[Nouvelle d'Halloween] Les Limbes de Kali

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Message  ElbaAndrews Ven 5 Jan 2018 - 15:13

De plus en plus effrayant!
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Message  iceberg Sam 31 Mar 2018 - 12:10

Eh ben, j'en découvre des choses sur les membres éminents du forum ;-)

Génial, ce mélange de Shining et des Oiseaux sur mer ! On attend la suite et surtout la soirée du 14 ;-)
iceberg
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Message  Canard-jaune Lun 31 Déc 2018 - 23:11



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En janvier 2018 (mon Dieu, que c'est loin), j'avais dit que je posterais la deuxième partie du chapitre "d'ici quelques jours"... On est le 31 décembre 2018. Je n'ai rien posté en 2018 (enfin, si, la deuxième partie du chapitre, mais 11 mois et 30 jours après). Je ne ferai plus de commentaire sur mon incapacité totale à trouver UN PEU DE TEMPS pour achever une nouvelle un roman commencé il y a maintenant trois ans, c'est lamentable, mais je POSTERAI LA FIN DE CE TRUC même si ce doit être la dernière chose que je ferai dans ma vie. Par contre, je ne ferai plus de promesse temporelle.

Voilà donc pour vous la deuxième partie du chapitre 6... Il y aura encore après deux autres chapitres, et les épilogues. Donc je suppose que quand la fin de ce machin aura été publiée, il y aura eu une nouvelle élection présidentielle. Puisse le futur me donner tort...

J'espère en tout cas que ça vous plaira (quand même)... Je commence à trouver ce bout de chapitre un peu inégal, pour ma part...

ET ÉVIDEMMENT DU COUP LE MESSAGE EST TROP LONG, la mise en page a été annulée, je dois tout refaire! Plus qu'à repasser des heures à retravailler le bidule pour que ça rentre... Je me fais avoir à chaque fois... (ce message sera enlevé quand la partie du chapitre sera postée correctement, désolé (mais de toute façon personne n'est ici un soir de la Saint-Sylvestre donc ça sera sans doute réglé d'ici là)) -> C'est bon, j'ai réussi à faire tenir en un seul message.

Pour la première partie du Chapitre 6, voir les trois messages postés précédemment.

Samedi 13 décembre 2014, RMS Titanic, 14h20.

Le temps s’était comme figé, après la chute de l’ascenseur. Tous sentaient leur souffle bloqué dans leur poitrine. Tous sentaient leur cerveau paralysé par ce qu’ils venaient de voir. Tous étaient incapables de bouger. Après un moment interminable, Denis articula quelque chose.
- Il faut aller voir en bas. Dans tous les cas.
Tous acquiescèrent avec des niveaux plus ou moins variables de conscience. Nicolas avait fondu en larmes. Ils descendirent tous au Pont E, et gagnèrent les ascenseurs. Ils trouvèrent l’endroit dévasté : tout au fond, il y avait des éclats de bois, de verre, et de métal un peu partout. Les grilles de fer forgé avaient été enfoncées. Et au travers de l’espace laissé entre les grilles tordues, on distinguait un bras étendu. Tous se figèrent en le voyant. Tiphaine maintint fermement Nicolas, qui semblait prêt à tourner de l’œil à nouveau.
- C’est ma faute, c’est ma faute, c’est ma faute…
- Qu’est-ce que tu racontes, Nicolas ?!
Seul Denis avançait, à présent. Inquiet de ce qu’il s’attendait à voir dans l’ascenseur, il s’autorisa cinq secondes de pause avant de faire face à ce que contenait la cage d’ascenseur. Ce qu’il vit alors le soulagea à un tel point qu’il faillit en rire. Il se précipita vers Sonia, recroquevillée sur le sol couvert de débris de l’ascenseur. Elle ne semblait blessée nulle part, ce qui constituait un miracle, et il pouvait voir sa poitrine s’élever et s’abaisser à un rythme lent et régulier, ce qui doublait la valeur du miracle.
- Elle est vivante ! Venez !
Ils accoururent, sauf Tiphaine, qui restait à supporter Nicolas. Ils l’extirpèrent ensuite de l’ascenseur, la remontèrent (inconsciente) au Salon de Réception au-dessus, et l’allongèrent sur un sofa. Ils restèrent ensuite les bras ballants, ne sachant que faire, jusqu’à ce que Ouate émerge de la Salle à Manger. Dès qu’elle aperçut Sonia allongée, elle se mit à aboyer avec force. Tout le monde se tourna vers l’animal.
- Qu’est-ce qu’elle a, encore ?!
Ils ne parvinrent pas à la calmer, et Elodie fut obligée de la prendre dans ses bras et de monter au Pont C pour enfermer la chienne dans sa cabine. Denis vérifia plus en détail l’état de Sonia, mais elle n’avait réellement aucune blessure. Ce qui tenait vraiment du miracle. Il se tourna vers ses camarades, ne sachant pas trop quelle expression adopter. Certes, Sonia allait ‘’bien’’… mais comment s’ôter de la tête ce qu’elle avait dit juste avant la chute de l’ascenseur ?

Comme si elle avait lu dans ses pensées, Tiphaine, toujours à côté de Nicolas, prit la parole.
- Pourquoi elle a dit ça ? Qu’on allait mourir ? Le regard qu’elle avait… j’en tremble encore.
Nicolas ne disait rien. On aurait dit qu’il ne voulait plus prononcer un mot pour le reste de sa vie. Aurélie tremblait des pieds à la tête, et Antoine essayait de la calmer en l’enlaçant. Guillaume, lui, regardait Tiphaine sans savoir quoi lui répondre. Elodie revint.
- J’ai eu beaucoup de mal à enfermer Ouate. Je l’entendais encore aboyer en redescendant le Grand Escalier.
Tiphaine fronça les sourcils.
- Elle est plutôt calme d’habitude, non ? Elle a essayé de te mordre ?
- Non, non… Une fois, ça suffit !
Guillaume cherchait à comprendre.
- C’est quand, les autres moments où elle a aboyé ?
Denis réfléchit à haute voix.
- Eh bien… Elle aboyait en essayant de rentrer chez Aurélie et Antoine, quand…
Il fit une grimace gênée en regardant Aurélie, toujours enlacée par Antoine.
- … et aussi quand Elodie et Nicolas…
Elodie grommela.
- Oui, c’est bon. Inutile de nous rappeler les détails.
Tiphaine jeta un œil à Nicolas : il ne semblait même pas écouter ce qui se disait. Son esprit paraissait loin, très loin. Elle se tourna à nouveau vers Guillaume, qui avait repris la parole.
- Donc ça voudrait dire que Sonia va tous nous tuer ? Mais c’est insensé !
- Oh, non, c’est exactement ce que je veux ! Et puis, ensuite, je vous servirai en gratin dans la Salle à Manger ! Un bon gratin de Tiphaine, avec des cuisses d’Aurélie, ce sera délicieux !
Tout le monde se tourna éberlué vers Sonia : elle avait rouvert les yeux, et c’était elle qui venait de prononcer ces paroles en étant toujours couchée. Elle semblait presque hilare. Aurélie l’était beaucoup moins.
- Tu sais ce qu’elles te disent, mes cuisses ?! Je ne sais pas comment tu peux oser plaisanter avec tout ce qu’il se passe…
Sonia se redressa. Elle semblait, paradoxalement, de très bonne humeur.
- Pourtant, la situation semblait moins vous préoccuper, tout à l’heure, quand vous aviez disparu avec Antoine… Vous étiez passés où ?
Personne ne put ne pas remarquer qu’Aurélie avait rougi. Guillaume, curieux par nature, enfonça le clou.
- Tiens, c’est vrai, vous étiez où avant d’aller secourir Sonia ? On vous cherchait partout.
Antoine jeta un regard à Aurélie. Elle sembla acquiescer, puis regarda ses chaussures.
- Eh bien, la vérité, c’est qu’Aurélie et moi nous trouvions dans l’une des cales.
Denis croisa les bras, le regard soudain furibond.
- Ah bon ! Voyez-vous ça ! Et pouvons-nous savoir pourquoi ?
Elodie se tourna vers Denis.
- Pourquoi ça te met dans un tel état qu’ils aillent dans la cale ?
Denis détacha son regard d’Antoine et d’Aurélie pour le poser sur Elodie.
- Je demande à ce qu’on reste groupés. Et eux, où ils vont ? Dans l’un des endroits les plus profonds, sombres, et difficiles d’accès du bateau ! On a pourtant bien vu ce qui est arrivé à Sonia alors qu’elle zonait près de Scotland Road !
Tiphaine parut réfléchir à la question, puis se prononça dessus avec un ton docte. On sentait que son sens de l’honnêteté primait sur le fait qu’elle estimait qu’Aurélie et Antoine (surtout Aurélie) méritaient d’être rouspétés pour leur incartade. Mais elle jugeait bon de délaisser les querelles et inimitées qui avaient empoisonné la matinée. Désormais, il lui semblait plutôt préférable que tout le monde se soutienne et reste soudé.
- Techniquement, Denis… Ils n’étaient pas là quand tu as formulé cette recommandation. Ils étaient justement partis chercher du miel. Donc, bon, ils étaient dans un endroit potentiellement dangereux, mais ils sont revenus ! Et ils ne s’y rendront plus ! N’est-ce pas, Antoine et Aurélie ?
La question ressemblait plus à un ordre qu’à une suggestion. Mais hélas, avant que l’un d’eux puisse réponde par l’affirmative, Sonia mit à nouveau les pieds dans le plat.
- Mais qu’est-ce que vous êtes allés fabriquer là-bas ? Vous cherchiez du miel ? Il vous a fallu tant de temps pour en trouver ? Alors qu’on en a vu un pot dans la cuisine ? Il est de Narbonne – super bon, d’ailleurs.
Avant qu’une réponse ne puisse être apportée – réponse que semblait déjà connaître Sonia même si personne d’autre ne voyait où elle voulait en venir, on entendit la voix de Nicolas pour la première fois depuis l’incident de l’ascenseur.
- La cale, elle se trouvait à quel pont ?
Antoine ouvrit la bouche, la ferma, puis répondit lentement.
- Eh bien… Je crois que c’était celle au Pont…
Mais Nicolas l’interrompit.
- Vous êtes allés dans la cale où se trouvait la Renault de William Carter. N’est-ce pas ?
Plusieurs d’entre eux commençaient à voir où voulait en venir Nicolas, et donc sans doute Sonia, qui souriait à présent d’un air malicieux. Aurélie lui lança un regard de mort, et le sourire de Sonia disparut. Denis tenta de croire en l’innocence (dans tous les sens du terme) du couple.
- Mais non, Nicolas, tu ne suggères quand même pas que…
- Oh, mais si, Denis, je suis sûr qu’ils se sont envoyés en l’air dans la voiture. J’ai raison, n’est-ce pas ?

