La Mary Celeste, et autres navires fantômes

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Message  Tiphaine Ven 8 Juin 2012 - 18:50

Je ne sais pas si vous avez déjà entendu parler de ces bateaux fantômes, découverts tout au long de l'Histoire dérivant sur les mers et océans sans équipage ? inter
Je trouve le sujet tout à fait passionnant, et je m'en inspire d'ailleurs pour une partie de mon projet de roman. Je serais donc curieuse de connaître vos avis à ce propos.

Il y a 3 ou 4 ans (la mémoire me fait défaut) Thalassa avait diffusé un reportage sur ces histoires étranges suite à la découverte d'un catamaran dérivant vide dans les eaux des îles du Sud. Le bateau appartenait à des touristes venu passer des vacances au soleil, et ils avaient été vu quelques jours plus tôt en parfaite santé. Rien à bord n'indiquait quoique ce soit pouvant faire penser à un crime ou à un accident, la radio fonctionnait...Et la famille ? Volatilisée.

La plus célèbre de ces histoires est sans nul doute celle de la Mary Celeste, mais pour cela il faut monter dans la DeLoreane et repartir en 1872.


Le 5 décembre de cette année-là, le cargo anglais Dei Gratia repère une goélette qui dérive dans l’Atlantique Nord à mi-chemin entre les Açores et le Portugal. Le voilier zigzague curieusement et presque toutes ses voiles sont carguées (pliées et attachées). Le capitaine du cargo, David Moorehouse, s’aperçoit alors avec stupeur qu’il s’agit de la Mary Celeste. Navire sur lequel il a dîné un mois plus tôt, en compagnie du capitaine, Benjamin Spooner Briggs.
Quelques jours après ce dîné, la Mary Celeste appareillait pour Gênes avec une cargaison de 1 700 tonneaux d’alcool pur. A bord, en plus des sept hommes d’équipage, se trouvaient la femme du capitaine et leur fille, Sophia, âgée de deux ans.

Le bâtiment ne répondant à aucun signal, Morehouse décide de monter à bord avec trois hommes, mais la Mary Celeste se révèle déserte et sans canot de sauvetage. Morehouse et ses hommes commencent l'inspection, ils notent que deux des écoutilles se sont rompues et que les six fenêtres des logements arrière sont condamnées par de la toile et des planches. Pas grand chose à signaler dans la cale, si ce n'est qu'elle est envahie par un peu moins d'un mètre d'eau et qu'un tonneau d’alcool a été éventré. Le reste de la cargaison n'a pas bougé et il y a des vivres pour six mois. Dans le carré des matelots tout est en ordre et il y a encore les vêtements pour le mauvais temps. Morehouse s’étonne en revanche du désordre indescriptible qui règne dans la cabine du capitaine. Le compas et quelques instruments de navigation sont cassés, d'autres ont disparu. Quant au journal de bord, la dernière mention qui s'y trouve date du 25 novembre. Apparemment, le navire dérive depuis près de deux semaines et a parcouru environ 500 milles.

La Mary Celeste, et autres navires fantômes Mary_001
La Mary Celeste en dérive.

Le Dei Gratia remorque le navire jusqu'à Gibraltar, et malgré le manque de preuves, l'enquête conclue à un acte de mutinerie. Les hommes d'équipage auraient tués le capitaine Briggs et sa famille, avant de s'enfuirent à bord des canots. Les juges se basent pour cela sur le fait qu'une épée tâchée a été découverte sous une couchette, ainsi qu'au bazard qui règne dans la cabine de Briggs. Cependant après analyse, il s'est avéré que ce qu'il croyaient être du sang sur l'épée n'était en réalité que de la rouille. De nombreuses personnes réfutèrent de toute façon l'hypothèse de la mutinerie, car selon eux le capitaine était bien apprécié de son équipage et aucun de ses hommes n'étaient déjà venu se plaindre d'abus d'autorité. Quand bien même il y aurait eu mutinerie, pourquoi les mutins auraient-ils laissés toutes leurs affaires derrières eux en partant ?

