Eleanor Elkins Widener Rice
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Titanic :: Les Passagers :: 1ère classe
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Eleanor Elkins Widener Rice
C’est avec Mrs Eleanor Elkins Widener Rice que je clos ma trilogie consacrée à la famille Widener.
En se penchant sur l’existence de Mrs Widener, on s’apercevra rapidement qu’elle a eu deux vies diamétralement opposées l’une de l’autre, et dont le point de pivot fut le naufrage du Titanic.
Eleanor naquit le 21 septembre 1861 (bien qu’il soit aussi évoqué la date du 21 mai 1862 ) à Philadelphie en Pennsylvanie dans la famille Elkins, composée de Marie Louise et William Lukens, mariés en 1858. Elle était la troisième d’une fratrie de cinq frères et sœurs : Ida Amelia ; George W. ; Nellie et William Lukens jr.
William Lukens Elkins faisait partie de ces « self made men » qui ont gravi les échelons de la réussite petit à petit, à force de travail et d’un sérieux sens des affaires. Il commença sa vie professionnelle en travaillant dans une épicerie de Philadelphie où sa famille, qui en était originaire, venait de s’installer à nouveau.
A l’époque de la naissance d’Eleanor (1861), son père venait juste de racheter les parts de son associé avec lequel il avait crée quelques années auparavant une société de commerce agricole qu’il commença à développer hors de la Pennsylvanie avant d’inonder le pays entier. Ayant le nez assez creux, William Lukens s’intéressa assez rapidement à la manne que représentaient les champs pétroliers de Pennsylvanie. Il fonda la Monument Oil Works, une compagnie de raffinage de pétrole. Celle-ci fut la première à produire de l’essence. Et en 1975, il établi un partenariat avec la Standard Oil, récemment fondée par John D. Rockefeller.
C’est en 1973 qu’il fit la connaissance de Peter Widener, lui aussi dans le pétrole, et c’est avec celui-ci qu’il fonda la Philadelphia Traction Compagnie, une société de transports publics interurbains. Après avoir doté la ville de Philadelphie de lignes de tramways, elle s’étendit rapidement à d’autres villes américaines, assurant la fortune, déjà conséquente à l’époque, de ses dirigeants.
Merci à Elodie (Historiapassionata) pour le portrait d'Eleanor Widener au début de sa vingtaine.
C’est en 1883 qu’Eleanor Elkins (22 ans) épousa George Dunton Widener (22 ans), le fils de l’associé de son père. Heureuse coïncidence pourrait-on dire, et l’on peu se demander s’il s’agit d’un mariage d’amour ou simplement d’une alliance entre deux familles toutes deux à la tête d’un empire commun. Une telle union ne pouvait que garantir de meilleures relations professionnelles et financières, et surtout que l’empire reste dans la « famille » au cas où le mariage tournerait au désastre.
George Dunton Widener.
Quoi qu’il en fut, après leur mariage, Eleanor et George vécurent à la Widener Mansion, puis dans la titanesque propriété qu’avait construite le patriarche, Peter Widener, Lynnewood Hall. Le couple Widener eut quatre enfants : Harriet ; Harry, George jr et Eleanor.
La vie d’Eleanor avant le drame du Titanic fut mi-figue mi-raisin. Si l’on peut se laisser aller à penser que sa vie avec George la comblait de bonheur, il en était tout autre avec sa propre famille. En effet, elle fut marquée par le deuil, puisqu’avant 1912 Eleanor enterra l’une de ses sœurs, et l’un de ses frères, ainsi que son père et sa mère.
Eleanor Widener en 1909.
En mars 1912, le couple Widener s’embarqua à bord du Mauretania en compagnie de leur fils, Harry, 27 ans, et de leur femme de chambre, Miss Amalie Gieger et Mr Edwin Keeping, destination, l’Angleterre et la France.
A Londres, la famille séjourna au Ritz. George vacant à ses affaires, Harry faisant les antiquaires et les salles de ventes, Mrs Widener occupa une partie de son temps à l’achat des derniers effets qui composeront le trousseau de mariage de sa fille de 21 ans, Eleanor, qui s’apprêtait à épouse Fitz Eugene Dixon ce même mois d’avril 1912. Au milieu de cette effervescence, elle prit néanmoins le temps d’assister à l’inauguration du « London Museuem », le 21 mars 1912, en compagnie du roi George V. A cette occasion, elle fait don au musée de trente plats en argent issus de sa collection personnelle, et ayant appartenu à la maitresse du roi Charles, II, Nell Gwyn.