Il y eut un silence affreusement gêné. Elodie fronça les sourcils : elle avait pensé à une toute autre chose. Qu’Aurélie et Antoine s’étaient amusés à piloter la voiture. Mais ce qui l’intriguait était qu’il ne devait pas y avoir beaucoup de place pour conduire, dans cette cale… L’hypothèse de Nicolas semblait donc bien plus logique. Le fait que le couple ne trouve rien à répondre tint lieu de réponse. Le Techie avait un visage si blasé qu’il semblait constitué de marbre.
- Je n’ai même pas envie de râler, ou de faire un simple commentaire. Vous ne respectez rien. Vous…
Il chercha son mot pendant un moment pour qualifier l’acte d’Aurélie et Antoine, telle l’ignominie suprême venant couronner toutes les ignominies.
- Vous profanez tout. Tous. Vous me rendez dingue.
Et sans un mot supplémentaire, il tourna les talons, et se dirigea vers le Grand Escalier. Denis le rattrapa en quelques enjambées.
- Où vas-tu, Nicolas ?! On ne doit pas se séparer !
- Je veux être seul !
- Tu ne vas nulle part, tu m’entends ?!
- TU ME FOUS LA PAIX, T’AS COMPRIS ?!
Devant cette hargne inaccoutumée, Denis recula comme si Nicolas venait de le gifler. Il le laissa poursuivre son chemin sans un mot. Sonia s’avança à la hauteur de Denis et appela Nicolas.
- Dis-nous au moins où tu vas, pour qu’on puisse te retrouver au cas où !
- Je vais dessiner au fumoir !
Sur ces mots, il gagna le Pont C par la volée de marches bâbord du Grand Escalier. Tiphaine soupira. Guillaume regardait alternativement Aurélie et Antoine. La première semblait assez gênée, mais le second semblait presque s’ennuyer.
- On avait nos raisons. On ne va pas disserter là-dessus.
Guillaume répondit d’un air goguenard, pendant que Sonia et Denis revenaient vers eux et qu’Elodie essayait de croiser le regard d’Aurélie pour lui transmettre un sourire amical dénué de jugement.
- Oh mais vous faites ce que vous voulez, vous êtes majeurs ! Mais j’ai quand même une question : la voiture est censée être dans une caisse. Comment vous l’avez ouverte ?
- Alors, Guillaume, il y avait une hache, pas loin, à côté d’une lance à incendie. Un peu comme dans le film…
- J’espère que vous n’avez pas cassé la vitre du boîtier de la hache comme dans le film, sinon Nicolas ne sera pas content…
Tiphaine leva les yeux au ciel.
- Arrête de le charrier avec ça, ça devient pénible…
Guillaume acquiesça… puis, incapable de se contenir, poursuivit sur sa lancée.
- Vous avez ramassé les bouts de bois, après avoir ouvert la caisse, j’espère ? Sinon, Nicolas…
Tiphaine s’emporta.
- Ça suffit, Guillaume !
- Oh, ça va, on peut rire…
- Ça ne fait rire que toi !
Pour éviter une nouvelle dispute, Sonia partit aux renseignements pour changer de sujet.
- Et, euh, elle est où, cette voiture ?
Antoine embraya.
- Eh bien, tu vas vers la cale postale et…
Mais Aurélie l’interrompit.
- Mais, pourquoi tu veux savoir ça ? Tu veux encore barouder dans des cales et couloirs obscurs et revenir à moitié vidée de ton sang ?
Sonia demeura interdite.
- Qu’est-ce que tu racontes ?
Tiphaine se désintéressa de Guillaume.
- Tiens, encore une amnésie ?
- Quelle amnésie ?
- Quel est ton dernier souvenir ?
- Euh… Je… Je crois qu’on mangeait du jambon.
Elodie se tourna vers Denis.
- Je comprends mieux pourquoi elle semble limite contente, elle n’a pas de souvenir de… ce qui est arrivé. Au moins, elle se souvient de ce que tu nous as fait à manger. Elle fait honneur à ta cuisine.
Denis sourit faiblement. Lui se souvenait trop bien de ce qui s’était produit dans l’ascenseur. Il regarda gravement Sonia.
- En attendant que ça te revienne, évite les ascenseurs.
Sonia haussa les épaules joyeusement.
- Ok !
Il semblait beaucoup s’inquiéter pour elle. Guillaume, lui, était inarrêtable.
- Et en parlant de jambon, vos cochonneries dans la voiture… vous avez fait attention à ne rien salir ? Parce que Nicolas…
- Mais qu’il est con, c’est pas possible !
Après avoir à nouveau perdu son calme, Tiphaine se dirigea à son tour vers le Grand Escalier. Guillaume semblait penaud et fit mine de la suivre durant quelques pas.
- Mais, tu vas où ?
- Rejoindre Nicolas ! Je préfère entendre ses jérémiades de Techie que tes pseudo-plaisanteries de lourdaud !
Et elle le planta là, au pied du candélabre.