Il semble y avoir plusieurs éléments qui laisse penser que la Mary Celeste avait affronté une tempête. Cependant, Briggs aurait-il réellement ordonné l’abandon du navire alors que celui-ci ne semblait pas avoir été sur le point de couler, et se risquer dans les minuscules canots en pleine tempête ? Sans compter que les vêtements de mauvais temps des matelots, plutôt conseillés pour de telles circonstances, n'avaient pas bougés des cabines...

La Mary Celeste, et autres navires fantômes 5951569
La Mary Celeste à Gibraltar.

Aucune réponse satisfaisante n'est trouvée, et l'on s'empresse de vendre la Mary Celeste pour clôre cette sale affaire. Pendant plus de dix ans la goélette change plusieurs fois de propriétaires car évidement personne ne veut prendre le risque de naviguer à son bord. Jusqu'à ce qu'en 1885, son capitaine du moment, Gildman Parker, la dirige volontairement sur des récifs. Dégâts irréparables, perte totale = Fraude à l'assurance.

Ironiquement, dix ans plus tôt, ce même Parker avait accusé Briggs d'avoir disparu de son navire pour une fraude à l'assurance.


De la famille Briggs il n'est resté que le petit Arthur, 7 ans au moment des faits. L'enfant n'était pas à bord de la Mary Celeste car ses parents avaient décidés de le confier à un oncle afin qu'il puisse continuer ses études pendant leur absence. Arthur a grandit (son tuteur était le seul membre de la famille à ne pas être marin) et il est mort en 1931.

La Mary Celeste, et autres navires fantômes Davidreed
Le capitaine Morehouse.

La Mary Celeste, et autres navires fantômes Albert_Richardson_first_mate_Mary_Celeste
Albert Richardson, premier officier de la Mary Celeste.

La Mary Celeste, et autres navires fantômes Mary_002 La Mary Celeste, et autres navires fantômes Sarah_Briggs_wife_of_BenjaminLa Mary Celeste, et autres navires fantômes Sophia_Briggs_daughter_of_Benjamin
Le capitaine Benjamin Briggs, sa femme Sarah, et leur fille Sophia.

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Arthur Briggs.
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Message  Invité Ven 8 Juin 2012 - 20:55

La Mary Céleste est, sans doute, le "bateau fantôme" réel le plus connu (hormis le "Hollandais Volant" qui reste, à priori, une légende). Les grands mystères de notre monde, tant passés que modernes m’intéressant, je connaissais son histoire. Et il y a tant d'autres encore de ce genre qui auront nourri l'imaginaire des romancier et même le monde de l'opéra (on se souvient de Wagner et de son "Fliegender Holländer").

La thèse du surnaturel est souvent évoqué dans ces mystérieux cas, tant l'homme aime s'y raccrocher lorsqu'il n'arrive pas trouver d'explications rationnelles à un fait. En un sens cela le conforte dans son idée qu'il existerait une entité supérieure à lui, toute puissante et qu'il appelle... Dieu.

Une histoire de vaisseau fantôme nous est arrivée plus récemment et dont vous avez sans doute entendu parlé voilà deux mois.
Le terrible tsunami japonais de mars 2011 à arraché aux terres et aux ports quantités d'objets plus ou moins énormes pour les offrir à la mer. C'est pendant un an que, dans l'océan Pacifique, un bateau de pêche japonais avait erré jusqu'à s'approcher dangereusement des couloir maritimes de l'état d'Alaska en avril dernier. Dépourvu de toute lumière, il s'avérait être un véritable danger pour la navigation et c'est, début avril 2012, que les gardes-côtes américains l'ont envoyé par le fond, rejoindre les légendes maritimes. Depuis qu'il a été découvert, le surnom de "bateau fantôme" lui fut immédiatement attribué bien qu'il n'y ai aucun mystère quand à sa provenance quoi que... traverser la plus grand étendue d'eau au monde dans sa longueur pour presque s'échouer sur les côtes amériaines, ça tient presque du mythe.

Pour revenir aux photos de Tiphaine, je ne peux que me dire en les regardant que: "bon sang qu'est-ce que les portraits de ces hommes foutent la frousse !".

A.T

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Message  Antoine Ven 8 Juin 2012 - 21:18

Sacré histoire, en effet !

