beaucoup, c’était Di Caprio. Je n’ai jamais fait la fête avec lui mais les mecs qui tiennent le Rock & Roll Taco – un bar local – m’ont dit qu’il foutait tout le temps la merde au moment de partir ; selon lui, il était Leonardo Di Caprio et ça lui suffisait pour ne pas avoir à payer la note.


Combien étiez-vous payé ?
Aislinn: 40 dollars la journée, plus la nourriture et le transport.

Liza: Entre 80 et 120 dollars par jour. À la fin de chaque journée, il y avait deux stands – un sur lequel était écrit DOLLARS et un autre avec un écriteau PESOS. Les Américains étaient bien mieux payés que nous. Je ne sais pas pourquoi, on m’a pris pour une Américaine. Je crois que ça vient du formulaire que j’avais rempli. Ma sœur n’avait pas précisé qu’elle possédait un passeport américain et elle a été payée en pesos, moi en dollars.

Source : Vice.com

C'est vraiment un témoignage fabuleux.
Quelle merveille ce devait être de participer à un événement aussi merveilleux!
Et quel souvenir ça fait à raconter. :)

J'allais d'abord dire que ce ne doit pas être la joie d'être figurant puisqu'ils sont traité avec peu de respect, mais je viens de me souvenir que Kate Winslet a témoigné, après la sortie du film, qu'elle a souvent terminé la journée en larmes parce que James Cameron criait autant sur elle que sur tout le monde.

En même temps, remettons-nous dans le contexte d'un film voué à l'échec dès le premier tour de manivelle, avec un budget qui explose et qui traine sur la longueur. Tout ça peut rendre un tantinet...énervé.

Mais pour ma part, être figurant sur un film est une expérience qui ne me tenterait pas du tout.
Je suis allé à une séance de tournage du "Sherlock Holmes jeux d'ombres" de Guy Ritchie en février 2011 sur le parvis de la cathédrale de Strasbourg, c'était plaisant, sans plus. En tant que badaud j'étais à quelques dizaines de mètres des figurant qui jouaient, ils refaisaient sans cesse la même scène et il y avait un type (qui n'était pas Guy Ritchie) qui les houspillait sans cesse. Et nous avec parce qu'on prenait des photos avec flash (encore fallait-il le savoir que ce n'était pas permis).

Canard-jaune a écrit:C'est vraiment un témoignage fabuleux.
Quelle merveille ce devait être de participer à un événement aussi merveilleux!
Et quel souvenir ça fait à raconter. :)

Qu'est ce que j'aurais aimé !    Figurante dans un film Titanic et rien d'autre. Mais je nous imagine bien être viré car on ferait trop de remarques sur les scènes concernant l'histoire.

Denis a écrit:J'allais d'abord dire que ce ne doit pas être la joie d'être figurant puisqu'ils sont traité avec peu de respect, mais je viens de me souvenir que Kate Winslet a témoigné, après la sortie du film, qu'elle a souvent terminé la journée en larmes parce que James Cameron criait autant sur elle que sur tout le monde.

En même temps, remettons-nous dans le contexte d'un film voué à l'échec dès le premier tour de manivelle, avec un budget qui explose et qui traine sur la longueur. Tout ça peut rendre un tantinet...énervé. 

Ça ne devait pas être simple de jouer dans ces conditions.

Merci pour cette retranscription, c'est très intéressant !

Les conditions ne devaient pas être simples, il y avait beaucoup de pressions durant le tournage, mais ça a du être quand même quelque chose de figurer dans ce très grand film. Je pense qu'ils s'en sont surtout rendus compte après, quand le film a fait exploser le box-office.

Il me semble sinon que comme figurants célèbres dans le film, il y avait les historiens Don Lynch et Ken Marschall qui ont aidé James Cameron, ainsi qu'Edward Kamuda, le fondateur de la Titanic Historical Society, décédé en 2014.

Je me demande combien il y avait exactement de figurants dans le film, de très nombreux comme c'est dit dans l'interview, mais exactement on doit dépasser les 100.

Ça me plairait bien d'être figurant dans un film si bien sûr le rôle et le scénario me plaisent

Joris

Joris a écrit:
Je me demande combien il y avait exactement de figurants dans le film, de très nombreux comme c'est dit dans l'interview, mais exactement on doit dépasser les 100.

Il y avait plus de 1000 figurants !

Mdr j'ai passé un temps fou à traduire alors qu'il existait la version française.  Je vais éditer le 1er message.
http://www.vice.com/fr/read/le-nauffrage-de-la-ville-qui-a-bati-le-titanic-v6n5

C'est là qu'on voit à quel point le "glamour" du cinéma est artificiel... Dès qu'on sort des têtes d'affiche, on trouve toutes les odieusetés habituelles : discriminations au salaire, mauvais traitements et cadences infernales pour un salaire assez dérisoire et apparaître trente secondes au fond de l'écran. Alors certains ont dû signer en rêvant d'utiliser ça comme tremplin vers une belle carrière au cinéma... Mais franchement, qui a fait carrière en ayant été un figurant au milieu d'un millier ? Très improbable... Je n'aurais vraiment pas aimé faire ce genre de chose !