Le regard de Guillaume s’attarda sur le magnifique objet, et il constata que l’une des branches manquait : un fil électrique pendait tristement d’un trou que complétait normalement la branche manquante. Mais cette fois-ci, il ne fit pas référence à la réaction qu’aurait Nicolas quand il s’en apercevrait. Denis s’éclaircit la gorge.
- Eh bien… Que voulez-vous faire ? Je pensais que l’on pourrait…
Mais Guillaume n’avait pas l’air de beaucoup s’intéresser à ce que voulait organiser Denis : il se dirigea vers la volée de marche tribord du Grand Escalier et descendit vers le Pont E. Denis n’osa pas l’arrêter, mais il tenta quand même de dire quelque chose.
- Guillaume, on ne doit pas se séparer !
- La ferme !
Denis commençait à en avoir marre de toute cette impolitesse. Sonia vint à sa rescousse.
- Dis-nous où tu vas, au moins !
Pas de réponse. Sonia eut l’air aussi contrariée que Denis. Derrière eux, Elodie tenta de ramener un peu d’enthousiasme.
- Ahem. Et donc, que vouliez-vous faire ?
- Je n’ai pas vraiment d’idée… Peut-être pourrait-on aller au gymnase pour…
- Ah non !! Il faut passer par le Grand Escalier au Pont des Embarcations. Je ne retourne pas là où on a été attaquées par les mouettes ! Pas vrai, Aurélie ?
- Oui, je ne préfère pas.
Denis leva les yeux au ciel.
- Si vous avez une meilleure idée…
Aurélie parut réfléchir.
- Il faudrait que je me recoiffe.
Sonia se montra narquoise.
- On se demande ce qui a pu te décoiffer comme ça !
Tout le monde se tourna vers elle avec un regard de hibou. La puéricultrice se renfrogna. Elodie fit une proposition en souriant.
- On n’a qu’à aller au Salon de Coiffure. Je serai ta coiffeuse personnelle !
Aurélie parut enchantée. Par contre, Antoine semblait avoir peur pour ses propres cheveux à lui (qui auraient eu besoin d’une bonne coupe), et Denis semblait agacé à l’idée d’aller là-bas. Sans doute parce qu’il n’avait rien à coiffer. Mais d’un autre côté, il ne voulait pas que le groupe se sépare… Sonia, elle, boudait toujours. Denis tenta de solutionner le problème.
- Je n’ai qu’à rester ici avec Antoine, on prendra le café et discutera… Si vous y allez à deux, ça devrait aller, vous ne serez pas seules… Ou même à trois : que fais-tu, Sonia ?
- Oh, je vais monter rejoindre les autres, j’ai envie de…
- Oh, non Sonia ! Viens avec nous, toi aussi tu as besoin de te coiffer : regarde dans quel état sont tes cheveux !
- Merci, Elodie, j’apprécie !!
Denis intervint.
- Elodie ne pensait pas à mal, Sonia. Va avec elles, vous passerez un bon moment.
- Je constate que les dames vont se coiffer, pendant que les messieurs restent discuter en buvant le café ! Si c’est pas sexiste, ça !
Denis parut abasourdi.
- Mais enfin, Sonia. Que veux-tu que je coiffe ? Quant à Antoine, il en a trop, à coiffer…
- Je vous ai déjà raconté la fois où ma coiffeuse a appelé deux de ses collègues pour l’aider à peigner mes…
- Plus tard, Antoine. Alors, Sonia ?
- Bon, d’accord, Denis.
Le trio féminin monta donc au Pont C par la volée de marches bâbord du Grand Escalier. Antoine se tourna alors vers Denis.
- Qu’est-ce que tu voulais me dire ?
- Il y a un truc malsain, ici. Il faudrait qu’on commence à songer à la manière de se tirer d’ici.

Samedi 13 décembre 2014, RMS Titanic, 15h00.

Nicolas traversait le Grand Salon. Après avoir quitté ses camarades demeurés dans le Salon de Réception, il était allé chercher son carnet dans sa cabine – celui dans lequel ses esquisses des vitraux du Fumoir avaient été remplacées par un alphabet hiéroglyphique. Sans qu’il n’ait pu déterminer qui était à l’origine de cette blague. Il était ensuite remonté au Pont A, qu’il traversait vers l’arrière pour se rendre au Fumoir. Alors qu’il traversait le vaste salon paré de chêne, il regarda distraitement le grand miroir surplombant la cheminée de marbre. Il s’arrêta violement, retenant à grande peine un cri. Le miroir reflétait les double-portes donnant accès à la coursive menant au Grand Escalier Arrière. Portes qu’un individu pâle, maigre, et frisé, était en train de fermer, dos au miroir. Vincent. C’était impossible. Nicolas entendit un cliquetis quelque part à sa gauche. Se tournant vivement vers la source du bruit – les mêmes portes qu’il avait pu voir dans le miroir, mais sans Vincent, il alla essayer de les ouvrir. Sans succès : elles étaient verrouillées. Nicolas se dépêcha alors de ressortir par là où il était entré. Les portes donnant accès à la coursive menant au Grand Escalier Avant étaient demeurées ouvertes, comme on pouvait s’y attendre. Nicolas n'avait pas pu voir ça. Nicolas devait avoir rêvé. Du moins, c’est ce dont il essayait de se persuader. Mais il savait pertinemment qu’aucun d’entre eux n’avait les clés, et donc n’avait pu verrouiller ces portes. C’était ce à quoi il songeait quand il tomba sur Tiphaine, qui venait d’arriver au Pont A par la volée de marches tribord du Grand Escalier.
- Eh bien, Nicolas, tu en fais une tête. Ça ne va pas ?
- Eh bien, je… Je voulais aller au Fumoir en faisant le tour. Par le pont-promenade et le Café-Véranda.
- Je te suis. Un peu d’air frais ne nous fera pas de mal.
Il sourit faiblement et alla ouvrir la porte munie d’un hublot donnant accès au pont-promenade, laissant passer Tiphaine avant lui.
- Le pont est vitré sur sa plus grande partie. On ne sera pas trop embêtés par le vent et la pluie.
- Oh, ça ne me dérange pas.
Ils remontèrent la promenade silencieusement, du moins si l’on faisait abstraction du bruit que faisaient les bourrasques de vent sifflant contre les vitres, puis s’engouffrant sur le pont à partir du moment où les baies vitrées laissaient place à des larges ouvertures. Ce n’est que lorsqu’ils passèrent devant le Café-Véranda tribord – qui ne donnait pas accès au Fumoir – que Nicolas ouvrit la bouche.
- J’ai de moins en moins l’impression d’être sur le paquebot des rêves. Il commence plutôt à me donner l’impression que c’est le paquebot des cauchemars.
Tiphaine considéra la réflexion alors qu’ils entraient dans le Café-Véranda bâbord, garni d’un joli carrelage à damiers, de mobilier en rotin, et de faux lierre encadrant des miroirs prenant la forme des baies vitrées ouvragées donnant sur l’extérieur.
- Venant de toi, ce n’est pas rien. Qu’est-ce qui te fait dire ça, exactement ?
- Si je te raconte tout ce que j’ai vu, tu me promets de ne pas me prendre pour un…
- J’écouterai attentivement ce que tu me raconteras, et ensuite, ce sera à mon tour de t’expliquer tout ce que j’ai vu.

Samedi 13 décembre 2014, RMS Titanic, 15h20.