Ce qui est terrible, c'est de ce dire qu'il y a certainement une raison très logique à tout cela... et qu'on ne la connaîtra jamais.
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Message  Mlle_Rose Jeu 28 Mar 2013 - 21:34

J'adore toutes ces légendes circulant au sujet des vaisseaux fantômes. L'imagination, dans ces cas-là, travaille à plein régime.
Le cas du Mary Céleste est vraiment curieux et presque effrayant. Qu'est-il advenu de toute cette famille et de l'équipage? On ne peut émettre que des hypothèses mais il est vrai que l'histoire est extraordinaire.
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Message  tim498 Sam 30 Mar 2013 - 18:41

LittleTony87 a écrit:Sacré histoire, en effet !

Ce qui est terrible, c'est de ce dire qu'il y a certainement une raison très logique à tout cela... et qu'on ne la connaîtra jamais.

Mais souvent, les raisons sont tellement simple, que personne n'y pense.


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Message  yarra Sam 30 Mar 2013 - 19:47

tim498 a écrit:
LittleTony87 a écrit:Sacré histoire, en effet !

Ce qui est terrible, c'est de ce dire qu'il y a certainement une raison très logique à tout cela... et qu'on ne la connaîtra jamais.

Mais souvent, les raisons sont tellement simple, que personne n'y pense.


J'ai toujours entendu dire , ( ou lu ? ) que la raison , était un début d'incendie dans la cale , ou était entreposé un produit très inflammable , ( alcool ? ) et que craignant une explosion ils auraient quitté le navire précipitamment et aurait mis une bonne distance entre le canot et le navire . Mais ils n'avaient pas affalé les voiles et que donc le navire aurait continué sa route , sans qu'il ne leur soit possible de le rejoindre . Pour le désordre dans la cabine du capitaine , ce serait du au mauvais temps qu' il a essuyé sans son équipage , mauvais temps que le canot avec l'équipage à aussi rencontré et qui leur a été fatal .
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Message  Tiphaine Sam 30 Mar 2013 - 19:50

Je ne connaissais pas cette hypothèse, elle me paraît assez intéressante et plausible.
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Message  Mathusalem Dim 31 Mar 2013 - 10:20

J'avais autrefois commis un article sur la Mary Celeste pour la revue Bateau modèle. Le voici in extenso :

Les mystères de la Mary Celeste

Ce fut sans aucun doute, le plus grand mystère maritime de tous les temps. Pensez ! Un navire retrouvé en plein Atlantique avec pour tout équipage, un chat noir ! Un chat noir qui malheureusement ne parle pas. Un chat noir qui ne peut expliquer pourquoi l'équipage a quitté le navire. Un chat noir qui ne peut dire pourquoi dans la cuisine, le repas est encore chaud.
L'histoire commence à être connue du public un peu avant Noël 1872 grâce à un article publié dans le "Liverpool Albion". Selon ses propres dires, l'auteur de cet article a tiré ses sources des déclarations faites par les autorités espagnoles. Il a visiblement beaucoup "brodé" autour, car son "papier" fourmille d'erreurs. C'est pourtant sur ces bases dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles sont fort peu fiables, que l'affaire va se développer. En quelques mois, la presse va construire autour de la Mary Celeste, une série de mystères parfaitement artificiels qui feront entrer le voilier dans la légende. Alors, vrai navire fantôme la Mary Celeste ou simples affabulations de journalistes en mal d'inspiration ? C'est ce que nous allons tenter aujourd'hui de déterminer.