Laissant l’Angleterre derrière eux, George et Eleanor passèrent le reste de leur voyage à Cap Martin et à Paris, où ils occupèrent une suite de l’hôtel Ritz. Son époux la délaissa les derniers jours avant leur retour aux Etats-Unis pour rejoindre son fils, resté à Londres (bien que ce ne soit pas certain selon George Behe). C’est donc en compagnie de sa femme de chambre, du valet de son époux (le fait que celui-ci ait été présent pourrait laisser à penser que Mr Widener ne se soit pas rendu en Angleterre) que Mrs Widener prend place à bord du train transatlantique partant de la gare St Lazare pour rallier la ville normande de Cherbourg, où ils apprennent, sans doute avec déception, que suite à incident dans le port de Southampton, leur embarquement serait retardé.
A bord du Titanic, Eleanor occupa la cabine C80 avec son mari, tandis que leur fils était dans celle adjacente. Pendant que les deux hommes passaient leurs journées au fumoir, Eleanor dû fréquenter activement les salons dédiés aux plaisirs gustatifs, comme le Grand Salon le soir ou le Café Parisien et le Palm Court durant les après midi en compagnie de connaissances.
C’est grâce à Mrs Widener que l’on garde deux instantanés de la vie à bord.
Le dimanche après-midi, elle profitait du beau temps pour arpenter le pont couvert A avec son mari lorsqu’ils y croisèrent Bruce Ismay avec lequel ils s’entretinrent quelques instants. Leur conversation fut interrompue par le commandant Smith, porteur d’un marconigramme émanant du Baltic et signalant des glaces sur la route du Titanic. Bruce Ismay en prit connaissance, avant de le montrer au couple et de le ranger dans la poche de sa veste. Le commandant Smith lui réclamera finalement le maronigramme en début de soirée.
Ce même soir, Mrs Widener organisa un mémorable dîner en l’honneur du commandant Smith au Restaurant à la Carte, auquel elle convia, en plus de leur fils, quelques amis de Philadelphie, comme les Carter, les Thayer ainsi que le Major Archibald Butt.
La majorité des salons fermant leurs portes entre 23 h 00 et minuit, Eleanor Widener se trouvait dans sa cabine au moment de la collision, après avoir sans doute quitté les invitées féminines de son dîner. Peut-être était-elle en train de se préparer pour la nuit avec l’aide de Miss Gieger ? Ou bien était-elle déjà couchée, patientant l’arrivée imminente de son époux et de son fils.
Ces derniers la conduisirent, elle et sa femme de chambre, jusqu’au canot n°4 qui fut affalé à 1 h 50. On est en droit de se demander ce qu’ont bien pu faire les Widener durant deux heures, surtout qu’à 1 h 50, la gite devait être bien forte.
Mrs Widener voulait-elle passer le maximum de temps en compagnie de son fils et son mari avant leur disparition ? Rechignait-elle à embarquer dans un canot, préférant rester avec George et Harry ? Mystère.
C’est donc à 1 h 50 qu’elle vit pour la dernière fois ceux qu’elle chérissait en compagnie de Messieurs Thayer et Butt. Un peu plus de 30 minutes plus tard, les deux hommes étaient morts, et avec eux 1500 personnes.
Transie de froid, choquée par ce à quoi elle venait d’assister, Eleanor et les survivant attendent dans l’angoisse d’éventuels secours qui viendrons avec le Carpathia. Une fois à bord du navire sauveur, la cabine du capitaine Arthur Rostron lui fut attribuée, et qu’elle partagea avec Marian Thayer et Madeleine Astor. A l’arrivée à New-York, Mrs Widener et sa femme de chambre embarquèrent à bord d’un train privé affrété par son beau-père afin de rallier Philadelphie et le domaine familial.
Bien que leur corps ne furent pas retrouvés, rapidement vint le temps de l’organisation des funérailles de George et d’Harry qui eut lieu à l’église épiscopale protestante, St Paul d’Elkins Park. Ironie du sort, c’est peu de temps après la mort de son père et de son frère que la jeune Eleanor épousa son prétendant, Fitz Eugene Dixon. Autant dire que le mariage n’a pas dû être un souvenir mémorable.