Pendant un certain temps, Guillaume avait erré seul au Pont E, dans la coursive tribord où il avait attrapé Nicolas lorsqu’il s’était évanoui devant les ascenseurs de Première Classe. Guillaume y avait jeté un œil : tout était parfaitement normal (si l’on exceptait le fait que tout y était dévasté depuis la chute de l’ascenseur). Il s’était ensuite dirigé vers l’arrière, toujours via cette coursive : ça aurait été plus simple via Scotland Road, mais il avait préféré ne pas rouvrir la porte qu’il avait fermée tout à l’heure. Il avait ouvert une porte située au fond de la coursive, juste à côté du mur faisant face au Grand Escalier. Il s’était alors engagé dans une coursive semblable. Il y avait aussi une porte tout au fond de celle-ci. Guillaume avait observé toutes les portes latérales, avant d’ouvrir celle du fond, qui donnait accès à une nouvelle coursive, moins ornementée. On ne voyait plus de porte au fond. À nouveau, le juriste observa les portes latérales. Il était arrivé au bout lorsqu’il remarqua que l’avant-dernière porte à sa droite menait à un escalier. Il l’emprunta. Arrivé au sommet, sur un tout petit palier, il y avait une porte à sa gauche. En l’entrebâillant, Guillaume reconnut l’Office de Première Classe du Pont D. Il referma la porte en restant sur le palier. Devant lui, face à l’escalier par lequel il venait de monter, un autre escalier descendait, vers le Pont E donc. Si Guillaume visait juste, il devait mener à une autre partie de Scotland Road. C’est ce qu’il vérifia en le descendant, puis en ouvrant la porte face à lui. L’absence de lumière confirma ce qu’il pensait : c’était bien Scotland Road. D’ailleurs, comment on allumait ? Il n’y avait pas d’interrupteur à proximité : seule la lumière venant du palier en haut de l’escalier éclairait faiblement les alentours immédiats de la porte que Guillaume avait ouverte. Regardant à gauche, il constata que Scotland Road prenait un angle avant de poursuivre vers l’arrière. En regardant à droite, il pouvait vaguement distinguer quelques petits poteaux supportant des chaînes, à proximité de ce qui semblait être un des rampes d’escaliers. Guillaume sourit : il venait de trouver comment accéder à la Salle à Manger de Troisième Classe. Tiphaine en serait ravie.

Samedi 13 décembre 2014, RMS Titanic, 15h30.

Dans le Salon de Coiffure situé au Pont C, Aurélie avait pris place dans l’un des confortables fauteuils de barbier faisant face à un large miroir de forme ovale. Elodie semblait ravie de la coiffer – ça permettait de penser à autre chose qu’aux horreurs survenues depuis le début de la journée. Sonia, par contre, ne semblait guère goûter à cet enthousiasme. Elle avait même pris tout son temps pour suivre les deux amies se rendant au Salon de Coiffure alors qu’elle longeait la rambarde du Grand Escalier d’où l’on pouvait voir le Salon de Réception du Pont D. Pour l’heure, elle farfouillait sur les étagères et dans l’armoire vitrée remplies de souvenirs siglés du drapeau rouge à étoile blanche de la White Star Line, pendant qu’Aurélie et Elodie parlaient de leurs shampoings respectifs. Elodie venait de faire tomber un peigne alors qu’elle discourait sur les vertus du jojoba pour assouplir le cuir chevelu. Aurélie avait tourné la tête vers elle pendant qu’elle le ramassait. Une fois le peigne récupéré, Elodie reprit son énoncé capillaire en regardant le miroir où elle voyait Aurélie… avant de se figer et se taire. Le reflet d’Aurélie regardait droit devant elle. Le problème était qu’Aurélie était toujours tournée vers Elodie. Alors pourquoi son reflet…
- Aurélie ?
- Oui, ma chatonne belge ?
- Regarde ton reflet.
- Quoi, mon reflet ?
Elle ne paraissait rien avoir remarqué, le reflet renvoyant la même perplexité affichée par Aurélie. Sauf qu’Aurélie se retourna à nouveau vers Elodie, ce que ne fit pas le reflet. Elodie fit un bond.
- Aurélie !
Aurélie se retourna à nouveau vers son reflet, et cette fois-ci, se figea en voyant son reflet lui sourire alors qu’elle ne souriait absolument pas. Puis, sans signe avant-coureur, le reflet se leva et avança le bras vers le miroir, comme dans la volonté d’attraper Aurélie. Elle poussa un hurlement, tandis qu’Elodie attrapait une lourde brosse et la jetait dans le miroir. Le vacarme que produisit le verre brisé fut épouvantable. Sonia se tourna vers elles alors qu’elles respiraient à grandes bouffées.
- Mais enfin, qu’est-ce qui vous prend ?!
Elodie ne parvint pas à articuler quoi que ce soit. Aurélie, elle, regardait de tous les côtés avec nervosité.
- Je veux sortir d’ici !
Elle se leva, pendant qu’Elodie triturait la poignée de la porte.
- Je te suis !
Et elles plantèrent là Sonia pendant qu’elles retournaient à toutes jambes vers le Grand Escalier Avant, au Pont C, via la coursive bâbord qui n’était toujours pas éclairée. Visiblement mal à l’aise, la puéricultrice quitta les lieux et remonta le Grand Escalier Arrière via la volée de marches bâbord.

Samedi 13 décembre 2014, RMS Titanic, 15h40.

Tiphaine et Nicolas se trouvaient dans le Fumoir : elle l’observait en train de dessiner les vitraux, et se demandait vaguement pourquoi le Techie dessinait avec une telle hargne et une telle vitesse, comme s’il avait peur que ses dessins disparaissent. Tournant machinalement la tête, elle eut la surprise de remarquer que Sonia les observait depuis l’un des vitraux situé entre le Fumoir et le Grand Escalier Arrière au Pont A. Pourquoi donc Sonia restait-elle plantée dans ce hall d’escalier détruit au tiers par la chute de la cheminée survenue la veille, au lieu de rentrer avec eux ? Tiphaine s’éloigna de Nicolas sans rien dire et alla rejoindre Sonia dans le hall parcouru par des bourrasques qui s’introduisaient par les fenêtres bâbord fracassées et les murs enfoncés.
- Eh bien, que fais-tu là ?
- On était au Salon de Coiffure… avant qu’Aurélie et Elodie ne décampent en m’abandonnant.
- Ah, c’était bien le Salon de Coi… Quoi ? Je te demande pardon ?
- Oh, oui, il y avait plein de souvenirs, de vaisselle, de pipes, de bijoux, de…
Machinalement, Tiphaine avait regardé sa main en entendant parler de bijoux. Avant de s’exclamer car quelque chose n’allait pas.
- Flûte !
- … sans demander leur reste, je n’ai pas bien compr… Euh, quoi ?
- J’ai laissé ma bague dans le Quartier des Officiers ! Je l’avais enlevée pour ranger la carte dans mon sac car j’avais failli l’abîmer avec en la pliant…
- Oh. Tu veux qu’on y aille ?
- Je n’arrive pas à croire que j’ai pu être aussi distraite par… Guillaume !
- C’est normal d’être distraite par Guillaume, il est plutôt mignon !
- Non ! Enfin, oui ! Enfin, je veux dire, Guillaume est derrière toi !
C’était le cas. Guillaume venait d’entrer dans la coursive située derrière Sonia, celle qui menait vers le Grand Salon. Il semblait être passé par l’Office se trouvant juste en arrière du conduit de la Cheminéen°3, où un escalier descendait jusqu’au Pont E. Pour une raison inexplicable, il semblait content de lui. Il les remarqua, et vint vers elles.
- Vous allez bien ? Que se passe-t-il ?
- Il faut que je retourne au Quartier des Officiers. J’ai oublié ma bague là-bas.
- Oh. Tu veux qu’on y aille ?
- J’en serais ravie. Allons-y ! Je te laisse avec Nicolas, Sonia.
Et ils laissèrent là Sonia, légèrement vexée d’avoir été ignorée avec autant de superbe par Tiphaine lorsqu’elle lui avait proposé mot pour mot la même chose que Guillaume. Fallait croire que le juriste avait des arguments qu’elle n’avait pas…