Le rapport du capitaine Moorhouse
Le 4 décembre au matin, un trois-mâts barque de 476 tonnes taille péniblement sa route dans la longue houle de l'océan Atlantique. Ce navire se nomme Dei Gratia. Il bat pavillon britannique et il se rend à Gibraltar pour y livrer une cargaison d'huile de baleine, de pétrole et d'alcool. A 10 heures du matin, une voile est aperçue par 37° de latitude nord et 18° de longitude ouest. Cette position situe le Dei Gratia à 400 milles environ à l'ouest de Lisbonne, soit un peu au large des Açores.
S'étant légèrement rapproché du navire inconnu, Moorhouse, le capitaine du Dei Gratia constate qu'il s'agit d'un brick d'environ 300 tonnes, naviguant tribord amures en suivant une "route oscillante". En l'observant à la jumelle, Moorhouse constate : "qu'il n'y a personne à la barre, en vigie, ni d'une manière générale sur le pont". Pour en avoir le cœur net, Moorhouse fait alors mettre le cap sur le brick mystérieux. Le vent soufflant grand frais, le Dei Gratia ne le rejoindra pas avant le lendemain 5 décembre à 15 heures. S'étant suffisamment rapproché, Moorhouse demande alors par porte-voix : "Avez-vous besoin de secours ?" Pas de réponse et toujours aucun signe de vie à bord. A ce moment, un vapeur est aperçu, mais il est trop loin pour que l'on puisse le contacter. On ne peut non plus lire son nom. Tout ce qu'on peut voir, c'est le pavillon allemand qui flotte à sa poupe. Une demi-heure plus tard, le cargo ayant disparu derrière l'horizon, Moorhouse décide d'envoyer son canot à bord du brick. L'équipe de sauvetage se compose du premier lieutenant et de deux hommes.
Plus tard, l'officier racontera qu'en arrivant à proximité, il a pu lire sur le tableau de poupe : "Mary Celeste - New York". Monté à bord avec ses hommes en utilisant un filin qui pendait, le lieutenant découvre un navire complètement abandonné. Dans le carré, la table est mise, mais la nourriture est à peine entamée, comme si les convives étaient partis précipitamment. La cuisine réserve une autre surprise. Sur le fourneau encore chaud, une casserole contient un poulet cuit à point. Le fameux chat noir dort tranquillement sur le haut d'une armoire. Il est le seul à savoir ce qui s'est réellement passé à bord de la Mary Celeste.
Faute de pouvoir faire parler le chat, le lieutenant en est réduit aux suppositions. Son avis est que l'équipage a été décimé par une maladie foudroyante et qu'au moment de mourir, les hommes se sont jetés à la mer pour mettre un terme à leurs souffrances. Le journal de bord n'apporte aucune autre précision. Comme il se termine le 24 novembre, Moorhouse et son lieutenant en déduisent que la Mary Celeste a été abandonnée dix jours plus tôt. Ils ne peuvent toutefois expliquer pourquoi le fourneau de la cuisine était encore chaud.
Considérant que le sauvetage du brick et de sa cargaison est une affaire très profitable, Moorhouse envoie son second lieutenant avec quelques hommes pour conduire le navire à Gibraltar. La Mary Celeste y arrive le 13 décembre au matin, douze heures après le Dei Gratia. Les journalistes ne manqueront pas alors de noter que le 13 décembre tombe un vendredi. Ils utiliseront largement cette coïncidence pour renforcer l'effet dramatique de leurs articles.
Le lundi, Moorhouse remet son rapport aux autorités et le vendredi suivant, il dépose une demande d'indemnité de sauvetage. Normalement, l'affaire devrait relever de la routine, mais le témoignage du premier lieutenant contient plusieurs incohérences qui amènent M. Solly-Flood, procureur général à Gibraltar, à ordonner un complément d'enquête.
Une visite approfondie de la Mary Celeste est alors effectuée par une équipe d'enquêteurs britanniques dirigée par M. John Austin, Inspecteur en Chef de la navigation. Elle révèle qu'à l'avant, la lisse de tribord a été profondément entaillée par un instrument tranchant. Austin y discerne des taches qu'il pense être des taches de sang. A partir de là, l'affaire prend une nouvelle dimension, car si comme le suggère la commission d'enquête britannique, il y a eu meurtre, les victimes sont des Américains. D'où l'intervention du consul des Etats-Unis qui demande à son tour, une inspection de la Mary Celeste par son représentant personnel, le capitaine de vaisseau Shufeldt, commandant de la frégate USS Plymouth. Ce dernier va faire une nouvelle découverte. Il s'agit d'une épée dont la lame mal essuyée porte encore des traces de sang. Shufeldt ne pense pas cependant qu'il y a eu meurtre ou mutinerie, car il n'a observé aucune autre trace de violence. Il estime que la Mary Celeste a été abandonnée dans un moment de panique et que : "l'on aura quelque jour des nouvelles du capitaine et de l'équipage, à moins qu'ils n'aient péri avec le navire pour lequel ils ont abandonné le leur".
Ces conclusions étant en complète contradictions avec celles de la commission Austin, le procureur Solly-Flood décide alors qu'il est urgent d'attendre. La demande d'indemnité formulée par le capitaine Moorhouse va donc rejoindre la pile des dossiers à traiter, mais faute d'éléments nouveaux, l'affaire sera quand même jugée le 26 mars 1873. Moorhouse obtient une récompense de 1 100 livres sterling pour le sauvetage du navire et 7 400 livres pour sa cargaison composée de 550 barils d'huile de baleine, 350 barils de pétrole et 48 barils d'alcool commercial. Curieusement, le tribunal a déduit de cette somme, une partie des frais d'enquête. Moorhouse est d'autant plus furieux que sa récompense ne représente que 20 % du prix de la Mary Celeste et de sa cargaison. Il devrait pourtant s'estimer heureux de s'en sortir à si bon compte, car l'histoire qu'il vient de raconter aux autorités britanniques n'a strictement aucun rapport avec la réalité.