Eleanor continua d’habiter avec son beau-père, à Lynnewood Hall, et s’efforça du mieux possible d’honorer la mémoire de son mari et de son fils.
Elle participa à la rénovation de l’église St Paul, et y finança deux vitraux qu’elle dédia à son mari. Ses deux plus grands projets furent l’érection de la bibliothèque Harry Widener sur le campus de l’université d’Harvard, qu’avait fréquentée le jeune homme, ainsi que l’aboutissement d’un projet initié par George Widener, à savoir, la construction d’une résidence à Newport : la villa Miramar.
George Widener jr, Horace trumbauer (architecte de Lynnewood Hall, de la bibliothèque Widener et de la villa Miramar) et Eleanor Widener.
La vie d’Eleanor s’apprête à changer en 1915. C’est en juin de cette année, lors de l’inauguration de la bibliothèque, en juin 1915, qu’elle fait la connaissance d’Alexander Hamilton Rice, médecin, explorateur et professeur à Harvard, de 14 ans son cadet.
Du roi du tramway, Eleanor passe à Indiana Jones en la personne d'Alexander Hamilton Rice.
Ils s’amourachèrent assez vite l’un de l’autre, puisqu’en octobre de la même année ils se marient. Lors de la cérémonie, elle arbora le collier de perles de plusieurs centaines de milliers de dollars qu’elle avait sauvé du naufrage.
C’est une nouvelle vie qui se profile à présent pour la toute nouvelle Mrs Eleanor Rice. Une vie plus « simple », mais aussi plus aventureuse. Après son mariage, elle quitte sa demeure d’Elkins Park et emménage dans la flambante neuve propriété Miramar avec son mari.
Les années suivantes, elle passa son temps entre Newport, Paris tout en suivant Alexander dans ses expéditions autour du monde. Hugh Brewster nous indique que leur voyage de noces fut l’occasion d’effectuer un périple de 8000 km dans la forêt amazonienne.
Dès le début de la guerre, Alexander Rice se rendit à Paris où il servit, de 1914 à 1915, dans un groupe de médecins civils, bien avant l’entrée en guerre des Etats-Unis. Et de 1915 à 1917, il dirigea l’« Hôpital 72, Société de secours aux Blessés Militaires », un établissement de soins à but caritatif. Bien que je n’aie pas trouvé de précisions concernant ce fait, Eleanor, fraichement mariée, a dû suivre son mari et vivre durant ces quelques années dans la capitale française.
La célébrité et l’argent de l’ex Mrs Widener (c’est elle qui finance les expéditions de son mari) offre aussi à Alexander Rice un nouveau statut : celui que je qualifierais de « people ». Sommité dans son domaine, Alexander Rice, en se faisant accompagner par sa femme dans ses expéditions sud-américaines, braque sur eux l’intérêt de la presse en général. Leurs périples sont narrés dans les revues spécialisées, et leur expédition de 1916 fait l’objet d’un livre, rédigé par l’un de ses membres, dont on se doute bien qu’elle est un brin romancée lorsque l’on y lit leur rencontre avec des cannibales. Remettons-nous dans le contexte de l’époque qui qualifie toute peuplade primitive de « cannibales », mais sans pour autant sous-estimer la dangerosité des expéditions des Rice, notamment pour une femme. Pour ses différents voyages exotiques, Alexander Rice s’est fait construire son propre yacht, l’ »Alberta », qui lui permet, avec son équipe de scientifiques, de rejoindre les terres qu’ils comptent explorer.
Le yacht des Rice, l'"Alberta
".Le bassin amazonien fut le théâtre de bons nombre de leurs expéditions, et la plus mémorable d’entre elles eut pour but de rechercher la source du fleuve Orénoque. Eleanor ne se contenta pas de crapahuter dans les forêts sud-américaines, elle suivit son époux en Inde, ainsi que sur le continent européen.
Eleanor Widener en 1923.
On a bien du mal à imaginer la jadis élégante Eleanor, en vêtement d’exploratrice, une machette à la main en train de se frayer un chemin dans la jungle amazonienne la merci des moustiques ; des serpents et autres bêtes sauvages, alors que quelques années auparavant, elle était assise à boire du champagne avec le commandant Smith et tout le gratin de Philadelphie dans le Restaurant à la Carte du Titanic.