Tiphaine et Guillaume remontèrent la coursive menant du Grand Escalier Arrière vers le Grand Salon, mais furent surpris d’être arrêté par les double-portes : elles semblaient verrouillées, ce qui suscita l’étonnement du juriste.
- Bah ? Qui a fermé ces portes ?
- Elles ne l’ont jamais été jusqu’ici… Non ?
- C’est exact. Il faudra qu’on demande aux autres. On n’a qu’à passer par l’Office : il y a une porte qui donne sur la promenade tribord. On n’aura qu’à la remonter jusqu’au bout et prendre l’escalier qui donne juste à côté de la Passerelle.
- Je te suis.
Il ouvrit la marche. Juste avant de rentrer dans l’Office, Tiphaine constata que Sonia avait dû rejoindre Nicolas dans le Fumoir, puisqu’elle ne se trouvait plus dans le Grand Escalier Arrière. Elle traversa l’Office, son regard s’attardant sur des théières en porcelaines et quelques casseroles cuivrées, avant de déboucher avec Guillaume sur le pont-promenade. Ils le remontèrent vers l’escalier, tout à l’avant. En chemin, Guillaume eut une expression un peu contrite.
- Tu sais, Tiphaine… Je suis désolé, pour tout à l’heure.
- Oublions ça. J’ai les nerfs un peu à fleur de peau à cause de… tout ça.
Il lui sourit.
- D’accord. Mais pour me faire pardonner, j’aurais un truc à te montrer.
- Avec joie ! C’est quoi ?
- C’est une surprise.
Le temps de prononcer ces quelques phrases, ils avaient atteint l’escalier. Songeuse, Tiphaine le monta en premier. Ils débouchèrent juste à côté de la Passerelle de Navigation, d’où ils accédèrent à la Timonerie. Tiphaine put récupérer très rapidement sa bague dans la Salle des Cartes.
- Ffffiou. J’ai tellement de malchance, parfois, avec mes bagues…
- Bien joué !
- Tu voulais me montrer quoi, du coup ?
- On a qu’à passer par bâbord, dehors. La pluie ne me gêne pas.
- Pareil.
Et ils ressortirent aussi vite qu’ils étaient entrés. Mais à peine avaient-ils fait trois pas qu’une forte bourrasque se fit sentir, suivie d’un craquement inquiétant. Ils se figèrent, le visage tourné l’un vers l’autre.
- C’était quoi, ça, encore ?
Puis, sans prévenir, une bourrasque encore plus forte souffla, et le canot Engelhardt posé sur le toit du Quartier des Officiers fut emporté comme un fétu de paille… pour venir s’écraser sur eux. Tiphaine fut la plus rapide : elle prit Guillaume par la peau du cou et le jeta à terre en même temps qu’elle. Le canot leur passa au ras du crâne, avant de se disloquer complètement contre la rambarde située derrière l’escalier menant au Pont A. Guillaume se releva, puis aida Tiphaine à faire de même. Elle saignait de la lèvre car elle s’était jetée tête la première contre le plancher du pont-promenade. Il la regarda dans le blanc des yeux.
- Tu m’as sauvé la vie.
- Rectification : je nous ai sauvés la vie.
- Il n’empêche que tu es épatante.
Il aurait juré qu’elle avait légèrement rougi. Autour d’eux, le vent et la pluie continuaient à se déchaîner, avec toujours plus d’intensité. Mais ils s’en fichaient. Ils restaient là, à se regarder dans le blanc des yeux…

Samedi 13 décembre 2014, RMS Titanic, 16h00.

Nicolas continuait à dessiner dans son carnet.
- Je trouve vraiment que ce vitrail avec la muse Melpomène est le plus joli de cet ensemble. Qu’en penses-tu ?
Pas de réponse.
- Tiphaine ?
Toujours pas de réponse. Nicolas leva le nez de son carnet, et constata que de Tiphaine, il n’y avait point. Il ne l’avait même pas entendue sortir. Il était seul dans ce Fumoir. Alors qu’il se faisait cette réflexion, son oreille siffla.
- Tiens, on parle de moi…
Mais ensuite, il prit conscience que le sifflement se prolongeait, et s’intensifiait. Ce n’était pas comme ce qu’il pouvait ressentir d’habitude. En s’approchant du vitrail qu’il venait de dessiner, il eut l’impression que le sifflement allait crescendo. Comme si le sifflement venait du vitrail. Celui-ci était maintenant si puisant que le vitrail semblait s’être mis à trembler. Nicolas leva les mains pour se les plaquer contre les oreilles. Au moment où il les leva, le vitrail représentant Melpomène, Muse de la tragédie, vola en éclats. Les tessons colorés lui tailladèrent les mains, les joues, et le front, mais épargnèrent les yeux, heureusement protégés par les mains qu’ils venaient de lever à ce moment-là. Il lâcha son carnet, éclaboussé de sang, et cria de douleur. Derrière lui, une porte claqua. Celle des toilettes, apparemment.
- Oh, non, Nicolas !
C’était Sonia. Il la reconnaissait à sa voix, Actuellement, le sang dégoulinant de son front l’empêchait de la reconnaître de visu.
- Qu’est-ce que tu as fait ?!
- Mais rien ! Le vitrail a pété quand j’étais devant !
- Je… Je vais chercher les autres ! Bouge pas !
Elle sortit en trombe du Fumoir et descendit quatre à quatre les escaliers.
- Je t’attends ici !...
En même temps, il n’avait guère le choix.

Samedi 13 décembre 2014, RMS Titanic, 15h40.

Près du piano du Salon de Réception, Denis et Antoine avaient chacun pris place dans un fauteuil. Devant eux, il y avait deux tasses de café et quelques pâtisseries apportées par Denis, mais il n’y avaient pas touché tant leur conversation les absorbaient.
- Antoine, je SAIS que tu es cartésien, mais tu vois bien que tout ce qui se passe échappe à toute logique. J’ignore ce qu’en pensent les autres, mais je pense que nous allons au-devant de gros ennuis si nous demeurons ici.
- Franchement Denis… Le truc le plus ‘’gros’’ qui nous soit arrivé, c’est un mauvais rêve. Pas de quoi paniquer…
- Tu connais beaucoup de rêves qui te font réveiller paralysé ?!
- Mais si, ça un nom, je ne sais plus lequel…
Soudain, au-dessus d’eux, dans le Grand Escalier au Pont C, ils entendirent distinctement le crissement de freins et le bruit caractéristique d’une voiture s’encastrant dans un obstacle. Ils se regardèrent, mortifiés, puis décollèrent de leurs sièges et filèrent au Pont C via la montée de marches bâbord. Comme toujours, les lumières y étaient éteintes. Là, ils découvrirent une carcasse fumante de voiture, vitres brisées et tôles froissées, à moitié enfoncée dans un amas d’éclats de métal et de bois constituant autrefois les cabines C40 et C42, auxquelles on accédait par le hall du Grand Escalier. La voiture paraissait familière à Antoine comme à Denis. Selon l’angle où on la regardait, la couleur de ce qui restait de la carrosserie changeait à travers la fumée qui se dégageait du moteur. Dans l’habitacle enfumé se découpaient des silhouettes remuant faiblement, sombres, indistinctes. Elles semblaient appeler à l’aide. Leurs voix étaient encore plus familières à Antoine et Denis. Il s’agissait de…
- Antoine ! Denis ! Oh mon Dieu !
Les deux interpelés sursautèrent et se retournèrent vers Aurélie et Elodie, en nage. Elles ne parurent pas s’alarmer le moindre instant de la présence d’une voiture accidentée en ces lieux. Elles commencèrent à parler en même temps, une histoire de peigne tombé, de miroir et de reflet maléfique, quelque chose dans ce goût-là. Pendant qu’Elodie et Aurélie s’égosillaient, Denis se tourna à nouveau vers la carcasse de la voiture… qui n’était plus là. Les cloisons des cabines C40 et C42 étaient intactes. Denis, profondément troublé, alla s’asseoir dans un fauteuil proche sans écouter un traître mot de ce qu’on racontait à Antoine depuis de longues minutes. Ce dernier essayait de calmer Elodie pendant qu’Aurélie avalait de grandes goulées d’air après avoir tenté d’expliquer de manière décousue ce qui s’était passé.
- Voyons, Elodie, tu as dû rêver, ce n’est pas possible que…
- Et ma main dans ta gueule, ça sera un rêve, tu crois ?! Je sais ce que j’ai vu, et Aurélie aussi !
- Et Sonia, elle n’a rien vu ? Elle est où, d’ailleurs ?
- Non, elle…
Elodie se retourna, puis regarda autour d’elle.
- Je… je croyais qu’elle suivait.
Cette constatation ramena Denis à la réalité, même s’il avait toujours l’air sonné.
- Ce qui veut dire que Sonia se retrouve encore seule on ne sait où… Vous auriez pu faire attention…
- Je te signale, Denis, que nous avons vu…
- Oui, oui. On verra ça après. Je… je vais me passer un peu d’eau sur le visage.
Denis alla dans sa cabine, à quelques pas, en laissant la porte entrebâillée. Il entendait à présent Antoine se disputer avec Aurélie, soutenue par Elodie. Une fois qu’il se fut passé de l’eau sur le visage, il se sentit mieux et se regarda dans le miroir. Derrière lui, au centre de la cabine, Vincent le regardait d’un air grave. Denis ne put émettre le moindre son. Il se retourna len-te-ment, et fit, non pas face à Vincent… mais à l’Artémis de Versailles. Il crût d’abord qu’elle était posée sur sa table basse, mais il constata ensuite qu’elle lévitait à quelques centimètres au-dessus du meuble, en tremblant légèrement.
- Vincent ?
Les lumières clignotèrent. Au même instant, on entendit Ouate, toujours enfermée dans la cabine d’Elodie, aboyer, et Denis vit une silhouette passer en trombe dans la coursive, devant sa porte entrebâillée. Il y eut ensuite un bruit mât : l’Artémis venait de retomber sur la table, et s’était couchée dans sa chute.