New York - septembre 1872
En ces dernières années du XIXe siècle, les navires à vapeur ont progressivement chassé les voiliers des lignes régulières. Ces derniers pratiquent alors le tramping, activité qui consiste à rechercher de port en port, une cargaison quelconque à embarquer. Incontestablement, le brick qui à l'été 1872, entre à Philadelphie fait partie de ces navires pour lesquels, tout fret est bon à prendre. Il présente par ailleurs, l'étrange particularité de porter deux noms : Mary Céleste à l'avant et Mary Sellars à l'arrière. Sommé par les autorités de rectifier l'erreur, le capitaine fait alors enregistrer son navire sous le nom de Mary Celeste, le premier "e" ayant perdu son accent au cours de l'opération.
N'ayant trouvé aucun fret à charger, la Mary Celeste s'est rendue sur lest à New York. Benjamin Brigg son capitaine, y congédie aussitôt l'équipage en promettant aux marins de les réengager un peu avant l'appareillage. Le procédé a fait tâche d'huile. Il se nomme aujourd'hui "flexibilité" ou "travail à temps partiel". A l'époque, on ne songeait pas encore à le baptiser "plan social !"
Un trois-mâts barque britannique est mouillé à proximité de la Mary Celeste. Il s'agit du Dei Gratia qui lui aussi, attend un chargement. La Mary Celeste a eu plus de chance puisque vers le milieu du mois d'octobre, son agent maritime lui a trouvé une cargaison pour Gênes. Le problème est que ce fret excède de loin les capacités du brick. Brigg qui apparemment est en très bons termes avec Moorhouse lui propose alors de prendre tout ce qu'il ne pourra lui-même embarquer. Les tarifs sont certes, très inférieurs à ceux qui se pratiquent habituellement, mais ils restent suffisamment rémunérateurs pour payer le voyage.
L'affaire étant réglée de ce côté, Brigg se dit qu'il est temps de réembaucher son équipage. Les marins pourront ainsi charger eux-mêmes le fret, ce qui évitera d'avoir à payer les dockers. Malheureusement pour lui, son ancien équipage a déjà retrouvé du travail. Officiers et matelots ont embarqué sur un autre bateau. Ils ont bénéficié d'une solde plus élevée, payable chaque semaine et non pas comme c'est l'usage, avec plusieurs mois de retard. Du coup, Brigg se retrouve sans équipage. Il a bien placé un panneau indiquant qu'il embauchait, mais comme les salaires qu'il peut offrir n'ont rien de mirobolant, les candidats potentiels ne se pressent guère. Comme quoi, la flexibilité c'est bien joli (enfin, si l'on peut dire !), mais uniquement lorsqu'il existe un fort taux de chômage. En période de plein emploi, le système trouve vite ses limites.
Faute de pouvoir trouver lui-même, les marins nécessaires et l'ANPE de l'époque n'ayant rien à lui offrir, Brigg s'adresse alors à un nommé Finlay qui exerce la profession inavouable de "chasseur de têtes". Finlay va trouver un lieutenant, un maître d'équipage et deux marins non qualifiés. Trois marins supplémentaires ont été fournis par Moorhouse. Seul à ne pas avoir été licencié, le cuisinier provient de l'ancien équipage. Au total, dix personnes, y compris l'épouse du capitaine, ont pris place à bord de la Mary Celeste. Plus tard, des journalistes en mal de sensationnel, indiqueront que Mme Brigg avait pris son bébé avec elle. S'ils avaient un peu mieux effectué leur travail, ils auraient découvert que le bébé en question n'était pas un nourrisson, mais un petit piano, un "piano bébé" appartenant à Mme Brigg. Le chat est en revanche bien réel. Le lieutenant du Dei Gratia a dit qu'il était noir, ce qui est un peu surprenant, car il est bien connu qu'un chat noir porte malheur. Peut-être le lieutenant du Dei Gratia a-t-il voulu renforcer le caractère surnaturel de sa découverte en le décrivant ainsi ?