Eleanor Widener (elle est à droite).
Après cette seconde partie de vie fort tumultueuse, Eléanor Elkins Widener Rice mourut d’une attaque cardiaque à Paris, le 13juillet 1937. Elle est inhumée au Laurel Hill Cemetery de Philadelphie. Evidemment, c’est Alexander Rice qui hérita des millions de sa défunte épouse.
Merci à :
George Behe.
Hugh Brewster
Wikipedia
Geni.com
Invité- Invité
Re: Eleanor Elkins Widener Rice
Belle biographie Denis. Elle a eu une 2ème vie des plus inattendues. Je ne sais pas non plus si ce n'était qu'un mariage de raison au départ mais elle semble vraiment plus épanoui dans cette nouvelle relation. Après la mort de son fils et de son mari et auparavant de plusieurs autres membres de sa famille, cette vie aventureuse a dû lui faire beaucoup de bien.
_________________
"Que le plaisir qu'elle procure éteigne mon corps et le feu de mon âme à tout jamais"
Mon site sur Jack Phillips : http://jackphillips-titanic.e-monsite.com/
Re: Eleanor Elkins Widener Rice
Très intéressant en effet
Elle a connu beaucoup de moments difficiles, notamment bien sûr la perte des membres de sa famille puis de son fils et de son mari sur le Titanic. Et elle a su bien se reconstruire après auprès de cet homme qu'elle a rencontré, elle a changé complètement de vie, passant effectivement des chics et luxueux salons à un périple dans la forêt amazonienne par exemple.
Je pense bien sûr qu'elle n'a jamais oublié son fils et son mari, honorant leur mémoire avec notamment de très beaux hommages
Joris
Elle a connu beaucoup de moments difficiles, notamment bien sûr la perte des membres de sa famille puis de son fils et de son mari sur le Titanic. Et elle a su bien se reconstruire après auprès de cet homme qu'elle a rencontré, elle a changé complètement de vie, passant effectivement des chics et luxueux salons à un périple dans la forêt amazonienne par exemple.
Je pense bien sûr qu'elle n'a jamais oublié son fils et son mari, honorant leur mémoire avec notamment de très beaux hommages
Joris
_________________
Le Titanic coulait il y a cent douze ans le 15 avril 1912. Une catastrophe maritime que rien
ne laissait prévoir et qui coûta la vie à plus de 1500 personnes.
Une pensée pour toutes les victimes de cet événement tragique qui a eu lieu il y a un siècle
et n'oublions jamais...
Joris-
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Re: Eleanor Elkins Widener Rice
À propos du célèbre collier de perles d'Eleanor Widener, "connue comme l'une des plus belles femmes de la société de Philadelphie, de New York et des stations balnéaires à la mode de la côte de la Nouvelle-Angleterre".
Ce collier, reçu à l'occasion de Noël 1909, "est probablement le cadeau de Noël le plus coûteux reçu par une femme au monde" et coûtait 750 000 dollars. Précédemment, Mme Widener portait un collier "évalué à 250 000 $, la pierre centrale seule valant 65 000 $".
The Appeal, 22 janvier 1910.
Ce collier, reçu à l'occasion de Noël 1909, "est probablement le cadeau de Noël le plus coûteux reçu par une femme au monde" et coûtait 750 000 dollars. Précédemment, Mme Widener portait un collier "évalué à 250 000 $, la pierre centrale seule valant 65 000 $".
The Appeal, 22 janvier 1910.
Re: Eleanor Elkins Widener Rice
Énorme !
Elle a eu de la chance de "sauver" ce collier lors du naufrage même si ça n'a pas de prix évidemment à côté d'avoir perdu son mari et son fils.
On sait ce qu'il est devenu par la suite ?
Joris
Elle a eu de la chance de "sauver" ce collier lors du naufrage même si ça n'a pas de prix évidemment à côté d'avoir perdu son mari et son fils.
On sait ce qu'il est devenu par la suite ?
Joris
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Le Titanic coulait il y a cent douze ans le 15 avril 1912. Une catastrophe maritime que rien
ne laissait prévoir et qui coûta la vie à plus de 1500 personnes.
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