Est-ce que cette silhouette dans la coursive… ? Mais il eut un démenti l’instant d’après : la dispute entre Antoine et les filles laissait place à des interrogations teintées d’angoisses.
- Tu as dit quoi ?!
- Bon sang, Sonia, tu l’as laissé seul ?!
Denis quitta sa cabine avec précipitation.
- Que se passe-t-il ?
Sonia résuma la situation.
- Antoine, tu accompagnes Sonia au Fumoir. Aurélie et Elodie, vous restez là avec moi.
Antoine demeura interdit.
- Pourquoi on n’y va pas tous ensemble ? En plus, c’est Elodie qui a sur elle le kit de soins pour…
D’un geste brusque, Denis retira les éléments de soin que transportait Elodie dans la poche de sa blouse, avant de les fourrer dans les mains d’Antoine.
- Elles restent là. Allez-y ! Vite, vous attendez quoi ?!
- Ok…
Interloqués, Antoine et Sonia se dirigèrent quatre à quatre vers le Grand Escalier Arrière. Après leur départ, Denis se tourna vers Aurélie et Elodie. Elles semblaient légèrement effrayées.
- Maintenant, vous deux, vous allez m’expliquer tout ce que vous avez entendu, vu, ou senti de bizarre depuis que vous êtes à bord.

Samedi 13 décembre 2014, RMS Titanic, 16h10.

Tiphaine et Guillaume marchaient dans Scotland Road, dans une quasi-obscurité. Ils se trouvaient à quelques pas des escaliers permettant d’accéder à la Salle à Manger de Troisième Classe.
- Je dois admettre, que je ne suis pas extrêmement rassurée… Il fait vraiment noir…
- T’en fais pas, je suis là.
- Je sais que tu es un garçon brillant, Guillaume, mais ça ne suffira pas à éclairer cette coursive !
Il rit de bon cœur, et l’aida à descendre les marches avec précaution, puis alla allumer. Les lumières révélèrent la salle que Tiphaine avait tant attendu de voir.
- Oh, Guillaume, c’est magnifique !
Sur les tables de bois laqué sombre, la porcelaine blanche et rouge était déjà disposée pour le petit-déjeuner. Guillaume prit une tasse disposée dans l’une des soucoupes, la regarda un instant, puis la reposa à côté de la soucoupe, de travers. Aux murs, des séries d’affiche sous verre faisaient la réclame des autres lignes maritimes et navires opérés par la White Star Line. Tiphaine passa un bon moment à les admirer, les unes après les autres. Guillaume était sur ses talons, et profitait des commentaires qu’elle faisait à chacune de ses contemplations d’affiches. Arrivée à l’avant-avant-dernière, elle se retourna vers Guillaume pour lui expliquer pourquoi elle appréciait particulièrement ce navire.
- Le Celtic a eu une histoire assez fascinante. Murdoch y est devenu Premier Officier. Et il a été heurté par une vague scélérate !
- Qui donc ? Le Celtic ou Murdoch ?
Tiphaine rit de bon cœur, se tournant à nouveau vers le support représentant le paquebot à deux cheminées. Mais son rire s’interrompit d’un coup. Dans le reflet de la vitre protégeant l’affiche, elle distinguait quelqu’un à côté de Guillaume. Elle aurait reconnu ces bouclettes entre mille. Vincent. Tiphaine tenta de rester calme, de contrôler sa respiration, et de maintenir le contact visuel avec le reflet de celui qu’elle avait appelé de son vivant son « jumeau d’anniversaire ».
- Vincent ?
- Euh… Non, moi, c’est Guillaume ?
- Pas toi Guillaume… Je parle à… Reste silencieux.
- Mais que…
- Chut ! Vincent ? Est-ce que… tu veux nous dire quelque chose ?
Son cœur battait la chamade. Maintenant, elle pouvait voir que Vincent avait l’air triste. Soudain, les lumières s’éteignirent. Elle ne pouvait plus voir le reflet.
- Merde ! Rallume ! Rallume vite, s’il te plaît !
- Euh… Ok !
Elle sentit Guillaume s’éloigner et faire un peu de bruit près des escaliers. Elle entendit ensuite un froissement à côté d’elle, indiquant sans doute que Guillaume était revenu. Sauf qu’il n’avait pas rallumé les lumières ?
- Qu’est-ce que tu fais ?
Et là, elle sentit une main prendre la sienne. Elle était chaude. Tiphaine leva les yeux au ciel.
- Ce n’est pas le moment, Guillaume…
Mais elle ne dégagea pas sa main pour autant. Soudain, la lumière se ralluma, et Tiphaine… vit Guillaume revenir de près des escaliers ! Elle sentit la main dans la sienne disparaître, tandis qu’elle regardait le juriste, proprement éberluée. C’était impossible… Guillaume avait été trop loin pour que…
- Euh. Est-ce que ça va, Tiphaine ?
- Je… Je…
- Tu ?...
Tiphaine ne put rien articuler d’autre.
- Je vois. Dis, j’y pensais… Si on allait remplir ton sac au Salon de Coiffure ? Il y a plein de souvenirs là-bas.
Tiphaine se contenta d’acquiescer. Elle suivit Guillaume hors de la salle sans mot dire, un peu troublé par ce soudain mutisme. Ils n’éteignirent pas en partant. Sur la table où Guillaume avait pris puis mal reposé une tasse, ladite tasse se mit à léviter doucement avant d’aller se replacer obligeamment dans sa soucoupe, bien droite.

Samedi 13 décembre 2014, RMS Titanic, 17h30.