De la légende à la réalité

La Mary Celeste appareille le 7 novembre 1872. Deux jours plus tard, elle affronte une violente tempête qui durera six jours. Seul incident notable : le piano "bébé" casse ses amarres. Hullock le second, le remet lui-même en place en frappant de nouvelles amarres. Le 16 novembre, les éléments s'étant apaisés, le brick reprend sa route, poussé par des vents favorables.
Dans les jours qui suivent, Brigg découvre que les hommes recrutés par Finlay ne sont pas réellement du premier choix et pour maintenir un semblant de discipline, le capitaine devra se montrer particulièrement brutal. D'où une tension permanente avec le second, tension qui ne cessera de croître au cours du voyage.
Le 24 novembre, la Mary Celeste est à une centaine de milles des Açores lorsque brusquement, un grain violent s'abat sur elle. Une vague énorme balaie son pont et la couche sur tribord, manquant la faire chavirer. Puis, aussi soudainement qu'il était apparu, le grain cède la place au beau temps. Les hommes se regardent éberlués, conscients d'être passés à un cheveu de la catastrophe.
Dans la cabine, le piano "bébé" a de nouveau cassé ses amarres et livré à lui même, il a écrasé la pauvre Mme Brigg. Portée inconsciente sur sa couchette, l'épouse du capitaine décède le 25 à 4 heures du matin. Brigg est très affecté par cette tragédie, au point d'en perdre complètement la raison. Persuadé que Hullock a délibérément voulu assassiner son épouse en la faisant écraser par le piano, il refuse que le corps soit immergé. Le second décide cependant de faire procéder à la cérémonie. Deux hommes ont été chargés de maintenir de force leur capitaine.
Le lendemain, Brigg déclare que le responsable de l'accident n'est plus Hullock, mais Peter Sanson, l'homme qui tenait la barre au moment de l'accident. Il ordonne que l'on s'en saisisse sur-le-champ et qu'on le mette à mort. Les matelots restent éberlués, cependant que Hullock conduit Brigg dans sa cabine pour tenter de le raisonner. Une heure plus tard, le capitaine ayant de nouveau fait rassembler l'équipage annonce que le responsable de la tragédie n'est autre que le piano "bébé". En conséquence, l'instrument est condamné à être immergé. Cette fois, les hommes ne se font pas prier et après une brève cérémonie présidée par Hullock, le piano passe par dessus bord. Personne n'a remarqué que Brigg n'a pas regagné sa cabine.
Au matin, le capitaine a disparu. On fouille le bateau pour le retrouver. En vain : Brigg reste introuvable. De toute évidence, il s'est jeté à la mer dans un accès de folie.
Le 28 novembre au soir, une terre est en vue. Les hommes pensent qu'il s'agit de l'île Saint-Michel. En réalité, la Mary Celeste est proche de Santa-Maria, à environ 100 milles de Saint-Michel.
Plusieurs canots indigènes se sont détachés du rivage. Leurs occupants viennent proposer des fruits frais et des objets souvenirs. Pendant qu'ils font route vers la Mary Celeste, Hullock rassemble les hommes et leur tient un bref discours. Si, dit-il, les autorités ont vent de ce qui s'est passé à bord du brick, l'équipage pourrait bien se retrouver accusé de meurtre et de mutinerie. Mieux vaut donc débarquer en utilisant les embarcations locales et se fondre dans la nature sans rien raconter à personne. Seuls restent à bord les trois marins du Dei Gratia et Pemberton le cuisinier qui apparemment, n'a pas été convaincu par le discours du second. Les autres ont tous déserté et sans rien dire à personne, Hullock s'est octroyé une indemnité royale en... emportant la caisse !
Le 1er décembre à l'aube, la Mary Celeste quitte son mouillage. Elle s'en va rejoindre le Dei Gratia avec lequel, elle avait visiblement pris rendez-vous au départ de New York. Comme il a été dit, les deux navires se rejoignent le 4 décembre en plein Atlantique, par 37° de latitude nord et 18° de longitude ouest.
La suite, c'est le transfert discret des quatre marins à bord du Dei Gratia. Les noms des trois premiers figurent toujours sur le rôle d'équipage et au prix d'une petite falsification, on y ajoutera celui de Pemberton.

