Le Doric (II)

Ayant repris hier l'article Wikipédia sur ce navire, que j'avais ébauché il y a des années, je ne résiste pas à l'idée de vous raconter son histoire.

Le Doric est l'un des deux seuls navires construits pour la White Star dans les années 1920, tous les autres étant récupérés d'autres compagnie. Il voit le jour chez Harland & Wolff, et est l'un des deux seuls navires de la WSL à être propulsé par des turbines : la compagnie et H&W n'avaient pas confiance en cette technologie, qui s'est pourtant révélée très fiable. C'est un petit navire de 180 mètres, avec deux cheminées, qui est mis en service en 1923 sur la ligne du Canada. Rien de bien spécial à dire sur ce service qu'il assure durant dix ans : c'est ce qu'on appelle une carrière sans histoires.



En 1932, avec la crise, la White Star retire du service ses navires qui ne sont pas rentable. C'est le cas du Doric. Puis, pour qu'il ne prenne pas inutilement la poussière, on l'affecte à des croisières d'une quinzaine de jours entre Liverpool et la Méditerranée. En cette période de Saint Valentin, les célibataires frustrés seront heureux de savoir qu'on l'appelait "le navire de Cupidon", vu sa popularité auprès des couples. Lors d'une traversée, ils furent pas moins de 9 couples à se demander en fiançailles ! En 1934, la White Star et la Cunard fusionnent. Le destin du Doric est incertain, mais dans l'immédiat, il continue ses croisières.

Nous sommes le 5 septembre 1935. Le Doric longe le Portugal, dans la nuit et la brume. Il est 3h du matin quand un navire le heurte de plein fouet en avant de la passerelle. La suite est surréaliste. Le commandant fait envoyer un SOS, et une sorte de remake grotesque du naufrage du Titanic se met en route. L'orchestre monte en pyjama sur le pont et joue des airs populaires, accompagné au chant par les passagers. On met à l'eau deux canots, qui s'évanouissent pendant une heure dans la brume... puis reviennent et sont remontés avec leurs passagers. Comme les secours arrivent et que le navire tient le choc, les passagers ont l'autorisation de partir chercher leurs affaires dans leur cabine, du moins quelques unes. Puis on leur sert un petit déjeuner dans la salle à manger ! Ils sont ensuite tranquillement évacués, on ne compte aucun mort.

Peu de temps après, l'équipage mène le Doric dans un port espagnol. On le remet en état pour qu'il retourne en Angleterre. C'est là qu'un inspecteur de la Cunard-White Star évalue les dégâts. La compagnie estime trop cher de réparer un navire qui ne lui servira pas à grand chose. À douze ans seulement, le Doric est aussitôt envoyé à la casse. Courte vie pour un paquebot !

Le site White Star Ship contient parfois des erreurs d'identification des photos, mais je pense que c'est effectivement le Doric. Ou, à la limite, le Regina, qui était son quasi sister ship, lorsqu'il servait pour la White Star.

Douze ans, c'est effectivement court : la moitié de la durée de vie normale d'un paquebot. Si on compare aux 30 ans du Britannic III et aux plus de 70 ans du Germanic... Le plus vieux des navires de la White Star hors Nomadic étant un un petit transbordeur de rien du tout (décidément, ils ont la vie dure !), le Traffic I, qui a servi de 1872 à 1955 !