- Mais enfin, où étiez-vous passés ?!
Tiphaine et Guillaume s’arrêtèrent sur le palier du Grand Escalier, entre le Pont C et le Pont D. Tout le monde sauf eux était réuni près du piano. Le juriste, qui était parvenu à sortir Tiphaine de son mutisme au cours d’une séance de ‘’shopping’’ fort amusante dans le Salon de Coiffure, perdit son sourire en remarquant que Nicolas était couvert de pansements. Tiphaine, elle, avait relégué dans un coin de sa tête ce qu’elle avait vu (cru voir ?) dans la Salle à Manger de Troisième Classe et ses interrogations sur le miroir brisé dans le Salon de Coiffure. Elle  se demandait simplement pourquoi Denis avait posé l’Artémis de Versailles sur la table devant lui.
- Eh bien, Denis, Tiphaine et moi étions allés voir la Salle à Manger de Troisième Classe…
- Quelle riche idée ! Pendant autant de temps ?
- Non, on est aussi allés…
- … dans la cale ?!
Tiphaine prit la parole avec une certaine véhémence.
- Je n’aime pas tes insinuations, Denis ! On est aussi allés au Salon de Coiffure.
- Il n’y avait rien d’anormal ?
- Si. Le miroir était cassé. Quelqu’un sait ce qu’il s’est passé ?
- Longue histoire, Aurélie et Elodie vous expliqueront.
Guillaume remarqua qu’Antoine venait de lever les yeux au ciel.
- Et on est aussi allés à la Timonerie, j’avais oublié une bague là-bas.
- Ah, oui Tiphaine, juste avant que le canot ne manque de nous tuer !
Denis se tourna vers Guillaume. Il était mortifié.
- Quoi ?
- On n’y est pour rien ! C’était le vent !
- Il ne faut plus que vous sortiez.
- Si ça te rassure…
- Montrez-moi où ça s’est passé. Conduisez-moi.
- Mais… Tu viens de nous dire de ne plus…
- Avec moi, vous pouvez. Allez, presto !
Tous deux accompagnèrent donc Denis. En chemin, il leur demanda s’ils avaient remarqué des choses étranges. Tiphaine faillit éclater de rire à sa question. Resté dans le Salon de Réception avec les autres, Antoine avait l’air sombre.
- Denis devient parano.
Aurélie le corrigea avec une certaine froideur.
- Denis est le seul qui s’intéresse à ce que tout le monde remarque ou veut dire.
- Mais non ! C’est à cause de ce bateau immense, désert, et à moitié sombre ! On s’imagine des choses !
Ce fut au tour d’Elodie d’être froide.
- Je suis ravie de constater que mon imagination est aussi prolifique, Antoine.
Nicolas, lui, ne disait rien. Il regardait sombrement son carnet constellé de sang, posé fermé sur la table. Sonia, elle, paraissait s’ennuyer.
- Et si on faisait un jeu ? Vous voulez que j’aille chercher des cartes ?
Antoine fut un peu abrupt.
- Non. Et tu restes ici. Il ne faut plus se séparer. Sinon, vous devenez tous dingues.
Aurélie se leva.
- Si c’est pour être odieux toute la soirée, je préfère aller prendre un bain.
- Non, Aurélie. Il vaut mieux ne pas se séparer.
- Pourquoi ? Tu as peur que je devienne folle ?
Et sur ce, elle s’en alla vers l’étage. Nicolas n’avait rien dit à l’idée qu’elle prenne un bain, ce qui indiquait clairement qu’il n’était pas dans son état normal, vu comme le dernier usage d’une baignoire du Titanic par l’un d’eux avait eu des conséquences cataclysmiques. Néanmoins, il articula quelque chose quand Aurélie posa le pied sur la première marche.
- Aurélie. Il y a une salle de bains juste derrière la cloison en face de l’ascenseur. Antoine sera sans doute plus tranquille si tu prends ton bain au même pont que nous.
Aurélie se retourna vers lui et acquiesça.
- D’accord. Je vais juste chercher mes affaires en haut et je reviens.
Elodie l’accompagna. Elles croisèrent Tiphaine, Guillaume, et Denis qui redescendaient. Ce dernier avait l’air assez sombre. Tous trois retournèrent s’asseoir. Denis ne dit pas un mot jusqu’au retour d’Aurélie et Elodie, une poignée de minutes plus tard.
- Je ne veux pas vous affoler, mais il ne reste plus qu’un canot encore intact, à tribord, sur le Quartier des Officiers. Avec tous ceux partis à la mer hier, et celui détruit par le vent tout à l’heure, forcément…
Pourtant, après cette annonce, tout le monde avait plus l’air proche de l’affolement que de l’allégresse. Même Antoine, qui essaya pourtant de le (se ?) rassurer.
- Pourquoi voudrait-on utiliser un canot ?
- On ne sait jamais.
- Tu connais le but d’un canot. C’est être rapidement recueilli par un autre navire. Or, je doute que… là où nous sommes… il y ait quelqu’un d’autre que nous.
L’éclairage vacilla l’espace d’une seconde. Denis et Tiphaine levèrent le nez en l’air. Imperturbable, Antoine poursuivit sur sa lancée.
- Pour nous venir en aide, j’entends.
L’éclairage vacilla à nouveau pendant une petite seconde. Sonia paraissait inquiète. Antoine enfonça le clou.
- Et de toute façon, avec ce temps dehors, on ne pourrait pas s’en sortir. Voilà qui règle la question.
- Je préférerais quand même que ce canot reste intact. On a vérifié avec Tiphaine et Guillaume, il est bien arrimé. Il ne devrait rien lui arriver d’accidentel, à celui-là.

Aurélie avait toujours sa serviette et un habit quelconque dans les bras.
- Du coup, je me lave où ?
Nicolas reprit la parole.
- C’est juste à côté des toilettes des filles, derrière les ascenseurs. Prends juste l’arche pas loin du piano, première coursive vers la gauche.
Guillaume fut interloqué.
- Ah bon ? C’est des toilettes des filles ?
- Euh, bah, oui. Ce n’est pas grave si tu les as utilisées, hein, il n’y a que nous…
- Ben, ça évite quand même d’aller tout au bout du couloir…
Aurélie se tourna vers lui.
- Si tu y es déjà allé, tu veux bien me montrer ?
- Oui, si tu veux. Je dois y aller, en plus, ça tombe bien.
Il l’accompagna. Une salle de bains se trouvait de part et d’autre de la porte donnant accès aux toilettes. Guillaume lui ouvrit la porte située à gauche.
- Et voilà.
- Merci.
Il referma derrière Aurélie, puis rentra dans les toilettes. Il utilisa une cabine (il n’y avait pas d’urinoirs), puis en ressortit pour se laver les mains. Et resta figé au milieu de la pièce carrelée. Les murs étaient tous recouverts de graffitis rouge sang indiquant « SOS ». Guillaume sentit une sueur froide lui couler dans le dos. Pour couronner le tout, un S rouge commençait à être tracé sur le miroir. Puis un O. Guillaume décampa à toutes jambes sans attendre la troisième lettre, qui serait à coup sûr un autre et ultime S, même si les lettres avaient été tracées assez petites pour qu’on puisse en caser encore trois ou quatre. Tiphaine remarqua l’expression de Guillaume à son retour parmi eux.
- Euh… Est-ce que ça va, Guillaume ?
- Oui.
Il jeta un regard éloquent à Tiphaine puis à Denis, mais n’ajouta rien d’autre. Tiphaine se leva à son tour pour aller aux toilettes. Sonia également. Tiphaine y rentra la première, et utilisa les toilettes normalement sans rien remarquer d’inhabituel. Sonia également. Elle sortit la première de sa cabine pour aller se laver les mains.

Samedi 13 décembre 2014, RMS Titanic, 18h10.

Aurélie était dans la baignoire, qui se remplissait avec régularité. Elle avait fermé les yeux depuis longtemps. La chaleur de l’eau l’apaisait un petit peu. Ses pensées étaient loin… Elle remonta ses mains du fond de la baignoire, dans l’idée d’enduire son visage d’eau chaude. Mais quelque chose était étrange. L’eau… n’avait pas la consistance de l’eau. Elle semblait plus… épaisse. Aurélie ouvrit les yeux. Son hurlement s’entendit d’un bout à l’autre du navire. La baignoire était remplie de sang. C’était du sang qui coulait par le robinet. C’était de sang qu’était recouverte Aurélie. Elle s’éjecta de la baignoire, se retenant de vomir, se passa sa serviette autour du corps en toute hâte, et sortit de la pièce en arrachant littéralement la porte de ses gonds.
- LA BAIGNOIRE EST PLEINE DE SANG !!!!
Elle se précipita ensuite dans le Salon de Réception. Tiphaine sortit des toilettes juste après le passage d’Aurélie et fonça dans la salle de bains, n’y trouvant qu’une baignoire simplement remplie d’eau. Sonia, elle, alla calmer Aurélie, secouée de tremblements extrêmement violents. Denis et Antoine s’étaient levés en même temps pour aller constater la situation dans la salle de bains, mais il n’y avait rien de particulier à déclarer, sinon qu'Aurélie avait démantibulé la porte. Antoine revint vers Aurélie.
- Aurélie, il n’y a rien dans…
La gifle lui retourna la tête, au sens propre comme au sens figuré. Aurélie, les yeux baignés de larmes, avait encore la main levée.
- Je sais. Ce que. J’ai vu. Antoine.
Personne n’osa regarder Antoine ou Aurélie après ça. Elodie alla lui chercher ses habits restés dans la salle de bains, et l’aida à les renfiler dans un coin de la pièce.