Mystère ou mystification ?
Ainsi, le mystère de la Mary Celeste n'est il rien d'autre qu'une fort banale escroquerie. Une escroquerie qui serait probablement passée inaperçue si Moorhouse n'avait éprouvé le besoin "d'en rajouter". A l'époque, il n'était pas rare de rencontrer un navire abandonné, généralement parce qu'à l'issue d'un quelconque accident, son équipage avait jugé que le bateau était sur le point de couler. Dans ce cas, l'usage voulait qu'on envoie une équipe de prise afin de le conduire au port le plus proche. Si Moorhouse s'en était tenu là, s'il s'était contenté de déclarer qu'il avait retrouvé un brick abandonné, il eut probablement perçu l'intégralité de la prime de sauvetage et l'affaire n'aurait certainement jamais connu de tels développements.
Mais Moorhouse n'a pu s'empêcher d'enjoliver son récit. Repris par une presse avide de sensationnel, le "mystère de la Mary Celeste" allait bientôt faire le tour du monde en s'enrichissant de détails supplémentaires. Moorhouse lui-même publiera un roman qui lui rapportera une petite fortune.
Pourtant, son récit a été passé au crible par des autorités en principe peu crédules. Alors comment Moorhouse a-t-il réussi à mystifier tout son monde ? Tout simplement parce qu'il a bénéficié d'une chance incroyable. On se souvient en effet que l'enquête britannique a été suivie d'une contre-enquête effectuée par les autorités américaines. D'un côté comme de l'autre, les experts désignés étaient des professionnels compétents qui n'ont certainement pas manqué de relever les nombreuses incohérences du récit de Moorhouse. Mais la mésentente entre les deux commissions était telle que les rivalités personnelles ont rapidement pris le pas sur la recherche de la vérité. D'où les conclusions contradictoires qui ont finalement permis au capitaine du Dei Gratia de quitter Gibraltar la tête haute. Ces rivalités ont été la chance de Moorhouse. Sans elles, il aurait très probablement été accusé d'escroquerie et condamné à une lourde peine. Au lieu de cela, il a perçu une indemnité de sauvetage certes inférieure à ce qu'il espérait, mais qui consacre la réussite de ses manœuvres frauduleuses.
Sur les dix personnes embarquées à New York, deux sont mortes, quatre ont débarqué aux Açores et quatre autres ont été recueillies par le Dei Gratia. Par la suite, plusieurs survivants ont raconté la véritable histoire, mais l'affaire avait déjà pris une telle dimension que tout le monde a préféré croire à la légende. La fiction a ainsi pris la place de la réalité, au point qu'aujourd'hui encore, la Mary Celeste reste le plus célèbre des navires fantômes. Tout cela à cause d'un chat dont on ne peut dire avec certitude qu'il était bien noir. Car c'est surtout ce détail qui a fait entrer la Mary Celeste dans la légende. Une légende qui a résisté à tous les démentis et qui incontestablement représente le seul vrai mystère de la Mary Celeste.

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Message  yarra Dim 31 Mar 2013 - 12:06

Une simple affaire de baraterie alors , c'est moins glorieux que la légende .
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Message  yarra Dim 31 Mar 2013 - 12:14

Une chose encore , le chat , s'il était enregistré sur le role d'équipage , le navire n'était pas considérait comme abandonné et donc le navire appartenait toujours à l'armateur . Légende ou réalité ? Je sais que beaucoup de mascottes de bord étaient sur le role des navires que j'ai fait .
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Message  Mathusalem Dim 31 Mar 2013 - 12:58

Je ne savais pas qu'un animal pouvait être inscrit sur le rôle d'équipage, mais dans ce cas, je suppose que cette inscription n'est que symbolique. Suffit-elle à prouver que le navire n'était pas abandonné ? J'en doute un peu, mais je suis loin d'être un expert en droit maritime. Qu'en pensent les juristes du forum ? inter

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Message  yarra Dim 31 Mar 2013 - 19:59

Savez vous que si vous trouvé un navire abandonné et que vous le ramené dans un port , il vous appartient , si l'armateur voulait le récupèrer il devrait vous le payer , sur sa valeur du moment .
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Message  Tiphaine Dim 31 Mar 2013 - 20:12

Merci pour cet article, Gérard, j'ai vraiment eu plaisir à le lire !

Comme vraisemblablement il n'y avait donc pas de bébé à bord, qu'en est-il de la petite fille dont j'ai posté la photo plus haut ? Sophia Briggs serait-elle morte préalablement, avant que sa mère n'embarque sur la Mary Celeste ?

Je lis également, dans l'article Wikipédia, que le piano de Mme Briggs fait aussi partit de la légende et n'a jamais été à bord. Tout comme la Mary Celeste et le Dei Gratia n'auraient en réalité jamais été mouillés l'un près de l'autre, et qu'aucune preuve n'existe sur le fait que Moorhouse et Briggs se connaissaient.

inter

J'ai bien l'impression que même si l'on peut se rapprocher de la vérité, on ne l'aura jamais complètement.


Papy 75 a écrit:Je ne savais pas qu'un animal pouvait être inscrit sur le rôle d'équipage, mais dans ce cas, je suppose que cette inscription n'est que symbolique. Suffit-elle à prouver que le navire n'était pas abandonné ? J'en doute un peu, mais je suis loin d'être un expert en droit maritime. Qu'en pensent les juristes du forum ? inter

Même question que Gérard.
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Message  yarra Lun 1 Avr 2013 - 13:40

Le capitaine Carlsen (en) se signala du 26 décembre 1951 au 10 janvier 1952 pour avoir refusé quinze jours et quinze nuits durant, au risque de sa vie, de quitter son navire marchand en perdition, le Flying Enterprise8. L'eût-il fait que celui-ci aurait immédiatement eu un statut d'épave, la moitié de sa cargaison étant alors acquise au navire sauveteur. Sa photo debout sur la coque renversée de son navire a fait le tour du monde et reste aujourd'hui encore un exemple pour la marine. ( source Wikipédia ) . Il existe au moins un film et des photos de ce naufrage , ou la raison qui pousse le cdt à rester à bord et sujet à discutions , sa cargaison n'aurait pas été si simple que ça . Mais ça n’empêche , il aurait quitté son bord le navire appartenait à celui qui aurait été assez fou pour monter à bord . Alors je ne sais pas de quand date le fait d'inscrire la mascotte du bord sur le rôle d'équipage , mais vous aurait compris , que la pauvre bête , était prévu pour être abandonné , enfermée dans une pièce à bord , le navire ne pouvait plus être considéré comme abandonné . Les anciens chez moi , nous racontaient que si nous trouvions un navire abandonné , de bien le fouiller et si l'on trouvé un animal à bord , c'était tant pis pour lui .
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Message  Invité Jeu 9 Mai 2013 - 22:07

Nous parlions des navires fantômes ici.
J'en profite pour annoncer que demain, vendredi 10 mai 2013, Thalassa proposera une émission intitulée: "Des Bermudes à la Bretagne: petites et grandes énigmes de la mer".
Un reportage y sera justement consacré à la légende du Hollandais Volant.

Denis.

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