L’ambiance était extrêmement tendue. Pour se donner une contenance, Guillaume prit le carnet posé devant Nicolas. Il le feuilleta, détaillant les hiéroglyphes, puis les esquisses des vitraux du Fumoir. Sous celui de la Muse Melpomène, il remarqua une série de mots tracés à l’encre rouge.
- Tu n’écris pas super bien, Nicolas. J’arrive même pas à lire.
Le Techie fronça les sourcils.
- On m’a toujours dit que j’avais une belle écriture. Une fois, après la rencontre à Paris avec Paul-Henri Nargeolet, j’ai écrit une lettre à Vincent et il m’a dit…
À nouveau, la lumière vacilla. Ils demeurèrent dans le noir durant deux ou trois secondes. Quand la lumière revint, Tiphaine et Denis avaient à nouveau le nez en l’air. Sonia aussi : elle s’était même levée pour mieux regarder la lampe au plafond. Tiphaine avait cru entendre le même froissement derrière elle que dans la Salle à Manger de Troisième Classe. Mais en se retournant, elle ne vit rien de particulier. Nicolas reprit, après une minute de silence.
- Bref, j’écris bien.
- Désolé de te contredire, mais c’est vraiment mal écrit. Le premier mot ne veut rien dire… « Auenlion »…
Agacé, Nicolas lui prit le carnet des mains.
- Mais qu’est-ce que tu racontes… Il n’y a que des hiéroglyphes et des dessins dans ce…
Interdit, il venait de remarquer les mots écrits en rouge.
- Où sont les… tâches de sang ? Le carnet en a été imbibé tout à l’heure… Il n’y en a plus que sur la couverture et la page de garde… Ces trucs en rouge, je ne les ai jamais écrits… Voyons… « Aux saisons » Non… « Attention… Koli ? Keli ?... »  C’est vrai que c’est très mal écrit. Mais ce n’est pas de moi.
Denis regarda la page d’un peu loin. Et fit un commentaire sur un ton quasi-météorologique.
- C’est l’écriture de Vincent.
La petite cuillère posée au bord de la tasse de thé de Sonia, comme déséquilibrée, tomba soudain par terre dans un bruit mat. Nicolas releva les yeux de sa tentative de transcription. Même Antoine paraissait un peu mal à l’aise. Sonia avait l’air la plus affectée par cette déclaration un brin macabre. Elle ne ramassa pas sa cuillère.
- Denis… Pourquoi tu dis des choses pareilles ?
- Pour réveiller ceux qui dorment encore !
Il regardait ostensiblement Antoine. Nicolas, lui, avait tenté de reprendre sa traduction.
- « Attention, Kali  passe… non… pose ? pose des… » Non…
Et à nouveau encore, les lumières s’éteignirent. Nicolas sentit qu’on lui arrachait brusquement son carnet des mains.
- Eh ! Mon carnet ! Arrêtez !
- Quoi ?
- On m’a pris mon carnet !
On entendit un bruit de papier déchiré. Les lumières se rallumèrent juste après. Nicolas était debout, tout comme Denis. Le carnet était posé devant lui. Le Techie le regarda d’un drôle d’air. Il contourna la table, et récupéra son carnet, avant de l’ouvrir. La page comportant le croquis du vitrail de Melpomène avait été à moitié arrachée. Le bas manquait.
- Quelqu’un a déchiré… l’indice. Qui a fait ça ?
- Ce n’est pas moi, Nicolas. Je me suis levé car j’ai senti bouger autour de nous.
Elodie fronça les sourcils.
- Je crois que moi aussi, j’ai cru…
Tiphaine se tourna vers Antoine d’un air sarcastique. Pour une fois, il ne trouvait rien à dire. Ou peut-être était-ce simplement le souvenir de la gifle qui était encore trop présent.
- On a voulu m’empêcher de savoir quelque chose d’important ! La phrase était si mal écrite que je ne me souviens même pas de ce qu’il y avait après… Est-ce que c'est l'un de v...
On entendit comme une galopade à l’étage du dessus. Puis des aboiements. Tout le monde tourna vers le palier du Grand Escalier, d’où descendait Ouate par bâbord, libérée on ne savait comment de la cabine d’Elodie. Celle-ci se leva pour l’attraper comme au rugby avant qu’elle ne fonde sur l’assemblée. Elle était déchaînée. Elle tenta même de mordre Elodie pour échapper à son étreinte.
- Mais qu’est-ce qu’il a, ce chien ?! Tu retournes dans la cabine !
D’un pas pesant, Elodie remonta Ouate. Sonia semblait attristée.
- C’est dommage. Je l’aime bien, cette chienne. Qu’est-ce qu’elle a ?...
Guillaume se risqua à une hypothèse.
- Peut-être qu’elle devient aussi zinzin que nous.
Denis approuva.
- Oui, ce doit être ça. Je crois qu’on devrait tous aller se coucher. J’ai l’impression que demain sera une journée chargée…
Cette fois, Antoine fit un commentaire.
- On finit par tourner en rond sur ce bateau, on a déjà tout fait.
Denis se fendit d’une réponse énigmatique avant de monter.
- Oh, ça, c’est ce que tu crois…
Nicolas furetait autour de la table et des sièges pour voir si le bout de papier manquant n’était pas tombé par terre. Sans succès. Il n’avait pas l’air content du tout. Tiphaine se leva.
- Denis ?
Il s’arrêta et se retourna vers elle.
- Oui ?
- Pourquoi tu as mis l’Artémis ici ?
- J’aurais aimé que tu la mettes dans ton sac, s’il te plaît.
- D’accord.
Sans ajouter un mot, il reprit sa route vers sa cabine. Les autres suivirent d’un même mouvement, Tiphaine fermant la marche après avoir rangé la statue.

Si l’on se coucha tôt, cette nuit, sur le Titanic, on s’endormit en revanche bien plus tard. Denis et Sonia furent les premiers à éteindre leurs lumières. Nicolas, furieux, suivit peu après. Aurélie quitta sa cabine pour aller dans celle d’Elodie, et n’en revint qu’une heure plus tard. La lumière restant encore longuement allumée dans la cabine qu’elle partageait avec Antoine. Quand Elodie éteignit la sienne, Guillaume se faufila hors de sa cabine (à lui) et toqua chez Tiphaine juste à côté. Elle l’autorisa à entrer, surprise.
- Qu’est-ce qu’il y a ?
- Est-ce que je peux dormir sur ton canapé ?
- … Tu as des choses à me dire, Guillaume ?
- Oh, euh, oui…
- Des choses à propos de notre traversée à tous sur ce navire, je veux dire. Tu as… revu quelque chose ? Dans les toilettes ?
- Ah. Euh, oui, aussi.
- D’accord. Sois la bienvenue, je suis toute ouïe.
C’est dans la cabine de Tiphaine que la lumière s’éteignit en dernier. Il était plus de minuit. Et pourtant, personne ne s’était encore endormi, lumière éteinte tôt ou non. Tout le monde était tracassé, tout le monde avait l’esprit d’ailleurs. Et on entendit à nouveau une porte s’ouvrir. Cette nuit-là, l’obscurité elle-même semblait plus épaisse, plus prégnante. Il n’était pas possible de reconnaître la personne qui venait de quitter sa cabine. Elle descendit le Grand Escalier par la volée de marche bâbord. Lorsqu’elle en remonta un quart d’heure plus tard, quelque chose semblait brillait dans sa silhouette. C’était l’éclat sinistre de la lame d’une hache, particulièrement affûtée.
Canard-jaune
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[Nouvelle d'Halloween] Les Limbes de Kali - Page 5 Empty Re: [Nouvelle d'Halloween] Les Limbes de Kali

Message  Historiapassionata Sam 5 Jan 2019 - 16:55

Merci beaucoup pour ce chapitre Vincent , ça devient flippant 😂
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